de nos Fanatiques; c'est-à-dire, on y voit une pieté barbare, qui implore l'aide du Seigneur, pour égorger ceux qu'il nous commande d'aimer; un mélange horrible de Chriftianifme, & de ferocité: en un mot, on y voit un monftre, qui, auprés d'un corps humain qu'il vient de defigurer à coups de pierres; fait encore des voeux au Ciel pour d'autres maffacres.

Cependant les frequens affaffinats, les attroupemens feditieux, & les exhortations à la revolte n'eftoient les pas feules occupations de Brouffon & de Vivens leur principa deffein, comme ils s'en eftoienl fouvent expliquez, eftoit de fe faire accorder des Temples à force de feditions : pour cela les troubles qu'ils excitoient ne fuffifoient point; ils n'avoient

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pû encore attrouper que quelques Rebelles, & ils foupiroient aprés un foulevement general; ils n'avoient fait couler que quelques goutes de fang, & ils le vouloient voir répandre à grands flots.

Dans cette veuë, ils refolurent de faire entrer les Ennemis dans les Cevenes, & de livrer cette Province au fer & à la flamme des Troupes étrangeres. Voici comment ils s'y prirent pour en venir à bout & comme il ne tint pas à eux que ce Projet deteftable ne fuft entierement executé.

Un Religionnaire de la Ville du Vigan, nommé François Huc, qui avoit efté Difciple: de Brouffon, & dont il s'eftoit fervi pour répandre en France les Ecrits feditieux qu'il com pofoir à Lauzane, estoit alors

foldat dans les Troupes que le Comte de Schomberg commandoit en Savoye. Ce fut à ce Soldat qu'ils s'adrefferent, pour proposer à ce Comte, qui eftoit zelé pour leur Secte, de faire entrer les Ennemis dans les Cevenes. La Propofition fut favorablement écoutée, Huc fut envoyé exprés fur les lieux; il fit pour cela divers voyages, eut des Conferences fecretes au Moulin de Beaucoux, prés de Sauve,avec Brouffon & Vivens;. & à fon retour en Savoye, pour le recompenfer de fes courfes & de fa Negociation, il fut fait Capitaine des Barbets.

Le Comte de Schomberg, qui ne manquoit pas de bonne volonté, mais qui voyoit des difficultez infurmontables à exe cuter ce qu'on lui propofoit, Le contentoit d'entretenir les

Revoltez de belles efperances, & differoit toûjours d'en venir à l'execution. Brouffon & Vivens, qui fouffroient ces delais avec impatience, connoiffant d'ailleurs, qu'on ne differoit à leur envoyer le fecours qu'ils demandoient avec tant d'empreffement, que parcequ'on ne oroyoit pas la chofe poffible, refolurent enfin, pour applanir les difficultez d'envoyer au Comte, par un Exprés, un Projet par écrit, fur la conduite qu'on devoit tenir, pour en venir à bout.

Henri, Valet & Confident de Brouffon, fut choifi pour porter ce Projet, ou pour trouver quelqu'un qui le fift tenir fidelement à Geneve, à un Ministre, nommé Pitet, qui, de là, devoit l'envoyer en Savoye. Henri partit, alla jufqu'à Ni

mes; &, y ayant trouvé un guide de fa connoiffance, nommé Gabriël Picq preft à partir pour conduire à Geneve quelques Religionnaires fugitifs, il le chargea du paquet. Ce malheureux le coufut dans fa culote, fe mit en chemin avec la troupe mais ayant esté arrefté, & fouillé aux Portes de Geneve, on trouva fur lui le Pro

jet, écrit de la propre main de Brouffon, comme on le verifia quelque tems aprés, avec une Lettre, en chifres, écrite par Vivens, fignée, Olivier, & dattée, du Desert, du 8. Mars 1691. Le Porteur, le Projet, & la Lettre furent envoyez, pär M. d'lberville, Refident pour le Roi à Geneve, à M. de Bafville. Picq fut oüi, avoüa tout; on le condamna à estre pendu, & il fut executé à Montpelier.