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SECTION III.-VERS LIBÉRÉS

HENRI DE RÉGNIER (born 1864)

J'entends la mer

ODE MARINE

Murmurer au loin, quand le vent
Entre les pins, souvent,

Porte son bruit rauque et amer

Qui s'assourdit, roucoule ou siffle, à travers
Les pins rouges sur le ciel clair...

Parfois

Sa sinueuse, sa souple voix

Semble ramper à l'oreille, puis recule
Plus basse au fond du crépuscule
Et puis se tait pendant des jours
Comme endormie

Avec le vent,

Et je l'oublie...

Mais un matin elle reprend
Avec la houle et la marée,

Plus haute, plus désespérée,

Et je l'entends.

C'est un bruit d'eau qui souffre et gronde et se lamente Derrière les arbres sans qu'on la voie,

Calmée ou écumante

Selon que le couchant saigne ou rougeoie,
Se meurt ardent ou s'éteint tiède...

Sans ce grand murmure qui croît ou cesse,
Et roule ou berce

Mes heures, chacune, et mes pensées.

Sans lui, cette terre crue

Et crevassée

Que çà et là renfle et bossue
Un tertre jaune où poussent roses
De rares fleurs chétives qui penchent,
Sans lui, ce lieu âpre et morose
D'où je ne vois qu'un horizon pauvre
De solitude et de silence

Serait trop triste à ma pensée.

Car je suis seul, vois-tu. Toute la vie
M'appelle à son passé encor qui rit et crie
Par mille bouches éloquentes

Derrière moi, là-bas, les mains tendues,
Debout et nue;

Et moi, couché

Sur la terre durcie à mes ongles en sang,
Je n'ai pour y sculpter mon rêve frémissant
Et le rendre éternel en sa forme fragile
Qu'un peu d'argile,

Rien d'autre

Pour façonner mes médailles mélodieuses
Où je sais dans la glaise ocreuse

Faire, visage d'ombre ou profil de clarté,
Sourire la Douleur et pleurer la Beauté...

Mais dans mon âme au loin l'amour gronde ou roucoule
Comme la mer là-bas, derrière les pins rouges.

-Les Médailles d'argile, pp. 107-109.1

1 By kind permission of the publishers, La Société du Mercure de France; Paris, 1900.

H. F. VIÉLÉ-GRIFFIN (born 1861)

AURORE

Claire et pâle, l'aube éclose
Aux plis des collines luit et pose
Son frêle baiser de chose en chose.
-Claire et pâle de chose en chose—
L'aube est pâle comme une qui n'ose;
Alors on a dit: le jour a peur,
Qu'il envoie une telle avant-courrière
Il hésite et s'attarde en arrière;
Car il ne sait ni qui vit ni qui meurt;
Le jour a peur.

Mais elle a rougi de honte rose,

L'Aurore, comme une qui craint, mais qui ose,

Et, redressant sa svelte taille,

Elle a repoussé le double ventail,

Et, derrière elle, cédant sous l'effort,

Le voile onde et se rompt:

La troupe des nymphes claire plonge et vire,
Sur un seul front,

Du sud au nord,

Poussant tout l'horizon:

Le soleil jaillit comme un chant de lyre!

-Joies.1

1 By kind permission of the publishers, La Société du Mercure de France; Paris, 1888-89.

SECTION IV. SONNETS

ESTIENNE DE LA BOËTIE (1530-1563)
MÉDOC

Ce jourd'huy du Soleil la chaleur altérée
A jauny le long poil de la belle Cérès:
Ores il se retire et nous gaignons le frais,
Ma Marguerite et moy, de la douce seree;

Nous traçons dans les bois quelque voye esgarée;
Amour marche devant et nous marchons après.
Si le vert ne nous plaist des espesses forests,
Nous descendons pour voir la couleur de la prée;
Nous vivons francs d'esmoy et n'avons point soucy
Des Roys, ny de la cour, ny des villes aussi.
O Médoc, mon païs solitaire et sauvage,

Il n'est point de païs plus plaisant à mes yeux:
Tu es au bout du monde, et je t'en aime mieux:
Nous sçavons après tous les malheurs de nostre age.
-Sonnet XXIV (1571).

RONSARD (1524-1585)

SONNET POUR HÉLÈNE

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, devidant et filant,

Direz chantant mes vers, en vous esmerveillant:
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.

Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.

Je seray sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendray mon repos:
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain:
Cueillez dés auiourdhuy les roses de la vie.

SONNET POUR MARIE

Comme on voit sur la branche au mois de May la rose En sa belle jeunesse, en sa première fleur,

Rendre le ciel ialoux de sa vive couleur,

Quand l'Aube de ses pleurs au poinct du jour l'arrose:
La grace dans sa fueille, et l'amour se repose,
Embasmant les jardins et les arbres d'odeur:
Mais batue ou de pluye, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt fueille à fueille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoroient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçoy mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.

A HÉLÈNE

Si tu m'aimois de bouche autant comme d'escrit
Je serois bien heureux. Ta lettre est amoureuse,
Ta parole au contraire est dure et rigoureuse
Qui la douceur d'Amour de son fiel enaigrit.

Bienheureux l'escrivain qui les lettres t'apprit
Et ta nourrice soit maudite et malheureuse,
Qui t'apprit à parler d'une voix si douteuse,
Voix qui trouble mes sens et me tourne l'esprit.
Maistresse, s'il te plaist que mon cœur se console,
Hay moy par escriture et m'aymes de parole,
Sans tromper ton escrit, de l'esprit serviteur.

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