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O vous! murs que les dieux ont maçonnés eux-mêmes,
Eux-mêmes étoffés de mille diadêmes (1),

Ne ressentez-vous point le plaisir de vos cœurs (2),
De voir votre César, le vainqueur des vainqueurs (3),
Par tant de gloire acquise aux nations étranges (4),
Accroître son Empire ainsi que vos louanges?
Et toi, fleuve orgueilleux, ne vas-tu par tes flots
Aux tritons mariniers (5) faire bruire mon los,
Et au pere
Océan te vanter que le Tybre
Roulera plus fameux que l'Euphrate et le Tygre (6)?
Jà, presque tout le Monde obéit aux Romains;
Ils ont presque la Mer et la Terre en leurs mains;
Et soit où le soleil de sa torche (7) voisine
Les Indiens perleux (8) du matin illumine,
Soit où son char lassé de la course du jour,
Le ciel quitte (9) à la nuit qui commence son tour,
Soit où la Mer glacée en cristal se resserre (10),
Soit où l'ardent soleil seche et brûle la Terre (11),

(1) Termes prosaïques, au dessous de la tragédie. (2) Les cœurs des tours et des palais !

(3) Fanfaronade.

(4) On disait alors étrangé pour étranger.

(5) Mariniers, termes de prose.

(6) Mauvaises rimes.

(7) Mauvaise expression en parlant du soleil.

(8) Épithete à la Ronsard.

(9) Inversion vicieuse. Au reste, on disait alors : Je vous

quitte quelque chose, pour je vous cede.

(10) Mauvaise figure.

(11) Tous ces vers sont du style épique.

Les

Les Romains on re loute (1), et n'y a si grand roi
Qui au (2) cœur ne frémisse, oyant parler de moi.
César est de la Terre et la gloire et la crainte,
César des dieux guerriers a la louange éteinte (3).

C'est là sans doute une amplification de rhétorique, et l'on sent qu'il est ridicule que César, parlant tout seul, fasse son panégyrique avec tant d'emphase. C'est la caricature du style héroïque; mais c'était déjà quelque chose, après les Mysteres, que de ressembler à l'héroïque, même avec cette charge grossiere; et c'est à peu près tout ce que firent Jodelle et Garnier.

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Dans sa Thébaïde, ce dernier fait dire à Polynice:

Pour garder un royaume ou pour le conquérir,

Je ferais volontiers femme et enfans mourir.

Un ambitieux peut le penser; mais il ne le dit pas si crûment, et un poëte ne doit pas le dire

(1) Inversion vicieuse. On redoute les Romains serait tont aussi noble et plus clair. Quand l'inversion n'ajoute pas l'effet, elle gåte la phrase.

(2) Hiatus encore en usage alors : ils reviennent à tout

moment.

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(3) On ne dit pas éteindre la louange. Mais cette construction italienne, a la louange éteinte, ha estinta, peut convenir à la poésie, et nos grands écrivains ne l'ont pas rejetée.

Cours de littér. Tome IV.

N

si platement c'est de toute maniere un manque de mesure qui appartient à l'enfance de l'art.

Mairet eut plus de naturel dans les sentimens et dans le style. Sa diction, plus correcte, fait apercevoir le progrès de la langue. La meilleure de ses pieces, Sophonisbe, imitée de celle du Trissin, eut long-tems du succès au théâtre, même après Corneille. C'est la premiere de nos tragédies qui offre un plan régulier et assujetti aux trois unités. Mais le sujet a de si grands inconvéniens, que la piece n'a pu se soutenir lorsque l'art a été mieux connu. Voltaire, qui l'a remanié de nos jours avec tout l'avantage que lui donnait son expérience et son génie, n'a pu vaincre les difficultés du sujet, parce qu'il y en a d'irrémédiables. La plus grande de toutes, c'est que le héros de la piece, Massinisse, y est nécessairement avili sous l'ascendant de la puissance romaine. Nous verrons ailleurs les efforts étonnans d'un grand-homme presqu'octogénaire, pour venir à bout d'un sujet qu'il avait luimême condamné; tout l'art qu'il y a mis, toutes les beautés qu'il y a répandues; c'est le titre le plus glorieux de sa vieillesse. Un objet bien différent doit nous occuper : c'est la multitude des fautes grossieres qui nous choquent dans l'ouvrage de Mairet, qui ne précéda le Cid que de sept ans. Rien n'est plus propre à faire comprendre tout le

chemin que fit Corneille, ou plutôt par quel rapide élan cet homme prodigieux laissa, dès sa seconde tragédie, tous ses rivaux si loin derriere lui.

La scene ouvre par une querelle entre la fille d'Asdrubal, Sophonisbe et son vieux mari, Syphax, qui a surpris une lettre qu'elle écrit à Massinisse. Ce prince, allié des Romains, et à qui Sophonisbe a été fiancée autrefois sans l'avoir jamais vu, est alors devant les murs de Cyrthe, capitale des États de Syphax, avec une armée romaine commandée par Scipion, Sophonisbe en est devenue amoureuse un jour qu'elle l'a vu du haut des remparts s'avancer en combattant jusqu'aux bords des fossés de la ville. Ces sortes de passions, qui font le nœud de beaucoup de pieces du siecle dernier, et même de celui-ci, sont des aventures de roman et non pas des ressorts de tragédie. La lettre de Sophonisbe est du même genre.

Voyez à quel malheur mon destin est soumis. Le bruit de vos vertus et de votre vaillance » Me contraint aujourd'hui d'aimer mes ennemis » D'un sentiment plus fort que n'est la bienveillance.

On conçoit que Syphax ne doit pas être content de cette tendre déclaration, et aujourd'hui le spectateur ne le serait pas davantage. Des avances si formelles, plus faites pour une coquette de comédie

que pour un personnage héroïque, pour une reine qui finira par se dévouer à la mort, plutôt que d'être menée en triomphe, suffiraient pour faire tomber une piece sur un théâtre perfectionné. Si le fond est vicieux, le style n'est pas meilleur. Syphax dit à sa femme :

Tu fais d'un ennemi l'objet de tes desirs!
Ne pouvais-tu trouver où prendre tes plaisirs,
Qu'en cherchant l'amitié de ce prince numide,
Qui te rend tout ensemble impudique et perfide?

Que me pourrais-tu dire, impudente, effrontée?

On croit entendre Arnolphe dire à la jeune Agnès: Pourquoi ne pas m'aimer, madame l'impudente?

Mais c'est précisément parce que ce ton est excellent dans un vieillard ridicule, qu'il est détestable dans une tragédie.

La conduite de Sophonisbe dans le reste de la piece n'est pas plus décente, ni son langage plus modeste. Son mari est tué dans un combat on le lui annonce. Elle reçoit cette nouvelle assez froidement, et s'écrie qu'il est trop heureux d'être mort. Elle demande si quelqu'un de sa suite veut la tuer, mais d'un ton à faire en sorte que personne n'en ait envie. Aussi sa confidente, Phénice, lui

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