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L'âge insensiblement nous conduit à la mort.
Nous avons assez vu, sur la mer de ce monde,
Errer au gré des flots notre nef vagabonde :
Il est tems de jouir des délices du port.
Le bien de la fortune est un bien périssable.
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable.
Plus on est élevé, plus on court de dangers.

Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête, des vents brise plutôt le faîte

Et la

rage

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Des maisons de nos rois, que les toits des bergers.
O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais les vains desiis de gloire
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,
A selon son pouvoir mesuré ses desirs!

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C'est un objet de comparaison assez curieux que de voir précisément les mêmes idées renfermées dans le même nombre de vers, par le grand versificateur Despréaux.

Qu'heureux est le mortél qui du monde ignoré,
Vit content de lui-même en un coin retiré,
Que l'amour de ce rien qu'on nomme renommée,
N'a jamais enivré d'une vaine fumée,

Qui de sa liberté forme tout son plaisir,
Et ne rend qu'à lui seul compte de son loisir !

Peut-être serait-il difficile de choisir. L'expression est certainement plus poétique dans les derniers;

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mais il regne dans les autres je ne sais quel abandon balancer l'élégance.

qui peut

La diction est plus soignée dans les vers de Maynard la langue s'y épure de plus en plus; mais ses vers plus travaillés n'ont pas le caractere

aimable de ceux de Racan. On a de lui des sonnets et des épigrammes d'une bonne tournure et d'une expression choisie; mais il est toujours un peu froid. Si jamais on a pu appliquer particuliérement à quelqu'un ces vers de Deshoulieres, qui sont assez vrais de tout le monde,

Nul n'est content de sa fortune,

Ni mécontent de son esprit.

c'est surtout à Maynard. Il loue sans cesse son talent, et même un peu au-delà des libertés poétiques, et se plaint continuellement du peu dé fruit qu'il en retira. C'est ce qu'on verra dans le sonnet suivant, qui peut d'ailleurs faire juger de sa maniere d'écrire dans le genre noble, et de la clarté, de la correction et de la pureté de ses

vers.

Mes veilles qui partout se font des partisans,

N'ont pu toucher le cœur de ma (1) grande princesse,

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Et le Palais-Royal va traiter mes vieux ans
De même que le Louvre a traité ma jeunesse.

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Jamais un bon succès n'accompagna mes vœux,
Bien que ma voix me fasse un des cygnes de France;
Et sept lustres entiers ont blanchi mes cheveux,
Depuis que ma vertu se plaint de l'espérance.
Un si constant reproche à la fin m'a lassé,
Et je vois à regret, en mon âge glacé,
Que la faveur me fuit et que la cour me trompe,
Voisin, comme je suis, du rivage des morts,
A quoi me servirait d'acquérir des trésors?
Qu'à me faire enterrer avecque plus de pompe.

:

Ses deux pieces les plus connues et les meilleures sont celles qui regardent le cardinal de Richelieu ; et malheureusement l'une est un éloge; et l'autre

une satyre.

Armand, l'âge affaiblit mes yeux,
Et toute ma chaleur me quiite;
Je verrai bientôt mes aïeux
Sur le rivage du Cocyte.
C'est où je serai des suivans
De ce bon monarque de France
Qui fut le pere des savans
Dans un siecle plein d'ignorance.
Dès que j'approcherai de lui,
Il voudra que je lui raconte
Tout ce que tu fais aujourd'hui
Pour combler l'Espagne de honte.
Jé contenterai son desir

Par le beau récit de ta vie,
Et charmerai le déplaisir
Qui lui fait maudire Pavie.
Cours de littér. Tome IV.

I

Mais s'il demande à quel emploi
Tu m'as occupé dans ce monde,
Et quel bien j'ai reçu de toi,

Que veux-tu que je lui réponde ?

On sait la réponse du cardinal: rien ; et quelque tems après, Maynard fit le sonnet suivant, qui est d'un tour très-philosophique et vaut beaucoup mieux que l'autre, mais qui finit par un trait piquant contre le ministre qu'il venait de louer.

fit

Par votre humeur le monde est gouverné :
Vos volontés font le calme et l'orage,
Et vous riez de me voir confiné,

Loin de la cour (1), dans mon petit village.
Cléomédon, mes desirs sont contems;

Je trouve beau le désert ou j'habite,
Et connais bien qu'il faut céder au tems

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Fuir (2) l'éclat et devenir hermite.

Je suis heureux de vieillir sans emploi,
De me cacher, de vivre tout à moi,
D'avoir dompté la crainte et l'espérance;
Et si le ciel, qui me traite si bien,
Avait pitié de vous et de la France,,?
Votre bonheur serait égal au mien.,

(1) Aujourd'hui ce ne serait pas trop la peine qu'un poëte remarquer qu'il vit loin de la cour; mais il faut se souvenir que du tems de Richelieu tous les poëtes étaient courtisans, excepté le grand Corneille.

(2) Fuir était alors de deux syllabes. L'oreille apprit depuis à n'en faire qu'une.

i

Rien n'a fait plus de fortune que son épitaphe, devenue depuis la devise de convenance ou de nécessité, adoptée par tant de gens.

Las d'espérer et de me plaindre

Des muses, des grands et du sorts
C'est ici que j'attends la mort

Sans la desirer ni la craindre.

Sarrazin, écrivain faible et inférieur à ces deux poëtes, osa pourtant prendre en main la lyre de Malherbe, et en tira même quelques sons assez heureux dans l'ode sur la bataille de Lens. On a remarqué cette strophe, la seule qui en effet soit belle, et qui de plus a été imitée par l'auteur de la Henriadé.

monte un cheval superbe,
Qui, furieux aux combats,
A peine fait courber l'herbe
Sous la trace de ses pas.
Son regard semble farouche;
L'écume sort de sa bouche;
Prêt au moindre mouvement,
Il frappe du pied la terre,
Et semble appeler la guerre
Par un fier hennissement,

Voltaire a dit :

Les momens lui sont chers : il parcourt tous les rangs
Sur un coursier fougueux, plus léger que les vents,
Qui fier de son fardeau, du pied frappant la terre,
Appelle les dangers et respire la guerre.

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