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suffisante, que la prospérité d'un gouvernement affermi. On en avait la preuve dans cette période de plus de quatre-vingts ans, qui s'écoula depuis Trajan jusqu'au dernier des Antonins, sous des souverains comptés parini les meilleurs dont le Monde ait conservé la mémoire. L'Histoire remarque que les nations furent alors aussi bien gouvernées qu'elles pouvaient l'être, parce que la vertu était sur le trône avec une philosophie qui se piquait d'être éminemment morale et religieuse, comme celle de notre siecle s'est piquée de n'être ni l'un ni l'autre. La vertu régna comme la loi : la Terre fur heureuse et le génie fut muet. Il y eut encore quelques hommes d'esprit et de goût, tels que le critique Longin, le moraliste satyrique Lucien, et par la suite des historiens du second ordre, tels qu'Ammien Marcellin, Hérodien et d'autres; mais dans l'éloquence et la poésie, Rome et la Grece étaient réduites aux déclamateurs et aux sophistes, les uns occupés à vendre des

louanges, les autres enfoncés dans les disputes de l'école.

Cependant vers le milieu du quatrieme siecle, lorsque l'Empire romain, chancelant sous le poids de sa grandeur, était forcé de se partager pour se soutenir; lorsque Rome n'était déjà plus la seule capitale du Monde, quand les ressorts de l'autorité étaient affaiblis, quand les Barbares menaçaient de tous côtés le peuple dominateur et corrompu, qui ne se défendait plus que par sa discipline militaire, une éloquence nouvelle naquit avec une nouvelle religion qui, des prisons et des échafauds, venait de monter sur le trône des Césars. Cette voix auguste et puissante était celle des orateurs du christianisme; et le cercle des préjugés particuliers rétrécit tellement les idées, que peut-être entendra-t-on ici avec quelque surprise des noms qui ne sont guere plus cités parmi nous que dans les chaires évangéliques, et qu'on s'étonnera de voir au rang des successeurs de Cicéron et de

Démosthene, des hommes en qui l'on n'est accoutumé de ne voir que les successeurs des apôtres (1). Mais sans blesser le respect qu'à ce

ce dernier titre doivent tous les Chré

(1) Dans le compte qu'a rendu de cette séance un des coopérateurs des Nouvelles politiques, distingué par sa touche spirituelle et fine, il est dit que ce morceau a fait languir un moment l'attention, et qu'il aurait été applaudi il ya vingt ans. Je puis assurer que ce même morceau, où je n'ai rien changé, fut applaudi en 1788. Ce n'est pas qu'il y eût alors plus de religion qu'aujourd'hui; il y en avait moins; mais c'était une autre espece d'incrédules : ceux d'alors l'étaient de la façon de Voltaire; ceux d'aujourd'hui le sont de la façon de Chaumette et d'Hébert. Les hommes instruits sentaient que l'orateur remplissait une partie essentielle de son sujet, en examinant une époque aussi remarquable que celle de l'éloquence chrétienne, la seule qui fut connue dans le Monde pendant plusieurs siecles. Ils savaient qu'il n'était pas impossible qu'on fut un saint et pourtant qu'on ne fût pas un sot; qu'on pouvait louer le génie et les vertus d'un saint, même sans être dévot, comme Voltaire a loué S. Louis; qu'on pouvait aller jusqu'à nommer S. Augustin et S. Chrysostême sans faire une capucinade. Au reste, ce que j'en dis n'est pas pour me plaindre; au contraire, c'est pour nous féliciter de nos progrès. Du tems de Joseph Lebon, celui qui aurait nommé un saint, eût été égorgé sur le champ. Aujourd'hui les athées jacobins se contentent de crier à la dévotion en attendant mieux. Quel pas nous avens fait!

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tiens aux Basile, aux Grégoire, aux Chrysostôme, je puis les considérer ici principalement sous le rapport des talens et du génie. Pourquoi faudrait-il détourner les yeux quand nous rencontrons ces grandshommes à la place qu'ils doivent occuper dans le tableau des différens âges littéraires? Sans doute ils appartiennent particuliérement à l'Église, qui les a consacrés à la vénération publique : c'est surtout à elle à rappeler les services qu'ils ont rendus à la religion, les victoires qu'ils ont remportées sur l'hérésie, les exemples qu'ils ont donnés de la sainteté pastorale, les lumieres qu'ils ont répandues parmi les peuples, les tourmens qu'ils ont soufferts pour la foi; mais ils appartiennent aussi à l'Histoire et aux lettres humaines. L'Histoire, en nous affligeant du récit des crimes qui furent alors, comme dans tous les tems, ceux de la tyrannie, de l'ambition et du fanatisme, nous offre le contraste de tant d'horreurs dans le portrait fidele et avoué de ces héros de l'évangile. L'Histoire nous présente en

eux les plus touchans modeles des plus pures vertus; nous les fait voir réunissant la dignité du caractere à celle du sacerdoce, une douceur inaltérable à une fermeté intrépide, adressant aux empereurs le langage de la vérité, au coupable celui de sa conscience qui le tourmente, et de la justice céleste qui le menace; à tous les malheureux, celui des consolations fraternelles. Les lettres les réclament à leur tour, et s'applaudissent d'avoir été pour quelque chose dans le bien qu'ils ont fait à l'humanité, et d'être encore, aux yeux du Monde, une partie de leur gloire elles aiment à se couvrir de l'éclat qu'ils ont répandu sur leur siecle, et se croiront toujours en droit de dire qu'avant d'être des confesseurs et des martyrs, ils ont été de grands-hommes; qu'avant d'être des saints, ils ont été des

orateurs.

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En les regardant sous ce point de vue, soit que l'on mette à part l'inspiration divine, soit que l'on reconnaisse encore la Providence dans les moyens naturels dont

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