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trouvois. Je ne laiffai pas d'avancer encore un peu pendant deux jours, me trainant comme je pouvois, & étant porté de tems en tems par les deux Sauvages qui étoient reftés avec

moi.

Le troifiéme jour je vis arriver fur le midy plufieurs François qui m'amenoient un canot avec des rafraichiffemens; ils furent étonnés de voir combien j'étois languiffant: c'étoit l'effet de la longue abftinence que j'avois faite, & de la douleur que j'avois reffentie en marchant. Ils m'embarquerent dans leur canot; & comme je n'avois point d'autre incommodité, le repos, & les bons traittemens qu'ils me firent, m'eurent bien-tôt rétabli. Je ne laiffai pas d'être encore plus de dix jours fans: pouvoir me foutenir fur les pieds.

D'un autre côté je fus fort confolé des démarches que firent les Peouarias; tous les Chefs du Village vinrent me saluer, en me témoignant la joye qu'ils avoient de me revoir, & me conjurant d'oublier leurs fautes paffées, & de venir demeurer avec eux. Je répondis à ces marques d'amitié par des témoignages réciproques de tendreffe, & je leur promis de fixer mon féjour au milieu d'eux, auffi-tôt que j'aurois terminé les affaires qui m'appelloient à Michillimakinac.

Après avoir demeuré 15. jours dans le Village des Peouarias, & m'être un peu rétabli par les foins qu'on prit de moi, je fongeai à continuer ma route. J'avois efperé que les François, qui devoient s'en retourner vers ce tems-là, me meneroient avec eux jufqu'à mon terme mais

comme il n'étoit point encore tombé de pluye, il ne leur fut pas poffible de fortir de la riviere. Ainfi je pris le parti d'aller à la riviere de Saint Jofeph dans la Miffion des Pouteautamis, qui eft gouvernée par le P. Chardon. En neuf jours de tems je fis ce fecond voyage, qui eft de 70. lieuës, & je le fis partie fur la riviere, laquelle eft pleine de courans, partie en coupant par les terres. Dieu me conferva d'une façon toute particuliere dans ce voyage. Un parti de Guerriers ennemis des Illinois, vint fondre fur des Chaffeurs à une portée de fufil du chemin que je tenois : ils tuerent l'un d'eux, & en emmenerent un autre dans le Village, qu'ils mirent dans la chaudiere, & dont ils firent un festin de guerre.

Comme j'approchois du Villa

ge des Pouteautamis, le Seigneur voulut bien me dédommager de toutes mes peines par une de ces avantures imprévûës, qu'il ménage quelquefois pour la confolation de fes ferviteurs. Des Sauvages qui enfemençoient leurs terres, m'ayant apperçû de loin, allerent avertir le P. Chardon de mon arrivée. Le Pere vint auffi-tôt au-devant de moi' fuivi d'un autre Jefuite. Quelle agréable surprise, quand je vis mon frere qui se jettoit à mon col pour m'embraffer! Il y avoit quinze ans que nous étions féparés l'un de l'autre, fans cfpérance de nous revoir jamais. Il eft vrai que j'étois parti pour le joindre, mais ce n'étoit qu'à Michillimakinac que devoit fe faire notre entrevûe, & non pas à plus de cent lieuës en de-çà. Dieu lui avoit infpiré fans dou

te le deffein de faire en ce temslà fa vifite dans la Miffion de S. Joseph, afin de me faire oublier en un moment toutes mes fatigues paffées. Nous benimes l'un & l'autre la divine Miféricorde, qui nous faifoit venir de lieux fi éloignés, pour nous donner une confolation, qui fe fent beaucoup mieux qu'elle ne s'exprime. Le P. Chardon participa à la joye de cette heureuse rencontre, & nous fit tous les bons traittemens que nous pouvions attendre de fa charité.

Après avoir demeuré huit jours dans la Miffion de faint Jofeph, je m'embarquai avec mon frere dans fon canot, pour nous rendre enfemble à Michillimakinac. Ce voyage me fut fort agréable, non feulement parce que j'avois le plaifir d'être avec un frere qui m'eft extrêmement

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