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Que je l'adore, et qu'elle est blonde
Comme les blés.

Je fais ce que sa fantaisie
Veut m'ordonner,

Et je puis, s'il lui faut ma vie,
La lui donner.

Du mal qu'une amour ignorée
Nous fait souffrir,

J'en porte l'âme déchirée
Jusqu'à mourir.

Mais j'aime trop pour que je die
Qui j'ose aimer,

Et je veux mourir pour ma mie,
Sans la nommer.

A MADAME CNE T.

RONDEAU

Dans son assiette arrondi mollement,
Un pâté chaud, d'un aspect délectable,
D'un peu trop loin m'attirait doucement.
J'allais à lui. Votre instinct charitable
Vous fit lever pour me l'offrir gaîment.

Jupin, qu'Hébé grisait au firmament,
Voyant ainsi Vénus servir à table,
Laissa son verre en choir d'étonnement
Dans son assiette.

ouvais-je alors vous faire un compliment? La grâce échappe, elle est inexprimable;

Les mots sont faits pour ce qu'on trouve aimable;
Les regards seuls pour ce qu'on voit charmant,
Et je n'eus pas l'esprit en ce moment

Dans son assiette.

LE MIE PRIGIONI

C'est une belle perspective,
De grand matin,

Que des gens qui font la lessive
Dans le lointain.

Pour se distraire, si l'on bâille,
On aperçoit

D'abord une longue muraille
Puis un long tort.

Ceux à qui ce séjour tranquille
Est inconnu
Ignorent l'effet d'une tuile
Sur un toit nu.

Je n'aurais jamais cru moi-même,
Sans l'avoir vu,

Ce que ce spectacle suprême

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Quand ce temps viendra, d'un amant

Je serai le parfait modèle,

Trop bête pour être inconstant,

Et trop laid pour être infidèle.

Mais vous serez encor trop belle

Dans dix ans.

THÉOPHILE GAUTIER (1811-1872)

LES VIEUX GROGNARDS

Par l'ennui chassé de ma chambre,
J'errais le long du boulevard:

Il faisait un temps de décembre,
Vent froid, fine pluie et brouillard;

Et là, je vis, spectacle étrange,
Echappés du sombre séjour,
Sous la bruine et dans la fange
Passer des spectres en plein jour.

La chose vaut qu'on la regarde:
Trois fantômes de vieux grognards,
En uniformes de l'ex-garde,

Avec deux ombres de hussards!

Ce n'étaient pas les morts qu'éveille

Le son du nocturne tambour,

Mais bien quelques vieux de la vieille
Qui célébraient le grand retour.

Depuis la suprème bataille,
L'un a maigri, l'autre a grossi;
L'habit, jadis fait à leur taille,
Est trop grand ou trop rétréci.

Nobles lambeaux, défroque épique,
Saints haillons, qu'étoile une croix,
Dans leur ridicule héroïque

Plus beaux que des manteaux de rois!

Ne les raillez pas, camarade;
Saluez plutôt chapeau bas
Ces Achilles d'une Iliade
Qu'Homère n'inventerait pas.

Respectez leur tête chenue.

Sur leur front, par vingt cieux bronzé,

La cicatrice continue

Le sillon que l'âge a creusé.

Leur peau, bizarrement noircie,
Dit l'Egypte aux soleils brûlants;
Et les neiges de la Russie

Poudrent encor leurs cheveux blancs.

Si leurs mains tremblent, c'est sans doute Du froid de la Bérésina;

Et, s'ils boitent, c'est que la route

Est longue du Caire à Wilna.

S'ils sont perclus, c'est qu'à la guerre
Les drapeaux étaient leurs seuls draps;
Et, si leur manche ne va guère,
C'est qu'un boulet a pris leur bras.

Ne nous moquons pas de ces hommes
Qu'en riant le gamin poursuit ;
Ils furent le jour dont nous sommes
Le soir et peut-être la nuit.

Quand on oublie, ils se souviennent.
Lancier rouge et grenadier bleu,
Au pied de la Colonne ils viennent
Comme à l'autel de leur seul dieu.

Là, fiers de leur longue souffrance,
Reconnaissants des maux subis,
Ils sentent le cœur de la France
Battre sous leurs pauvres habits.

Aussi les pleurs trempent le rire
En voyant ce saint carnaval,
Cette mascarade d'empire,
Passer comme un matin de bal.

Et l'aigle de la grande armée
Dans le ciel qu'emplit son essor,
Du fond d'une gloire enflammée
Étend sur eux ses ailes d'or.

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