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Et ce que je puis profiter
En passant près de vous ma vie,
Si vous pouvez si maltraiter
Ceux qui vous ont si bien servie.

Je pensais (nous autres poëtes
Nous pensons extravagamment)
Ce que dans l'humeur où vous êtes
Vous feriez si dans ce moment
Vous avisiez en cette place
Venir le duc de Buckingam,

Et lequel serait en disgrace
De lui ou du Pere Vincent?

(C'était son confesseur.)

دو

La plaisanterie était familiere. « La reine, dit » madame de Motteville, ne s'en offensa pas, » et trouva les vers si jolis, qu'elle les garda long» tems dans son cabinet. Elle ajoute: « Cet » homme avait de l'esprit, et par l'agrément de sa » conversation il était l'amusement des belles ruelles » des dames qui font profession de recevoir bonne compagnie. »

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Voilà, pour le dire en passant, un de ces mots qui font voir les changemens que la mode intro

duit dans le langage. Boileau a eu beau dire dans son Art poétique, en parlant de Louis XIV:

Que de son nom chanté par la bouche des belles,

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Il y a long-tems qu'il n'est plus question de ruelles. Aujourd'hui nos rimeurs galans, qui font l'amour dans nos almanachs, ne croiraient pas leurs vers de bon ton s'ils n'y plaçaient pas un boudoir, et peut-être dans cent ans, si la mode change encore, le boudoir aura passé comme leurs vers.

Benserade soignait les siens un peu plus que Voiture. Il a plus de pensées, plus d'esprit proprement dit; mais ses devises faites pour les ballets de la cour de Louis XIV, quoique toutes plus ou moins ingénieuses, ont perdu beaucoup de leur mérite avec l'à-propos. C'est une preuve que l'esprit tout seul est peu de chose, même dans le genre où il doit le plus dominer. On a pourtant retenu de lui quelques vers. Voltaire, dans son Siecle de Louis XIV, a cité les plus jolis. Ils furent pour le roi, représentant le soleil.

faits

Je doute qu'on le prenne avec vous sur le ton
De Daphné et de Phaëton :

Lui

trop ambitieux, elle atop inhumaine.") Il n'est point là de piége où vous puissiez donner.

Le moyen de s'imaginer

Qu'une femme vous fuie et qu'un homme vous mene!

La querelle des deux sonnets, l'un de Benserade, l'autre de Voiture, a fait tant de bruit autrefois, qu'il faut bien en parler. Toute la

France se partagea en Uranistes et en Jobelins, heureuse si elle n'eût jamais été partagée en d'autres sectes! Les Jobelins tenaient pour Benserade, qui avait fait un sonnet sur Job; les Uranistes pour Voiture, qui en avait fait un pour Uranie. On peut les rapporter tous deux; car si la querelle est fameuse, les sonnets sont assez peu connus.

Il faut finir mes jours en l'amour d Uranie;
L'absence ni le tems ne m'en sauraient guérir:
Et je ne vois plus rien qui pût me secourir
Ni qui sût rappeler ma liberté bannie.

Dès long-tems je connais sa rigueur infinie;
Mais pensant aux beautés pour qui je dois périr,
Je bénis mon martyre, er content de mourir
Je n'ose murmurer contre sa tyrannie.

Quelquefois ma raison par de faibles discours
M'invite à la révolte et me promet secours;
Mais lorsqu'à mon besoin je veux me servir d'elle,
Après beaucoup de peine et d'efforts impuissans,
Elle dit qu'Uranie est seule aimable et belle

Et m'y rengage plus que ne font tous mes sens.

C'est là sans doute un assez mauvais sonnet. Remarquons que Boileau, dans le même tems. qu'il louait Voiture, se moquait de ces rimeurs froidement amoureux,

Qui ne savent jamais qu'adorer leur prison,
Et faire quereller les sens et la raison.

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Et

Et Voiture ici fait-il autre chose? Mais il Y a des
réputations qu'on n'ose pas juger, et qui en impo-
sent aux meilleurs esprits. Despréaux, cette fois,
fut entraîné par son siecle, et d'ailleurs il l'a corrigé
souvent et si bien, qu'il faut l'excuser de n'avoir
pu ce qu'après tout personne ne peut, c'est-à-dire,
avoir toujours raison. Il faut voir si le sonnet de
Benserade ne sera pas
meilleur.

Job, de mille tourmens atteint,
Vous rendra sa douleur connue,
Et raisonnablement il craint
Que vous n'en soyez point émue.

Vous verrez sa misere nue;
It s'est lui-même ici dépeint.
Accoutumez-vous à la vue

D'un homme qui souffre et se plaint.

Bien qu'il eut d'extrêmes souffrances,

On vit aller des patiences

Plus loin que la sienne n'alla.

S'il souffrit des maux incroyables,
Il s'en plaignit, il en parla:

J'en connais de plus misérables.

Il y a du moins ici une pensée spirituelle et fine. Je ne sais pas de quel côté je me serais rangé si j'avais été du tems où le prince de Conti était à la tête du parti des Jobelins, et madame de Longueville à la tête de celui des Uranistes ; car qui Cours de littér. Tome IV. K

peut savoir quel goût il aurait eu il y a cent cinquante ans? Mais il me semble qu'aujourd'hui je serais Jobelin. On est tenté de dire : O qu'il fait bon venir à propos! ô le bon tems que celui où la cour et la ville, toutes les puissances se divisaient dont l'un est fort maudeux sonnets, pour vais et l'autré assez médiocre ! Mais allons doucement, et songeons que l'on pourrait bien quelque jour en dire autant de nous, et que, quand on parlera de la fortune prodigieuse de quelques ouvrages d'aujourd'hui, on aura quelque droit de s'écrier aussi : O qu'alors on avait de grands succès avec de bien petits talens! Il faut que les siecles ainsi que les individus, se ménagent un peu les uns les autres, de peur que ceux qui se moquent de leurs peres, ne soient à leur tour moqués

enfans.

par leurs

Puisque nous en sommes sur le chapitre des sonnets, il faut achever en peu de mots ce qui reste à dire sur ce genre de poésie qui à été si long-tems en crédit, et qui est aujourd'hui entiérement passé de mode. Boileau paya lui-même une sorte de tribut à l'opinion, en traçant laborieusement dans son Art poétique les regles du sonnet, et finissant par

dire:

Un sonnet sans défauts vaut seul un long poëme.

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