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Mais au furplus, Marquis, n'ès-tu pas étonné
Que Monrofe aujourd'hui fe trouve abandonné
Par l'homme, fur lequel il comptoit davantage

Arifte?

DORNANE.

L'amitié n'eft point un héritage.

SCENE VI.

ARISTE fans être vis. DORNANE, ARAMONT.

Q

ARAMONT.

Uoi? l'ami le plus cher que le défunt ait eu,
Laifle ainfi fon neveu, tandis qu'il auroit pû
Agir, & lui préter fon heureuse affistance?
Son appui nous feroit d'une grande importance;
Car enfin fon crédit eft plus grand qu'on ne croit
DORNANE.

Il le garde pour lui. Ce n'eft qu'un homme adroit,
Un Courtisan. mafqué par la mifantropie,
Recouvert du manteau de la Philofophie;
Un Politique fombre, équivoque & caché,
Qui fe donne à la Cour pour être détaclié
Des poftes, des emplois, des grandeurs, & des graces;
Mais qui fecrettement vife aux premieres places;
Et dont l'ambition, quand il en fera tems,
Se manifeftera peut-être à nos dépens

AKAMON T.

Cet Arifte pourtant.... il avoit paru prendre
Au deftin de Monrofe un intérêt fi tendre:

Je l'ai crû fon ami..

DORNANE.

Lui? Sur quel fondement ?

Quand on eft tel, croi-moi, l'on s'annonce autrement.
En effet, l'amitié donne un air moins auftére.
Un véritable ami n'a d'autre caractére

Que celui qui nous plaît. Il se régle sur nous,
Il adopte nos mœurs ; il fe fait à nos goûts ;
Il fe métamorphofe au gré de nos caprices;
Il prend nos paffions, nos vertus, & nos vices :
C'est un Caméléon qui reçoit tour-à-tour..
ARISTE s'avançant.

Ce portrait-là, Monfieur, eft celui de l'amour.
DORNANE à part.

C'eft Arifte! Ah, morb'eu!

ARISTE.

Mon abord vous étonne!'

DORNAN E.

Ah! Monfieur, qui pouvoit vous croire là?

ARISTE.

Si j'ai bien entendu votre entretien....

DORNANE à part.

ARISTE.

Les amis de Monrofe étoient fur le tapis.

Perfonne.

Tant pis.

Vous paroiffez avoir épuifé la matiére ;
Et Monrofe vous doit fa confiance entiére.
Oui, par provifion vous nous excluez tous.
Il ne doit plus compter fur d'autres que fur vous.
Vous fuffirez à tout; du moins, je le souhaite.
L'amitié qui fe vante eft fouvent indiscrette.
Cependant trouvez bon qu'au rang de fes amis
Quelqu'autre puiffe encore avec vous être mis.
L'amitié n'admet point de baffes jaloufies..
C'est à l'amour qu'il faut laifler ces frénéfies.

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MONROSE transporté de joye. ARISTE, ARA MONT, DORNANE.

MONROSE à Aramont & Dornane.

MEs amis, prenez part à la joie où je fuis.

Mon bonheur eft prochain; fi j'en crois tous les bruits, On dit qu'en ma faveur la Cour est réunie.

appercevant Arifte,

Ah! Monfieur. C'eft me faire une grace infinie.
Ces Meffieurs font témoins fi depuis mon retour:
Ma fanté m'a permis de vous faire ma cour.

ARISTE.

Votre fanté va bien; je vous en félicite.

DORNANE.

Et moi, de la nouvelle. . . . .

ARAMONT à

part.

En cas de réuffite..

MONROSÉ.

Tout Paris là-deffus n'a qu'une feule voix.

DORNANE.

C'eft qu'il te rend justice. On l'obtient quelquefois, Quand on a le fecret de fe la faire rendre.

Une affaire dépend du tour qu'on lui fait prendre. La fortune & l'amour fe reffemblent tous deux : C'est la même façon pour traiter avec eux.

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Qu'il a fallu te faire écrire, & t'arracher?

Car avec toi, mon cher, à moins de fe fâcher...

MONROSE.

Je trouvois que le ftyle en étoit un peu ferme.

DORNANE.

Eh! tant mieux, Tu voulois mesurer chaque terme.

MONROSE.

Ou du moins adoucir.....

DORNANE.

Va, va, le ftyle eft bien

La foupleffe eft pour nous un indigne moyen

Prefque toujours nuifible, & jamais légitime:
Qui s'abaiffe foi-même eft fa propre victime.
On ne cherche que trop à nous humilier.
Nous devons éxiger, & non pas fuplier,
à Arifte.

N'eft-il pas vrai, Monfieur?

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Oui, je les ai reçus. Devois-je m'en défendre?

ARISTE.

Vous n'empêcherez pas ces bruits de fe répandre ?
DORNANE.

Les empêcher? Je dis que c'eft un coup d'Etat.
On n'y fçauroit donner trop de cours & d'éclat,
Sur la foi de ce bruit heureux & profitable,
Chacun trouve que rien n'étoit plus équitable.
Tout le monde applaudit. Je vous laiffe à penfer
Si la Cour qui le voit, pourra fe difpenfer
D'un acte d'équité que l'on trouve à fa place.
Il ne dépend plus d'elle. Il faut qu'elle le faffe,

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