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ment inutile. Ainfi je me traînai comme je pus jufqu'à la Peuplade de S. François Xavier où à peine eus-je demeuré quelques jours, que je fentis mes forces revenir peu à peu, & que ma fanté fut bien-tôt rétablie.

Le Seigneur en me rendant la vie, lorfque je me croyois à la fin de ma course, me deftinoit à d'autres travaux. La Peuplade de S. Michel, la plus grande qui foit dans le Paraguay, étoit devenue fi nombreuse, qu'un Miffionnaire ne pouvoit plus fuffire à l'inftruction de tant de Peuples: l'Eglife, quoique fort vaste, ne pouvoit plus les contenir, & les campagnes capables de culture ne rapportoient que la moitié des grains nécessaires pour leur fubfiftance. C'est ce qui fit prendre la résolution de partager la Peuplade, & d'en ti

rer de quoi établir ailleurs une Colonie.

On me chargea de l'exécution de cette entreprise, dont je comprenois toute la difficulté. Il s'agiffoit de conduire quatre à cinq mille perfonnes dans une rafe campagne, d'y bâtir des cabanes pour les loger, & de défricher des terres incultes pour en tirer de quoi les nourrir. Je fçavois d'ailleurs combien les Indiens font attachés au lieu de leur naiffance, & l'aversion extrême qu'ils ont pour toute forte de travail. Les autres difficultés que je prévoyois, ne me paroiffoient pas moins grandes. Néanmoins regardant l'ordre de mes Supérieurs comme me venant de Dieu même, plus j'avois fujet de me défier de mes propres forces, plus je m'appuyai fur le fecours du Ciel; &

à l'inftant toutes mes repugnances s'évanouirent. J'affemblai donc les principaux Indiens qu'on appelle Caziques, (ce font les Chefs des premieres familles qui ont dans leur dépendance quarante, cinquante, & quelquefois cent Indiens, dont ils font abfolument les maîtres.) Je leur repréfentai la néceffité où l'on étoit de diviser leur Peuplade, à cause de la multitude exceffive de ses habitans; qu'ils devoient faire un sacrifice à Dieu de l'inclination qu'ils avoient à demeurer dans une terre qui leur étoit fi chere; que je ne leur demandois rien que je n'euffe pratiqué moi-même, puifque j'avois quitté ma patrie, mes parens, & mes amis, pour venir demeurer parmi eux, & leur enfeigner le chemin du Ciel ; qu'au refte ils pouvoient comp

ter que je ne les abandonnerois pas; qu'ils me verroient marcher à leur tête, & partager avec eux leurs plus rudes travaux.

Ces paroles que je prononçai d'une maniere tendre, firent une telle impreffion fur leurs efprits, qu'à l'inftant 21. Caziques, & 750. familles fe joignirent à moi, & s'engagerent de me fuivre par tout où je voudrois les conduire. Ils renouvellerent leurs promeffes à l'arrivée du R. P. Provincial: Payguacu, s'écrierent-ils en leur langue, aguy yebete yebi yebi oro eniche oro eniche angandebe. C'est-à-dire, grand Pere, (ils appellent ainsi le P. Provincial) nous vous remercions de la vifite que vous voulez bien nous rendre, nous irons volon tiers où vous fouhaitez.

Il n'y a que Dieu qui ait pû mettre dans le cœur des ces In

diens une difpofition fi prompte à l'accompliffement de notre deffein. Dès lors je jugeai favorablement du fuccès, & je ne fongeai plus qu'à me mettre en chemin pour chercher un lieu propre à fonder la nouvelle Colonie. Les principaux Caziques m'accompagnerent à cheval : nous marchâmes toute la journée vers l'Orient, & enfin nous découvrîmes fur le foir un vafte terrain environné de collines & -de bois fort touffus. Au haut de ces collines nous trouvâmes quatre fources extrêmement claires, dont les eaux ferpentoient ·lentement dans les campagnes, & defcendoient dans le fond de la vallée, où elles formoient une petite riviere affezagréable. Les rivieres font neceffaires dans une habitation d'Indiens, parce que ces Peuples étant d'un tempera

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