fe fouvenir qu'elles ont plus d'esprit que de tels Juges; mais malheureufement ce n'eft pas le feul cas où le bruit fait taire la raison. Bien des Lecteurs pefent plus les mots que les penfées; fi quelques termes ne leur plaisent pas, ou leur femblent prêter à ce ridicule qu'ils favent donner fi gratuitement, ils s'en tiennent conftamment à ces foibles fujets de dégoût, comme file fentiment qui nous porte à approuver étoit à craindre. Trifte ouvrage d'une fauffe délicateffe qui ne vaut pas le moindre des plaisirs qu'elle nous dérobe. Avec le fecours des Extraits du genre de ceux qui inftruisent, ces préventions Yecrettes qui nous ôtent la liberté de juger, cet afcendant ufurpé fur notre efprit, cette féduction d'un goût faux que nous prenons pour délicateffe, tous ces piéges, dis-je, nous font découverts; & quand même nous ne les appercevrions pas, pas, nous leur échapons par un fentiment de jufteffe qu'établit en nous l'habitude de faire ufage de notre efprit. Vous me faites la' juftice de croire, Madame, que je ne reclame pas ici indifféremment tout ce qu'on nomme Extraits. On ne peut mettre à ce rang certains amas de faits plus ignorés que curieux, fans liaifon, fans fuite, & dénués de toute réfléxion qui inftruise, non plus que de fimples Sommaires qui donnent à peine l'idée d'un Livre ; je parle des Extraits du genre des modéles cités dans ma feconde Lettre. Nous avons vu pendant plufieurs années des jugemens où regnoit prefque toujours cet Esprit critiquè, qui dans le dessein d'amufer s'attache à défigurer les Ouvrages, condamne avec complaisance, ou ne loue un Auteur que pour nuire à quelqu'autre. L'on peut dire que l'infidélité volontaire dans les Extraits eft un manque de probité aussi méprisable que celui qui naîtroit de l'avarice, ou de telle autre fource également odieu fe; fouvent ce n'étoit que dans une fimple annonce que tel Livre nouveau étoit pleinement décrié; car, comme on le fait, la cenfure produit toujours fon effet d'une maniere plus étendue que ne fait un éloge; on n'a pas à craindre que la louange mene trop loin, les Lecteurs qu'elle cherche à préve nir, elle ne les empêchera pas de découvrir les défauts; on peut s'en rapporter fur cela à leur pénétration, & même à leur zéle. Mais dans des Extraits accompagnés de jugemens éclairés, les Ouvrages excellens ou médiocres font exposés par toutes les faces qui les caractérisent; c'est au Lecteur à fe décider: il voit, il connoît, il penfe; effet que produit rarement la maniere de lire ordinaire; tant que le Livre plaît, on va d'une page à une autre; fans réfléxion, on s'abandonne aux idées d'autrui comme fi on n'en avoit point à soi; bientôt la lecture fatigue ou ennuie; on la cesse, & cette impreffion d'ennui eft fouvent tout ce qu'il en refte: l'attention est mieux foutenue par un Extrait raisonné ; l'efprit eft plus en mouvement: il est vrai que ce fecours ne nous mene pas, à beaucoup près, jusqu'à devenir ce qu'on appelle Savans; mais on apprend du moins à faire cas des gens qui font parvenus à l'être, parce qu'on acquiert affés de lumieres pour fentir combien il est aifé d'avoir diverfes connoiffances fuperficielles, & difficile d'être parfaitement inftruit fur une feule matiere; enfin c'est un moyen de faifir le milieu entre l'ignorance qui rend l'efprit ftérile, & le favoir qui fouvent le rend préfomptueux & farouche. Fin du fecond Volume. TABLE DES PIECES Contenues en ce Volume. Differtation. De l'objet qu'on_doit se propofer en écrivant. Page I 69 Difcours de réception de M. de Moncrif à Differtation. Qu'on ne peut ni ne doit fixer Réflexions fur quelques Ouvrages fauffement appellés Ouvrages d'imagination. 103 Lettre à M. Aftruc, fur les Charlatans. Réponse de M. de Moncrif, Directeur de l'Académie Françoife, au Difcours pro- noncé par M. l'Evêque de Bayeux, le jour de fa réception 16 Mars 1743. 134 |