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les employait, d'après Ronsard. Chassignet, par exemple, traduisant un pseaume, disait à Dieu :

Par toi le mol zéphyr, aux ailes diaprées,
Refrise d'un air doux la perruque des prées,
Et sur les monts voisins,

Éventant ses soupirs par les vignes pamprées,
Donne la vie aux fleurs et du suc aux raisins.

Remarquons, à travers ce fatras, que pour rendre le dernier vers fort bon, il n'y a qu'à changer un seul mot, et mettre :

Donne la vie aux fleurs et le suc aux raisins.

́Chassignet continue sur le même ton.

Par toi le doux soleil à la terre sa femme,
D'un œil tout plein d'amour communique sa flamme,
Et tout à l'environ

Lui poudre les cheveux, ses vêtemens embâme,
Et de fruits et de grains lui jonche le giron.

Nous l'avons vu tout à l'heure donner une perruque aux prairies: il ne s'en tient pas là; il en donne une aussi au soleil.

Soit que du beau soleil la perruque empourprée
Redore de ses rais cette basse contrée.

Il faut avouer que le dieu du jour, qui de tems immémorial est en possession, chez les poètes,

d'avoir la plus belle chevelure du Monde, ne doit pas être content de Chassignet, qui s'avise de le mettre en perruque.

Dubartas a imité, dans une description du déluge, le morceau connu des Métamorphoses d'Ovide.

Il y a quelques vers qui ont de la précision et de l'énergie. Son style a beaucoup de rapport avec celui de Ronsard: on voit qu'il s'était modelé sur lui. Voici la fin de cette description, qui, malgré des fautes sans nombre, n'est pas sans beautés. Cette citation suffira pour faire voir ce que les poëtes de ce tems avaient de talent, et à quel point ce talent était dépourvu de goût.

Tandis (1) la sainte nef, sur l'échine (2) azurée (3) Du superbe Océan, navigeait assurée,

Bien que sans mât, sans rame et loin, loin de tout port,
Car l'Éternel était son pilote et son nord.

Trois fois cinquante jours le général naufrage (4)
Dévasta l'Univers; enfin d'un tel ravage

L'immortel attendri n'eut pas sonné sitôt

(5) La retraite des eaux, que soudain flot sur Alət

(1) Pour cependant.

(2) Racine a dit : le dos de la plaine liquide.

(3) Enjambement.

(4) Ne dirait-on pas que c'est un général qui s'appelait Naufrage?

(5) Enjambement.

Elles vont s'écouler : tous les fleuves s'abaissent ;

La mer rentre en prison ; les montagnes renaissent (1); Les bois montrent déjà leurs limoneux rameaux ; (2) Déjà la terre croît par le décroît des eaux; Et bref la seule main du Dieu darde tonnerre (3), (4) Montre la Terre au Ciel et le Ciel à la Terre.

Desportes écrivit beaucoup plus purement que Ronsard et ses imitateurs. Il effaça la rouille imprimée à notre versification, et la tira du chaos. où on l'avait plongée. Il parla français : il évita, avec assez de soin, l'enjambement et l'hiatus ; mais faible d'idées et de style, il n'a pu, dans l'âge suivant, garder de rang sur notre Parnasse. Il imita Marot dans les pieces amoureuses, et resta fort inférieur à lui. Il devança Malherbe dans des stances qu'on ne peut pas encore appeler des odes, quoique la tournure en soit assez douce et facile, et Malherbe le fit oublier.

Celui-là fut vraiment un homme supérieur : c'est son nom qui marque la seconde époque de notre langue. Marot n'avait réussi que dans la poésie galante et légere: Malherbe fut le premier modele du style noble, et le créateur de la poésie lyrique.

(1) Belle expression. (2) Beau vers.

(3) Epithete grecque.

(4) Beau vers.

Il en a l'enthousiasme, les mouvemens et les tournures. Né avec de l'oreille et du goût, il connut les effets du rhythme, et créa une foule de constructions poétiques, adaptées au génie de notre langue. Il nous assigna l'espece d'harmonie imitative qui lui convient, et comment on se sert de l'inversion avec art et avec réserve. Ses ouvrages pourtant ne sont pas encore d'une pureté comparable aux écrivains des beaux jours de Louis XIV: il ne serait pas juste de l'exiger. Mais tout ce qu'il nous apprit, il ne le dut qu'à lui-même, et au bout de deux cents ans on cite encore nombre de morceaux de lui, qui sont d'une beauté à peu près irréprochable. Voyez cette belle paraphrase d'un pseaume sur la grandeur périssable des rois.

Ont-ils rendu l'esprit ? ce n'est plus que poussiere
Que cette majesté si pompeuse et si fiere,
Dont l'éclat orgueilleux étonnait l'Univers,
Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines
Font encore les vaines,

Ils sont rongés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la Terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;

Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs;
Et tombent avec eux, d'une chute commune,

Tous ceux que la Fortune

Faisait leurs serviteurs.

Voilà enfin des vers français, et l'on n'avait

rien vu jusque-là qui pût même en approcher. Veut-on un exemple de ce beau feu qui doit animer l'ode? voyez celle qu'il adresse à Louis XIII partant pour l'expédition de la Rochelle. Il faut excuser quelques défauts de diction, quelques prosaïsmes la limite entre le langage de la poésie et celui de la prose n'était pas encore bien fixée : on ne peut pas tant faire à la fois. Voyons seulement si les mouvemens et les idées sont d'un poëte.

Certes, ou je me trompé, ou déjà la Victoire

Qui (1) son plus grand honneur de tes palmes attend, Est aux bords de Charente, en son habit de gloire, Pour te rendre content.

Je la vois qui t'appelle et qui semble te dire :

Roi, le plus grand des rois, et qui m'es le plus cher,
Si tu veux que je t'aide à sauver ton Empire,
Il est tems de marcher.

Que sa façon est brave et sa mine assurée !
Qu'elle a fait richement son armure étoffer!
Et que l'on connaît bien, à la voir si parée,
Que tu vas triompher!

Telle en ce grand assaut, où des fils de la Terre
rage ambitieuse à leur honte parut,

La

Elle sauva le ciel et lança le tonnerre

Dont Briare mourut.

(1) Inversion vicieuse.

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