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eurent l'impieté de l'ouvrir, & de brûler fon faint corps. Je demeurai à Bourges cinq femaines, & j'en partis le diLoroy. xiéme de feptembre pour aller à l'abbaye de Loroy, qui ayant été entierement brûlée il y a environ quarante ans

n'a confervé aucun de ses anciens monumens. On la rebâtit prefentement avec beaucoup de propreté. J'en partis le lenChalivoy, demain pour aller à Chalivoy, où je n'arrivai que fort tard, avec un homme que je fus obligé de prendre pour m'y mener. Cette abbaye femble avoir été autrefois affez confiderable; mais aujourd'hui on la prendroit plutôt pour une grange, que pour un monaftere. Il y a pourtant un affez bon nombre de titres, & j'y passai un jour tout entier. Je laissai l'abbaye de faint Satur, parce que l'on m'avoit dit que les titres en avoient été transportez à Paris, & comme je n'é. LaCharité. tois qu'à deux petites lieuës de la Charité fur Loire, je crus que je devois y aller, quoyque ce monaftere foit du diocese d'Auxerre, que je n'avois pas encore deffein de parcourir. J'y fus reçu avec toutes les demonftrations poffibles de bonté par nos RR. PP. reformez de Cluni, qui m'édifierent beaucoup par leur zele à foutenir le bien que Dieu a mis dans leur reforme, & faire revivre les obfervances dont ils pourroient être déchus. Ils me dirent que durant le grand procés qu'ils avoient eu avec monfieur le cardinal de Bouil. lon pour la manutention de leur reforme, ils avoient eu recours à Dieu par de continuelles prieres, & que pour le flechir, ils s'étoient tous privez volontairement deux fois la femaine de poiffon, & avoient chanté tous les jours une grande meffe. Ils étoient fort en peine du fuccés de leur chapitre general, qui devoit fe tenir à Cluni dans peu de jours, & je les voyois tous bien refolus de foutenir leur obfervance. Le R. P. Dom Louis Evrard qui a été autrefois maître des novices, & prieur en plufieurs maisons, le P. fouprieur & le P. Dom Eustache me témoignerent fur tout beaucoup d'amitié. Celui-cy me fit voir un ancien manufcrit qui contient la regle & les fermons de faint Colomban, ce qui me feroit prefque croire que la regle de faint Colomban conjointement avec celle de faint Benoift auroient été d'abord obfervées au monastere de la Charité, plutôt que celle de faint Bafile, comme l'ont écrit ceux qui ont fait l'histoire de la Charité, fans en apporter aucune preuve.

Ce monaftere originairement étoit bâti à une demie lieuë

de l'endroit où il eft aujourd'hui, proche de l'ancienne ville de Seir, qui ne fubfifte plus. Ayant été détruit par les Wandales, il fut rétabli par le roy Pepin, qui y mit des re. ligieux de faint Benoift, lefquels n'y demeurerent pas longtemps, parce que le monaftere fut peu aprés ruiné par les barbares. Geoffroy de Nevers évêque d'Auxerre ayant rebâti l'églife en l'honneur de la fainte Vierge, la donna à faint Hugues abbé de Cluni, qui en 'fit un celebre monaftere, & la premiere fille de l'ordre, dont il donna la conduite au prieur Girard, confideré dans Cluni comme un Saint. On dit qu'il y avoit fous cet illuftre prieur deux cens religieux à la Charité, qui furent enfuite reduits à cent prêtres & vingt novices, puis à quatre-vingt-dix, quatrevingt, & enfin à foixante, ce qui dura jufqu'à Robert de Lenoncour premier prieur commendataire, qui les reduifit à trente, lefquels aprés l'incendie du monaftere arrivé fort peu aprés furent encore reduits à 17 fi j'ai bien retenu.

Le`monastere de la Charité se reffent encore aujourd'hui de fon ancienne fplendeur; l'églife qui n'eft qu'un retranchement de la premiere, brûlée & ruinée par les heretiques, ne laiffe pas d'être encore fort grande & fort belle; l'autel eft recent, fait en forme d'urne, fimple, mais beau dans fa fimplicité. Il y a dans le fond de l'églife deux chapelles, sous lefquelles il y a des caveaux qui fervent de cimetière aux religieux. Le refectoire peut paffer pour un des plus beaux & des plus grands du royaume. Car il a cent trente-huit pieds & demi de longueur, trente-fept pieds quatre pouces de largeur, foixante & un pieds de hauteur fous le lambris, & foixante & quinze au deffus du pignon. Deffous ce refectoire est une fort belle cave voutée de même longueur. Outre ce refectoire où les religieux mangent durant l'été, il y en a un autre pour l'hyver, qui eft vouté, plus petit, & plus chaud, qui n'eft qu'un retranchement du chapitre. Les cloîtres font fort beaux, grands & voutez; grands & voutez, du grand cloître de la communauté on entre dans les cloîtres des novices & des infirmes qui fe joignent. Les anciens appartemens des hôtes étoient autrefois magnifiques. Ils fubfiftent encore aujourd'hui, quoyqu'employez à d'autres ufages. Ils font hors de l'enclos regulier, à l'entrée du monaftere; & au bout des bâtimens on voit une ancienne chapelle dédiée à faint Denis, où on difoit la meffe aux hôtes. Nous pouvons de-là

Font-mo

nigni,

Noirlac.

juger du foin que nos peres avoient de ne point troubler la retraite des religieux. Hervée tres. faint abbé de Marmoutier fit dans la même vûë bâtir un beau logis pour les hô tes à l'entrée de fon monaftere, afin que les étrangers n'en. trant point dans les lieux reguliers, les religieux ne perdiffent rien de leur efprit de retraite.

De la Charité, je fus à l'abbaye de Font-morigni de l'ordre de Câteaux. C'est un monaftere tout ruiné, qui eft poffedé par des religieux reformez, qui y vivent dans une grande pauvreté. Les mazures de l'églife font juger qu'elle étoit autrefois affez belle; pour le refte des lieux reguliers on ne peut les regarder fans gemir: ces bon peres me reçurent avec beaucoup de cordialité, & me firent voir leurs archives, dans lefquelles je trouvai une chose affez finguliere, qui est qu'en 1238 une Ifabeau veuve d'un Berenger étoit fœur converse à Font-morigni. Lorfque je lus au prieur la charte où cela étoit énoncé, il en fut d'autant plus furpris, que dans l'ordre de Cîteaux on a toûjours eu en horreur d'admettre des femmes dans les granges des monafteres.

L'abbaye de Noirlac où je fus de Font-morigni a confer vé plus de reftes de fon ancienne fplendeur. Les cloîtres, le chapitre, le parloir, le noviciat, le refectoire, la cuifine marquent quelque chofe de grand. La cheminée de la cuifine eft d'une structure finguliere. Car elle eft double & s'avance jufqu'au milieu de la cuifine, on me dit que monsieur le prince l'ayant vûë, ne pouvoit ceffer de l'admirer. L'églife eft encore toute entiere, les chaires du chœur fe reflentent de la fimplicité du temps de faint Bernard. Je n'en ai vû que fort peu de femblables. L'abbé de Clairvaux faifant fa vifite, en fit retrancher la moitié.

Cette abbaye eft fituée à une demie lieuë de Saint-Amand, & dans fon origine elle fut appellée la Maison-Dieu. On prétend que le nom de Noirlac de Nigro lacu luy a été donné à caufe de la mort du jeune Ebbon de Charenton fils du fondateur, qui fe noya étant encore enfant dans un lac voifin; ce qui paroît une fable, parce que l'on trouve une charte de cet Ebbon, qui confirme la fondation que fon pere avoit faite, & qui par consequent n'étoit pas mort dans un âge fi rendre. On voit dans le chapitre les tombeaux du pere & du fils avec ceux de leurs femmes, dont les feigneurs de la Châtre ont fait effacer la qualité de fondateur, qu'ils veulent

s'attribuer; mais fi la tombe d'Ebbon de Charenton le pere ne parle plus, fa fondation & la confirmation de la fondation faite par fon fils donneront éternellement le démenti à ces meffieurs. Manrique dit que l'abbaye de la Maison-Dieu, ou de Noirlac, fut fondée l'an 1136, & qu'elle eut pour premier abbé Robert neveu de faint Bernard,qui la gouverna l'efpace de 58 ans. Cependant l'acte de la fondation n'est daté que de l'an 1150, & l'on trouve dans un titre de 1175 un Franco abbé, qui felon fon épitaphe fut le troifiéme de la Maison Dieu, & un Guillaume qui fut le quatriéme abbé, à qui le jeune Ebbon de Charenton confirma l'an 1189 la fondation faite par fon pere. Ce qui renverse tout le fyftême du long gouvernement de l'abbé Robert neveu de faint Bernard, que nous ne nions pas pour cela avoir été abbé de Noirlac, puifque le livre de l'Exorde de Cîteaux le dit pofitivement.

Je partis de Noirlac le jour de faint Michel de grand matin pour aller à l'abbaye de Charenton, où madame de Mont- Charenton gon de Beau-verger qui en eft abbeffe me reçut avec une bonté, que je ne puis exprimer. Cette abbaye eft fort ancienne, & reconnoît pour les fondateurs les difciples de faint Colomban. On voit encore dans l'églife un fepulcre de pier. re qu'on dit être celuy de faint Chalan disciple de ce Saint; fur le couvercle duquel on voit ce monogramme.

AW

Au commencement du douzième fiecle, Leger archevêque de Bourges de l'autorité du faint Siege en chaffa les religieuses, & mit en leur place des chanoines reguliers; mais aprés la mort de ce prelat, le chapitre de Bourges expulfa les chanoines, & rappella les religieuses, qui depuis ce tempsy font toûjours reftées. Au commencement du feiziéme fiecle, madame d'Amboife qui en étoit abbeffe, foumit le

monastere à la congregation naiffante de Chezal Benoist, & reçut une espece de reforme, qui fut depuis embraffée par quelques autres abbayes, & on tira de Charenton des religieules pour gouverner les abbayes de faint Laurent de Bourges, de faint Pierre de Lyon, de faint Menouft & encored'autres. Dans la fuite cette reforme s'affoiblit de telle forte par la negligence de quelques abbeffes, que le fpirituel & le temporel en fouffrirent beaucoup, fi bien que madame de la Rochefoucault nommée abbeffe de Charenton ayant vû l'état de fa maifon, n'eut pas le courage d'y demeurer, & en fit fa démiffion entre les mains du roy, qui luy donna l'abbaye du Paraclet, & nomma à celle de Charenton madame Renée de Megrigny, que Dieu avoit deftinée pour en être la reftauratrice.

Cette illuftre abbeffe iffuë d'une noble maison affez connuë en France, avoit été élevée à la pieté dés fes plus tendres années dans l'abbaye de Malnoue proche de Paris. Agée de feize ans, elle s'y confacra à Dieu par les vœux folemnels de la vie religieufe. Son bel efprit & fes rares qualitez jointes à fa vertu, la firent aimer de tout le monde, & obligerent fes fuperieures à luy confier l'economie de la maifon; charge dont elle s'acquitta au grand contentement de toutes fes fours. Dieu qui la deftinoit à quelque chose de plus grand, la faifoit paffer par ces fortes d'emplois, pour la former, & luy apprendre à rétablir une maison ruinée. Madame de Rohan abbeffe de la Trinité de Caën, ayant été transferée à Malnouë, fit fes délices de madamè de Megrigny, & lorfque de Malnouë elle alla à Paris s'établir au prieuré du Chaffemidy, elle voulut l'avoir auprés d'elle pour fe fervir de fon confeil, & de fon fçavoir faire; ce qui luy réüffit fi bien, qu'on peut dire, que s'il y a quelque bien & du bon ordre dans cette maifon, c'eft à madame de Megrigny qu'on en eft redevable.

L'abbaye de Notre-Dame de Charenton fur la riviere de Marmande étant venu à vaquer par la demiffion de madame de la Rochefoucaut, monfieur de Mefgrigny fon pere la demanda au roy, & l'ayant obtenue y amena luy même fa fille, la faifant paffer par fes terres par une finguliere providence; car par tout où elle paffoit, elle eut f in de fe fournir de linge, de vaiffelle, & de beaucoup d'autres petits meubles,qui luy furent d'un trés- grand fecours : car lorfqu'elle

arriva

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