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ne connoît point en Europe. De la graine de ces herbes on fait ici une huile qui tient lieu de beurre, & qui eft d'un grand ufage pour les faulces. Les Cuifiniers de France, qui ont le plus rafiné fur ce qui peut réveiller l'appetit, feroient furpris de voir que nos Chinois ont porté l'invention en matiere de ragoût, encore plus loin qu'eux, & à bien moins de frais. On aura peine à croire qu'avec de fimples féves qui croiffent dans leur pays, ou qui leur viennent de Chan-tong, & avec de la farine qu'ils tirent de leur ris & de leur blé, ils préparent une infinité de mets tous différens les uns des autres à la vûë & au goût.

Le terroir ne fouffre point de vigns, cependant toute l'Ifle a du v ́n en abondance. Outre celui que les Mandarins font ve

nir pour leur table d'une Ville du troifiéme Ordre de la Province, qui paffe pour être très-délicat; ces Infulaires ont trouvé le fecret d'en faire d'affez bon d'une efpece particuliere de ris différent de celui dont ils fe nourriffent. Le débit en eft grand parmi le peuple. Voici comment ils s'y prennent pour faire ce vin: ils laiffent tremper le ris dans l'eau, avec quelques ingrédiens qu'ils y jettent, pendant 20. & quelquefois 30. jours: ils le font cuire enfuite: quand il s'eft liquefié au feu, il fermente auffitôt, & fe couvre d'une écume vaporeuse affez femblable à celle de nos vins nouveaux: fous cette écume fe trouve un vin très

s-pur: on le tire à clair, & on le verfe dans des vafes de terre bien verniffés. De la lie qui refte, on fait une eau de vie,

qui n'eft guéres moins forte que la nôtre.

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La fituation de l'Ifle feroit juger que la plupart de ses habitans s'occuperoient de la pesche; néanmoins il y en a très-peu qui foient pefcheurs de profeflion. Le poiffon qu'on y trouve de toute efpece, vient du côté de terre ferme. Une infinité de barques qui en font chargées, y abordent en certaines saisons de l'année. Parmi ces barques, il y en a toujours dix ou douze rem plies de Chrétiens des différentes Eglifes du Continent. Ils ne manquent pas alors de venir me trouver pour fe confeffer, & participer à la fainte Table. C'eft d'ordinaire le jour de l'Afcenfion de N. S. que les hommes fe rendent à mon Eglife: le lendemain ou quelques jours après, je vais dans la maifon d'un Chré

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tien, où les femmes fe raffemblent, & où je leur adminiftre les Sacremens. Je fuis charmé de leur foy & de leur pieté, & je fuis perfuadé que ces pauvres gens feront un jour auffi grands dans le Ciel, qu'ils paroiffent ici bas méprisables aux yeux des

hommes.

Je n'entrerai point dans le détail de toutes les fortes de poif fons qu'on apporte dans l'Ifle; je m'attacherai feulement à quelque efpece particuliere, dont on n'a point de connoiffance en Eu rope. Un de ceux que les Chinois eftiment davantage, & qui pefe environ 40. livres, eft celui qu'ils appellent Tcho kia yu,c'està-dire, l'encairaffé. Ils le nomment ainfi, parce qu'effective ment il a fur le dos, fous le ventre, & aux deux côtés une fuite d'écailles tranchantes rangées en

ligne droite, & pofées les unes fur les autres à peu-près comme font les tuiles fur nos toicts. C'est un poiffon excellent, dont la chair eft fort blanche, & qui reffemble affez à celle du Veau pour le goût.

Quand le tems est doux, on pesche une autre forte de petit poiffon fort délicat, que les gens du pays appellent poiffon de farine à caufe de fon extrême blancheur, & parce que fes prunelles noires femblent être enchaffées dans deux petits cercles d'argent fort brillans. Il y en a dans ces mers une quantité fi prodigieufe, qu'on en tire jufqu'à 40. livres pefant d'un feul coup de filet.

Mais à mon fens le meilleur poiffon qui foit dans toute la Chi ne, eft celui qu'on pesche à la 4°. & 5. Lune: il approche affez de nos Brames de mer, & il pese 5.

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