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l'effet, suivant les diverses structures de la phrase, arrêtée sur l'hémistiche d'une maniere plus ou moins distincte : c'est ce que nous enseigne Voltaire dans ces vers, qui sont à la fois une leçon et un modele.

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Qu'un repos uniforme attache auprès de lui.

Que votre phrase heureuse ― et clairement rendue
Soit tantôt terminée et tantôt suspendue.

C'est le secret de l'art. Imirez ces accens

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Dont l'aisé Jéliotte avait charmé nos sens.
Toujours harmonieux et libre sans licence,
Il n'appesantit point ses sons et sa cadence.
Sallé-dont Terpsicore avait conduit les pas,
Fit sentir la mesure et ne la manqua pas.

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« On a dû voir que la phrase est contenue tantôt » dans un demi-vers, tantôt dans un vers entier, » tantôt dans deux. On peut même ne compléter le sens qu'au bout de huit, de dix, de douze vers,

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quand on sait faire la période poétique, et c'est » ce mélange qui produit l'harmonie. »

Mais que fait Ronsard ? Toujours rempli des Grecs et des Latins, il veut en français procéder comme eux, et il va sans cesse enjambant d'un vers à l'autre.

Cette nymphe royale est digne qu'on lui dresse

Des autels.....

Les

Les Parques se disaient : Charles, qui doit venir

Au monde.....

Je veux, s'il est possible, atteindre à la louange
De celle.....

>

Il ne s'apperçoit pas que placer ainsi une chute de phrase au commencement d'un vers, est tout ce qu'il y a de plus ridicule et de plus baroque et qu'alors, pour me servir d'une expression triviale, mais juste, le vers tombe sur le nez, ou plutôt qu'il n'y a plus de vers. Je n'aurais pas même insisté là-dessus, si de nos jours on n'avait pas poussé l'absurdité jusqu'à vouloir reproduire ce mécanisme grossier. Qui le croirait, si des ouvrages qui ont fait du bruit un moment ne l'attestaient pas, que Ronsard ait été sur le point de redevenir le législateur de notre poésie après les Racine et les Boileau, et qu'on ait presque érigé en systême l'ignorance la plus honteuse du rhythme de notre versification? Il est de l'intérêt des lettres et du goût de rappeler de tems en tems ces exemples, qui font voir de quel travers est capable l'impuissance orgueilleuse, qui, ne pou vant pas même innover en extravagance, croit se relever en renouvelant de vieilles erreurs et rajeunissant de vieux abus. Et de quel point eston parti pour en venir là? Nos grands écrivains. Cours de littér. Tome IV.

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avaient fait de la langue et de la versification ce qu'il est possible d'en faire, et l'ambition du talent doit être de produire des beautés nouvelles par les mêmes moyens, reconnus les seuls bons, les seuls praticables. Cela est difficile, il est vrai: on a donc pris un autre parti; on a abusé d'un aveu qu'ils avaient fait de l'infériorité de ces moyens, comparés à ceux des langues anciennes; mais loin de reconnaître avec eux qu'il faut se servir de son instrument quel qu'il soit, et non pas le dénaturer, on a trouvé plus court de dire qu'ils n'y entendaient rien; que la langue de Racine et de Voltaire était usée; qu'il fallait en créer une nouvelle; que notre poésie, qui pourtant est assez vivante dans leurs ouvrages, se mourait de timidité; qu'il n'y avait point de mot qu'on ne pût faire entrer dans la poésie noble, et cent autres assertions aussi folles, répétées magistralement par des journalistes qui ont le privilége de nous enseigner tous les jours ce qu'ils n'ont jamais appris. L'exécution est venue à l'appui de cette belle théorie; et sous prétexte d'égaler les Grecs et les Latins, on nous a fait une foule de vers qui ne sont pas français. On s'est mis à multiplier les enjambemens, tels que ceux que vous venez d'entendre; à tourmenter, à hacher le vers de toutes les manieres, à lui

donner un air étranger en voulant le faire paraître neuf, à chercher les vieux mots quand ceux qui sont en usage valaient mieux; à faire ce que n'eût pas osé Chapelain, un hémistiche entier d'un adverbe de six syllabes; et tout cet amas de prose brisée et martelée, de locutions barbares, de constructions forcées, s'est appelé, pendant quelque tems, du mouvement, de l'effet, de la variété, de la physionomie, et ces sublimes découvertes du dixhuitieme siecle n'étaient pas tout-à-fait renouvelées des Grecs, mais du siecle de Ronsard heureusement elles ont passé aussi vîte que lui.

:

les

On se rappelle qu'à l'exemple des Grecs, qui formerent une Pléiade poétique de sept écrivains qui florissaient du tems de Ptolémée Philadelphe, on fit aussi une Pléiade française du tems de Ronsard. Ceux qui la composaient avec lui, étaient Belleau, Baïf, Jodelle, Jean Daurat, Dubellay, Ponthus. Belleau et Baïf n'eurent guere que défauts de Ronsard, sans avoir son mérite. Dubartas fut pire encore : jamais la barbarie ne fut poussée plus loin. Il semblait que l'érudition mal entendue et le pédantisme scholastique eussent conspiré la ruine de la langue française. Les latinismes, les hellénismes, les épithetes entassées et les métaphores outrées avaient tout envahi. C'est un des caracteres de la médiocrité d'esprit, de voir

l'art tout entier dans ce qui n'est qu'une partie de l'art, et un genre de beauté nouvellement découvert est d'abord employé avec profusion. On avait vu dans Ronsard l'effet de quelques belles épithetes, de quelques métaphores expressives. On ne voulut plus faire autre chose, et l'on entendit de tous côtés, dans l'ode et le poëme, des vers tels que ceux-ci :

O grand Dieu ! qui nourris la rapineuse engeance
Des oiseaux ramageux...

Par toi le gras bétail des rousses vacheries,
Par toi l'humble troupeau des blanches bergeries....
Ici se vont haussant les neigeuses montagnes :
Là vont s'applanissant les poudreuses campagnes.

Si la profusion des épithetes est un défaut en poésie, c'en est un bien plus grand encore dans la prose, dont le ton doit être le plus simple. Ce n'est pas apparemment l'avis de beaucoup de prosateurs de nos jours, qui s'imaginent avoir de la force et du coloris en accumulant des mots. Cela

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donnait par fois un peu d'humeur à Voltaire, qui écrivait à ce sujet : Ne pourra-t-on pas leur faire comprendre combien l'adjectif est souvent ennemi du substantif, quoiqu'ils s'accordent en genre, en nombre et en cas?

A l'égard des figures, on va voir comme on

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