mais les clameurs que le fanatifme élevoit fans ceffe autour du trône pour confpirer la ruine entière des Proteftans, & les arracher à tous les droits des citoyens. Il fervit du moins à fufpendre quelquetemps la foudre qui devoit un jour éclater contr'eux. Le Gouvernement effaya de les ramener à l'unité de culte & de fentimens, non par des voies de rigueur toujours impuiffantes en pareille matière, mais par la voie de l'inftruction, le feul & vrai moyen pour y réuffir, parce qu'elle éclaire l'efprit, fubjugue le cœur, & porte avec elle les traits caractéristiques de la religion qui repofe fur la modération & la bienfaifance, comme fur fa bafe fondamentale.

Le fage & vertueux Foucault adopta avec tranfport ce plan d'humanité, & le fuivit fans relâche: Affable & infinuant, d'un accès complaifant & facile, libéral & généreux, il traite avec bonté tous les Proteftans de fon département; il verfe en particulier fur eux fes bienfaits, & excite leur reconnoiffance. Aux grâces de la Cour, mêlant fes propres largeffes, il feconde l'activité & les travaux infatigables des Miffionnaires chargés de les inftruire.

Raimond-Antoine de Fouilhac, né au château de Mordeffon en Querci, en 1622, étoit du nombre de ces Miffionnaires. Après divers voyages qu'il avoit fairs à Rome en curieux inftruit, attirant déjà fur lui l'attention de tous les Savans de la France & de l'Italie, l'ami des Baluze & des Fenelon, l'é̟

mule de Caffini, il se rendit à Cahors, où l'Evêque Sevin le nomma Vicaire-général de fon diocèfe. C'est alors que Fouilhac décoré, d'une voix unanime, du beau titre de Père des Prêtres, s'occupa avec un fuccès éclatant, du foin de ramener les Proteftans. Foucault le diftingua bientôt des autres Miffionnaires; il reconnut avec admiration, dans ce vertueux Eccléfiaftique, un littérateur, un antiquaire, un mathématicien, un vrai favant. Formant alors la précieuse collection qui l'a rendu célébre, il s'aida des recherches & des lumières de Fouilhac, à qui il dût le manufcrit de mortibus perfecutorum, attribué à Lactance, & qui fut trouvé dans l'Abbaye de Moiffac. Il follicita de la Cour des ordres pour ouvrir à Fouilhac tous les dépôts publics, & lui laiffer la liberté d'y puifer les matériaux de l'Hiftoire du Querci, à laquelle il travailloit, & dont il a laiffé des mémoires dans lefquels on diftingue la differtation fur Uxellodunum, & la notice des médailles & des antiques qu'il avoit découverts dans le Querci. Fouilhac enrichit par ce moyen d'une foule de manufcrits rares qu'il accompagnoit toujours de remarques critiques & judicieufes, la bibliothéque du Roi, ou plutôt la bibliothèque de la nation, puifque par la facilité qu'ont tous les Savans de les confulter, c'eft plutôt pour elle que pour le Monarque même, qu'on en fait l'amas inestimable.

Les dépofitaires de l'autorité du Souverain , quand ils ne la déployent que pour difcerner le

mérite, & le mettre en œuvre, développent les talens & enflaniment le génie. C'eft en quelque façon à Foucault, autant qu'à Fouillac, qu'on doit toutes ces découvertes intéreffantes dont le Querci fe glorifiera à jamais.

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Non content cependant de ranimer dans cette province le goût des beaux arts, fruits aimables de An. 1678. la paix que Louis-le grand donna à l'Europe par le traité de Nimegue, Foucault voulut auffi décorer la capitale de fa généralité. Grand dans ses projets & capable de les exécuter il franchit le pont Pellot, & choisit au-delà un terrain spacieux fur un rocher baigné par la rivière du Tarn, & dont la vue après s'être repofée fur une plaine immenfe & fertile, s'étend fans obftacle jufqu'aux Pyrénées. Il réunit les reffources de l'art aux charmes de la nature, & forma une promenade à laquelle la reconnoiffance des habitans a impose le nom de Cours Foucault, pour conferver la mémoire de fon auteur, & la faire paffer d'âge en âge.

Pendant que le Querci se livroit à la joie qu'infpiroit à tous les cœurs patriotiques la conclufion récente de la paix, Cahors eut à pleurer la mort de fon Evêque Sevin, Prélat diftingué par ses vertus, & furtout par fes talens. Animé d'un zèle vraiment paftoral & qui ne connoiffoit point de bornes, il diftribuoit avec fruit au peuple le pain de la parole, & rappeloit fon Clergé à la régularité de la difcipline par des ftatuts qui dépoferont aux races futures de fa fageffe, de fon favoir & de fon

amour pour le bon ordre. Il eut pour fucceffeur Louis-Antoine de Noailles, fils d'Anne, Duc de Noailles, Pair & Maréchal de France, qui ayant été élevé au fiége de Châlons, où il fe rendit célébre par fes fameux démêlés fur les affaires du

temps, fut remplacé par Henri Guillaume le Jai, An. 1681. fils de Jacques le Jai, Confeiller au Parlement de Paris, dont la famille a été féconde en grandshommes dans tous les genres.

Les Proteftans ne purent long-temps favourer les douceurs de la paix. La tempête qui gronde bientôt fur leurs têtes, comprime l'épanchement de leurs fentimens patriotiques. Quelques particuliers accrédités, dont l'intolérance indéfinie dirigea toujours les démarches imprudentes & les confeils violens, follicitèrent la ruine entière des Calviniftes. La foudre éclate; leurs cœurs font glacés, & les cris de joie étouffés par les malheurs qui les enveloppent. Dépouillés des charges publiques, exclus des Communautés même méchaniques dont l'exercice eft par lui-même indifférent à la religion, privés fans pitié de leurs enfans qu'on leur arrache avec violence, les Chambres mi-parties fupprimées; le désespoir prend la place des devoirs du fujet & du citoyen. Les Montalbanois oppofent la révolte à ces actes de févérité ; ils prennent les armes.

Déjà l'image des anciennes horreurs fe retrace dans le fein de cette ville infortunée, qu'un prétexte de religion rendit prefque toujours le trifte jouet des diffentions inteftines. Le Premier Préfident Fran

çois d'Auffonne fe réunit à Foucault pour en arrê ter les funeftes progrès. Héritier des talens & des vertus de fon père, fûr de la confiance publique que fa modération lui avoit acquife, il se présente à la populace mutinée; elle rentre dans le devoir.

En vain Foucault & Ausfonne, par le tableau fidelle de ces émeutes populaires, invitent le Gouvernement à ufer de douceur envers des fujets d'ailleurs foumis en eux-mêmes à l'autorité, mais dont il fera toujours dangereux de forcer la croyance, on preffa de plus fort les actes de violence qui donnèrent peu de fujets à la religion catholique, & en enlevèrent un nombre infini à l'état. Des familles entières fugitives portent avec elles chez l'étranger qui les reçoit avec avidité leurs richeffes & leur industrie. Il fut défendu dès-lors aux Proteftans de fortir du royaume. Cette nouvelle défenfe les irrite. Ils penfent déjà être couronnés de la palme du martyre, & quittent avec joie leurs biens & leurs maifons. Le Querci furtout éprouve ces fâcheux inconvéniens. Ses villes font prefque défertes, fes campagnes dépeuplées, fes ateliers abandonnés. L'autorité qui commande les fentimens intérieurs, franchit la limite où toutes les forces humaines expirent; c'eft le fruit des lumières & de la conviction, c'est le triomphe même de la Divinité.

Auffi Foucault, convaincu de l'inutilité de tous ces moyens, & peu propre d'ailleurs par la douceur de fon caractère, à être le Miniftre de ces rigueurs odieufes que la politique réprouvoit autant

que