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Manitous dans une natte, & ils les invoquent fans ceffe pour remporter la victoire fur leurs ennemis. Les Charlatans ont pareillement recours à leurs Ma nitous quand ils compofent leur médecine, ou qu'ils pancent leurs malades. Ils accompagnent ces invocations de chants, de danfes, & de contorfions affreufes, pour faire croire qu'ils font agités de leurs Manitous ; & en même tems ils agitent tellement leurs malades, qu'ils leur caufent fouvent la mort. Dans ces diverses agitations, le Charlatan nomme tantôt une bête, & tantôt une autre enfuite il fe met à fuccer la partie du corps, où le malade fent de la douleur: après l'avoir fuccée pendant quelque tems il fe leve tout à coup, & il lui jette une dent d'Ours, ou de quelque animal

qu'il tenoit cachée dans la bouche: Cher ami, s'écrie-t-il, tu as la vie, voilà ce qui te tuoit : après quoi il dit en s'applaudiffant: Qui peut résister à mon Manitou? N'eft-ce pas lui qui eft le maître de la vie? Si le malade vient à mourir, il a auffitôt une fourberie toute prête, pour rejetter cette mort fur une autre cause, qui eft furvenûë depuis qu'il a quitté le malade. Mais au contraire, si le malade recouvre la fanté, c'eft alors qu'on le confidere, qu'on le regarde lui-même comme un Manitou ; & qu'après l'avoir bien payé de fes peines, on lui apporte encore tout ce qu'il y a de meilleur dans le Village pour le régaler.

L'autorité que fe donnent ces fortes de Charlatans, met un grand obftacle à la converfion

des Sauvages: embraffer le Chriftianifme, c'eft s'expofer à leurs infultes, & à leurs violences. Il n'y a qu'un mois qu'une fille Chrétienne en fit l'expérience: elle paffoit tenant fon chapelet à la main devant la cabanne d'un de ces impofteurs: celui-ci s'imaginant que la vûë d'un chapelet femblable avoit causé la mort à fon pere, entra auffi-tôt en fureur, prit fon fufil, & étoit fur le point de tirer fur cette pauvre Néophyte, fans qu'il fut arrêté par quelques Sauvages qui fe trouverent préfens.

Je ne vous dis pas combien de fois j'ai reçu de leur part de pareilles infultes, ni combien de fois j'aurois expiré fous leurs coups, fans une protection particuliere de Dieu, qui m'a préfervé de leur fureur. Une fois entre autres, l'un d'eux m'auroit

fendu la tête d'un coup de hache, fi je ne m'étois détourné dans le tems même qu'il avoit le bras levé pour me frapper. Graces à Dieu, notre Village eft purgé de tous ces fourbes. Le foin que nous avons pris nousmêmes des malades, les remedes que nous leur donnons, & qui opérent la guérifon de la plûpart, ont perdu les Charlatans de crédit & de réputation, & les ont forcés d'aller s'établir ailleurs.

Il y en a pourtant parmi eux qui ne font pas tout-à-fait si brutaux; on peut quelquefois les entretenir, & effayer de les détromper de la folle confiance qu'ils ont en leurs Manitous: mais il n'eft pas ordinaire d'y réüffir. Un entretien qu'un de nos Peres eut avec un de ces Charlatans, vous fera connoître

jufqu'où va leur entêtement à cet égard, & quelle doit être la condefcendance d'un Miffionnaire , pour en venir jusqu'à réfuter des opinions auffi extravagantes que celles dont ils font prévenus.

Les François étoient venus établir un Fort fur le fleuve Ouabache: ils demanderent un Missionnaire, & le Pere Mermet leur fut envoyé. Ce Pere crut devoir auffi travailler à la converfion des Mafcoutens qui avoient fait un Village fur les bords du même fleuve: c'eft une Nation de Sauvages qui entend la langue Illinoise, mais qui par l'attachement extrême qu'elle a pour les fuperftitions de fes Charlatans, n'étoit

pas trop disposée à écouter les instructions du Miffionnaire.

Le parti que prit le P. Mer

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