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Cela est un peu fort, et c'est pousser un peu loin le respect pour le sonnet. On a remarqué avec taison qu'il n'y avait point de différence essentielle entre la tournure d'un sonnet et celle des autres vers à rimes croisées, et qu'il doit seulement, comme le madrigal et l'épigramme, finir par une pensée remarquable: il n'y a pas là de quoi lui donner une si grande valeur. Dans le très-petit nombre de ceux qui ont échappé au naufrage général, on compte celui de Desbarreaux, qui finit par une belle idée rendue par une belle image, mais où les connaisseurs ont remarqué des idées fausses ou trop répétées, de mauvaises rimes et des expressions impropres ; celui de Haynaut sur l'Avorton, qui est plein d'esprit, mais qui peche par une mul tiplicité d'antitheses recherchées, monotonés, et disant presque toutes la même chose; un autre de ce même Haynaut, qui malheureusement est une satyre injuste contre Colbert; et dans le style badin, celui de Fontenelle sur Daphné. Je citerai les deux derniers, comme les meilleurs. Oublions. que l'esprit de parti a dicté celui de Haynaut : l'auteur était créature de Fouquet; il écrivait contre l'ennemi de son bienfaiteur. La reconnaissance est du moins une excuse, et le repentir qu'il en témoi gna depuis peut lui mériter son pardon : n'examique les vers

nons

Ministre avare et lâche, esclave malheureux,

Qui gémis sous le poids des affaires publiques,
Victime dévouée aux chagrins politiques,
Fantôme révéré sous un titre onéreux!

Vois combien des grandeurs le comble est dangereux.
Contemple de Fouquet les funestes reliques,
Et tandis qu'à sa perte en secret tu t'appliques,
Crains qu'on ne te prépare un destin plus affreux.
Il part plus d'un revers des mains de la Fortune.
La chute, comme à lui, te peut être commune :
Nul ne tombe innocent d'où l'on te voit monté.
Cesse donc d'animer ton prince à son supplice,
Et prêt d'avoir besoin de toute sa bonté,
Ne le fais pas user de toute sa justice.

La tournure des vers est un peu uniforme; mais elle est ferme, et la précision, l'élégance, la noblesse, peuvent racheter quelques fautes. Voici le sonnet de Fontenelle.

Je suis (criait jadis Apollon à Daphné,
Lorsque tout hors d'haleine il courait après elle,
Et contait pourtant la longue kiriel'e

Des rares qualités dont il était orné).

Je suis le dieu des vers, je suis bel-esprit né.
Mais les vers n'étaient point le charme de la belle.
Je sais jouer du luth. Arrêtez. Bagatelle.

Le luth ne pouvait rien sur ce cœur obstiné.
Je connais la vertu de la moindre racine.
Je suis, par mon savoir, dieu de la médecine.
Daphné courait encor plus vite que jamais.

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Mais s'il eût dit : Voyez quelle est votre conquête:

Je suis un jeune dieu, toujours beau, toujours frais,
Daphné sur ma parole aurait tourné la tête.

Pour traiter de suite les genres de poésie qui avaient du rapport entre eux, j'ai laissé en arriere la satyre et le conte, qui, dès le tems de Malherbe, firent de grands progrès sous la plume de Regnier et de Passerat. Il suffit de dire, pour la gloire de celui-ci, que sa piece, intitulée l'Homme métamorphosé en coucou, est digne de Lafontaine. Il a eu, dans cette seule piece, à la vérité, le naturel charmant et les grâces de notre fablier. Le sujet, quoique sans aucune indécence, n'est pourtant pas de nature à pouvoir s'en permettre une lecture publique. Mais on le trouve dans tous les recueils, et la piece est si bien faite d'un bout à l'autre, que j'aurais du regret de la morceler. Ce petit chef-d'œuvre du seizieme siecle prouve encore ce que j'ai dit ailleurs, que tout ce qui comporte le style familier a été porté à un certain degré de perfection longtems avant tout le reste. A l'égard de Regnier, on sait ce qu'en a dit Boileau, après avoir parlé d'Horace et de Juvénal:

De ces maîtres savans, disciple ingénieux,

Regnier, seul parmi nous formé sur leurs modeles,
Dans son vieux style encore a des grâces nouvelles,

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et ce qui était vrai alors, n'a pas cessé de l'être aujourd'hui. Despréaux l'a bien surpassé, mais il ne l'a pas fait oublier; et que peut-on dire de plus à la louange de Regnier? Voilà donc tous les genres de poésie qu'on peur appeler du second ordre, parce qu'ils n'exigent point d'invention, déjà créés en France, où nous les verrons se perfectionner dans le siecle de Louis XIV et dans le nôtre. Il reste la poésie du premier ordre, l'épopée et le théâtre, Celui-ci va bientôt acquérir la plus haute splendeur, graces au génie puissant de Corneille. La muse épique, moins heureuse, ne fit que bégayer, même dans un tems où toutes les autres parlerent le langage qui devait leur appartenir.

C'est la seule couronne qui ait manqué à ce grand siecle, où d'ailleurs la France en a tant amassé qui ne se fléttiront jamais. Il faut voir quels obstacles purent s'opposer dans ce seul genre, au progrès qu'elle faisait dans tous les autres.

Si l'on en juge par le petit nombre d'hommes qui, chez les Anciens et chez les Modernes, ont eu le bonheur d'y réussir, ce doit être le plus difficile de tous. Il est soumis à moins d'entraves que la tragédie ; il a bien plus d'espace, de moyens et de ressource; mais aussi sa carriere est immense, et il faut bien de l'haleine pour la parcourir d'un pas égal. Il n'est pas obligé de produire de si grands

effets; mais ceux qu'il doit atteindre sont en plus grand nombre. Le poëte épique a presque toujours la liberté d'être poëte sans se cacher de l'ètre, avantage que n'a pas le poëte tragique qui parle toujours sous d'autres noms; mais aussi on lui impose l'obligation d'être toujours poëte autant qu'il est possible, et de soutenir le ton d'un homme inspiré. Enfin, l'intérêt d'une ou deux situations et l'illusion du théâtre peuvent faire vivre un drame médiocre, au moins sur la scene; mais le poëme épique qui doit être lu, ne supporte pas la médiocrité, et la fable la mieux faite ne saurait y racheter le défaut de style. Malgré tant de difficultés, les poëtes épiques parurent en foule dans le dix-septieme siecle: il est vrai que c'étaient pour la plupart des hommes sans talent. On ne connaît plus le titre de leurs poëires que par les satyres de Boileau. Le Charlemagne, le Childebrand, le Jonas, le Moyse, le Clovis, l'Alaric, furent appréciés à leur juste valeur, même par les contemporains. La patience la plus infatigable ne soutiendrait pas la lecture suivie de ces ennuyeuses productions, peu près aussi mauvaises par le fond que par le style. Que dire, par exemple, d'un Scudéry, qui s'avise de conduire le roi des Goths dans un désert, sur les côtes de la mer du Nord, où il trouve un Hibernois, qui depuis trente ans s'est retiré soli

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