페이지 이미지
PDF
ePub

le, & l'on en fait des toiles. Il y a une troifiéme forte de terre qui eft ftérile en apparence, & qui cependant eft d'un plus grand revenu que toutes les autres. C'est une terre grife ré pandûë par arpens dans divers cantons de l'Ile du côté du Nord. On en tire une fi grande quantité de fel, que non feulcment toute l'Ifle en fait fa provision, mais qu'on en fournit encore ceux de terre ferme, qui viennent en chercher fecrettement pendant la nuit. Ils l'achetent à un prix modique à caufe des risques qu'ils courent: car s'ils font furpris par les Mandarins, leurs barques & leur fel font confifqués, & de plus ils font condamnés felon les Loix

à quatre ou cinq années de ga. lere. Il y a cependant pour ceux qui font découverts, un moyen M

XI. Rec.

infaillible d'éviter le châtiment: qu'un des amis du coupable, en faluant le Mandarin, faffe gliffer adroitement dans fa botte une dixaine de pistoles, le MandaFin juge auffi-tôt qu'il s'eft trompé, & qu'il a pris pour du fel les diverfes marchandises qui étoient dans la barque.

Il feroit affez difficile d'expliquer comment il fe peut faire que certaines portions de terre difperfées dans tout un pays, fe trouvent fi remplies de fel, qu'el les ne produifent pas un feul brin d'herbe, tandis que d'autres terres qui leur font conti guesy font très-fertiles en blé & en coton. Il arrive même fouvent que celles-ci fe rempliffent de fel, tandis que les autres de viennent propres à être enfe mencées ce font là de ces fe crets de la nature que l'efprit

humain s'efforceroit vainement de pénétrer, & qui doivent fervir à lui faire admirer de plus en plus la grandeur & la puiflance de l'Auteur même de la Na

ture.

- Peut-être ferez-vous bienaife de fçavoir de quelle maniere on tire le fel de la terre dont je parle le voici. On unit d'abord cette terre comme une gla ce, & on l'éleve un peu en talut, afin d'empêcher que les eaux ne s'y arrêtent. Quand le Soleil en a feché la furface, & qu'elle paroît toute blanche des particules de fel qui y font attachées, on l'enleve, & on la met en divers monceaux qu'on a foin de bien battre de tous côtés, afin que la pluye ne puiffe pas s'y infinuer. Enfuite on étend cette terre fur de grandes tables un peu panchées, & qui ont des

bords de 4. ou 5. doigts de hauteur puis on verse dessus une certaine quantité d'eau douce, laquelle pénétrant par tout, entraîne en s'écoulant toutes les particules de fel dans un grand vafe de terre, où elle tombe goutte à goutte par un petit canal fait

expres.

Cette terre ainfi épurée ne devient pas pour cela inutile: on la met à quartier; au bout de quelques jours, quand elle est feche, on la réduit en pouffiere, après quoi on la répand fur le terrein d'où elle a été tirée : elle n'y a pas demeuré 7. à 8. jours, qu'il s'y mêle, comme auparavant, une infinité de particules de fel, qu'on tire encore une fois de la même maniere que je viens d'expliquer.

Tandis que les hommes travaillent ainfi à la campagne, les

&

femmes avec leurs enfans s'oЄcupent dans des cabanes bâties fur le lieu même, à faire bouillir les eaux falées. Elles en remplif fent de grands baffins de fer fort profonds, qui fe pofent fur un fourneau de terre, percé de telle forte, que la flamme fe partage également fous les baffins s'exhale en fumée par un long tuyau dreffé en forme de cheminée à l'extrémité du fourneau. Quand ces eaux falées ont bouilli quelque tems, elles s'épaiffiffent, & fe changent peu-à-peu en un fel très-blanc, qu'on rémue fans ceffe avec une large efpatule de fer, jufqu'à ce qu'il foit entierement fec.

Des forêts entieres fuffiroient à peine pour entrétenir le feu néceffaire au fel qui fe fait pendant toute l'année: cependant on ne trouve aucun arbre dans l'Ifle.

« 이전계속 »