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ne devoit pas être impuni, c'eft pourquoi je priai les François de ne plus faire de traite avec eux, qu'ils n'euffent reparé l'infulte qu'ils avoient faite à la Religion. Cette punition eut tout l'effet que je fouhaittois: les principaux du Village vinrent deux fois de fuite me témoigner le fenfible regret qu'ils avoient de leur faute, & ils m'engagerent par cet aveu à aller de tems en tems les voir. Mais, il faut l'aun Miffionnaire ne fait pas grand bien auprès des Sauvages, à moins qu'il ne demeure avec eux, & qu'il ne veille continuellement à leur conduite. Sans cela ils oublient bien-tôt les Inftructions qui leur ont été faites, & peu à peu ils retournent à leurs anciens défordres.

vouer,

C'eft cette connoiffance que nous avons de l'inconftance des

Sauvages, qui dans la fuite nous donna beaucoup d'inquiétude fur l'état de la Miffion des Peouarias: l'éloignement où nous étions de ce Village, le plus grand qui foit dans ces quartiers, nous empêchoit d'y faire des excurfions. fréquentes. D'ailleurs les mauvais traittemens qu'ils avoient faits au feu P. Gravier, avoient obligé Meffieurs les Gouverneurs de Canada & de la Mobile, de défendre aux François de faire la traite chez eux. A la vérité plufieurs Chrétiens de ce Village étoient venus fe rendre auprès de nous; mais il y en reftoit beaucoup d'autres, qui n'étant pas foutenus par les Instructions ordinaires, pouvoient chanceler dans la Foy.

Enfin dans le tems que nous pensions aux moyens de rétablir cette Miffion, nous apprîmes de

quelques François qui y avoient fait la traite fecretement , que ces Sauvages étoient fort humiliés de l'abandon où on les avoit laiffés; que dans plufieurs rencontres ils avoient été battus par leurs ennemis, faute de poudre dont ils n'étoient plus fournis par les François ; qu'ils pa

roiffoient vivement touchés de la maniere indigne dont ils avoient traitté le P. Gravier, & qu'ils demandoient avec instance un Miffionnaire.

Ces nouvelles nous firent juger au P. Mermet, au P. de Ville, & à moi, qu'il falloit profiter de la difpofition favorable où étoient les Peouarias pour remettre la Miffion fur fon ancien pied. La Providence nous en fourniffoit un moyen tout naturel: il étoit néceffaire que l'un de nous fît un voyage à Michilli

makinac, c'est-à-dire, à plus de 300. lieues d'ici, pour conférer avec le P. Jofeph Marcft mon frere fur les affaires de nos Miffions dont il eft Supérieur. En faifant ce voyage, on ne pouvoit fe difpenfer de paffer par le Village des Peouarias ; & l'on efpéroit que la présence d'un Miffionnaire les détermineroit à renouveller les inftances qu'ils avoient déja faites, & les marques de repentir qu'ils avoient données. Comme j'étois parfaitement connu de ces Sauvages, le Pere Mermer, & le Pere de Ville me chargerent de l'entreprise. Je partis donc le Vendredy de la femaine de Pafques de l'année 1711. Je n'eus qu'un jour à me préparer à un fi lóng voyage, parce que j'étois preffe par deux Peouarias, qui vouloient s'en retourner, & dont j'étois bien aife

d'être accompagné. Quelques autres Sauvages vinrent avec nous jufqu'au Village des Tamarouas, où j'arrivai le fecond jour de mon départ. J'en partis le lendemain, n'ayant fur moi que mon Crucifix & mon Breviaire, & n'étant accompagné que de trois Sauvages. Deux de ces Sauvages n'étoient pas Chrétiens, & le troifiéme n'étoit encore que Catéchumene.”

Je vous avoue, mon R. Pere, que je fus un peu embaraffé, quand je me vis à la merci de ces trois Sauvages, fur lefquels je ne pouvois guéres compter. Je me repréfentois d'un côté la legereté de ces fortes de gens, que la premiere fantaisie porteroit peutêtre à m'abandonner, ou que la crainte des partis ennemis mettroit en fuite à la moindre allarme. D'un autre côté l'horreur

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