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tre mille: il y a beaucoup plus de Meftis nés d'Européans, d'Indiens & de Chinois.

La Ville de Manile Capitale de toutes les Ifles, eft fur une grande Baye de l'Ile de Luçon: elle eft fortifiée de dix baftions, avec une petite Citadelle qu'on nomme Sanrago. Elle a au Nord une riviere, & la mer à l'Ouest; elle eft entourée de plufieurs gros Fauxbourgs d'Indiens, où Pon affure qu'il y a cinquante mille ames. En remontant jufqu'à quatre lieuës la riviere, on trouve une fi grande quantité de Hameaux & de Villages fur fes bords, & fur les divers canaux qu'elle forme, ou qui viennent s'y rendre après avoir arrofé cette belle plaine, qu'on s'imagineroit prefque, que cet amas de maisons répandues dans ce va G

XI. Rec.

fte espace, ne fait qu'une feule Ville.

TI y a dans Manile 14. Eglifes très-propres, dont plufieurs feroient admirées dans les premieres Villes de France. Les Eglifes des Villages font bien ornées, & le Service Divin s'y fait avec beaucoup de majesté. Il n'y a point de Paroiffe à la campagne, qui n'ait au moins huit ou dix Muficiens: le Roi d'Espagne les exempte du tribut que les Indiens font tenus de payer.

On ne peut dire jusqu'où va la libéralité des Rois Catholiques, quand il s'agit d'établir Fempire de JESUS-CHRIST dans les lieux de leur domination: le zéle dont ils font animés pour le progrès de la Religion Chrétienne, leur infpire toute forte de moyens de faire adorer le

vrai Dicu à leurs nouveaux Sujets. On envoye chaque année du Mexique cent mille écus dont foixante-dix mille font deftinez à l'entretien des Autels & des Miffionnaires. Les autres fommes qu'on fournit pour une fi fainte œuvre, font encore plus confidérables. Mais auffi quelle confolation pour ces pieux Monarques, de voir par leurs foins l'Idolâtrie détruite dans ces vaftes contrées, où il n'y a pas 200, ans qu'on facrifioit au Démon un nombre infini de victimes humai

-nes.

Après avoir demeuré 7. mois dans ces Ifles, qui font le plus beau pays, le mieux boifé, & le plus agréable à la vuë que j'aie encore trouvé, nous nous embarquâmes fur un bâtiment Efpagnol qui alloit à Malaque dans l'efpérance d'y trouver

quelque Vaiffeau qui fit voile vers la côte de Coromandel.

Ce fut le 17. Février 1709 que nous appareillâmes à l'entrée de la Baye de Manile, & le Lundi 11.deMars nous mouillâmes dans la rade de Malaque. Nous prîmes dans cette traversée plufieurs de ces Oyfeaux qu'on nomme Fous on les appelle ainfi apparemment à caufe de la facilité avec laquelle ils fe laiffent prendre. Ils viennent fe pofer fur les mâts au milieu de l'équipage, & quelquefois même fur les bras des Matelots, & on les prend fans qu'ils penfent à s'envoler que lorfqu'ils fe fentent pris.

Je n'avois point vû encore la mer auffi tranquille qu'elle le fut pendant tout ce trajet. Un Canot auroit pû faire avec nous ces 475. lieuës fur une mer, qui eft terrible lorfque les vents d'Ouest

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foufflent. Il ne nous falloit plus qu'un mois pour nous rendre à Pontichery, fi nous fuffions arrivez quelques jours plûtôt, avant que les Vaiffeaux Portugais ou Arméniens partiffent pour la côte de Coromandel: mais nous fu mes obligez de nous mettre fur un navire More, ce qui fut pour nous une fource de travaux & de difgraces. Permettez-moy, mon Reverend Pere, de vous décrire un peu plus au long cette derniere traverfée: jufqu'icy je ne vous ay rapporté que des événemens affez ordinaires à ceux qui voyagent aux extrémitez du monde; ce que j'ai encore à vous dire, vous fera connoître de quelle maniere Dieu éprouve quelquefois les Miffionnaires avant que de les employer à son service. Le navire étoit petit & n'avoit qu'un pont. Il étoit fi plein

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