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représente fort sensément qu'on est toujours à tems

de se tuer.

Un mal désespéré

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A toujours dans la mort un remede assuré.
Cependant c'est aussi le dernier qu'on essaie
Et qu'on doit appliquer à la derniere plaie.
Pour moi, je suis d'avis qu'oubliant le trépas,
Vous tiriez du secours de vos propres appas.
Vous n'auriez pas besoin de beaucoup d'artifice
Pour vous rendre agréable aux yeux de Massinisse.
Essayez de gagner son inclination.

SOPHONIS BE.

Plût aux dieux!

La réponse est naïve. Cependant elle ajoute un moment après :

Je n'attends rien du tout du côté de mes charmes.
Ce remede, Phénice, est ridicule et vain;

Il vaut mieux se servir de celui de la main.

Mais Phénice la rassuré en fidelle suivante :

Donnez-vous, s'il vous plaît, un peu de patience,.
Et de votre beauté faites expérience.

Sachez ce qu'elle vaut et ce que vous pouvez.
Mais comment le savoir si vous ne l'éprouvez.

Une autre suivante, Corisbé, vient à l'appui :

De fait, la défiance où la reine se treuve,
Ne peut venir d'ailleurs que d'un manque d'épreuve.

SOPH ΟΝ

Corisbé, prenez garde à l'état où je suis,
Et par-là, comme moi, voyez ce que je puis.
Quand hier j'aurais été la vivante peinture
Des plus rares beautés qu'on voit en la nature,
Le moyen que mes yeux conservent aujourd'hui
Une extrême beauté sous un extrême ennui ?

Et n'ayant plus en moi que des attraits vulgaires,
Ils ne toucheraient point ou ne toucheraient gueres.
De sorte qu'après tout je conclus qu'il vaut mieux
Essayer le secours de la main que des yeux.

Voilà encore l'agréable alternative, des yeux et de
la main. Mais on a quelque peine à concevoir
pourquoi cette veuve si résignée craint tant que
le chagrin n'ait altéré ses appas. Ce n'est pas du
moins celui qu'a
qu'a pu
lui causer la mort de son époux;
car elle ne lui a pas donné la plus petite larme.
Aussi n'est-on pas étonné que la sage conseillere,
Phénice, la félicite sur sa fraîcheur,

Au reste, la douleur ne vous a pas éteint

Ni la clarté des yeux ni la beauté du teint :-
Vos pleurs (1) vous ont lavée, et vous êtes de celles
Qu'un air triste et dolent rend encore plus belles.

(1) Quels pleurs? Ce sont apparemment ceux qu'elle a répandus quand son mari l'a querellée.

Croyez que Massinisse est un vivant rocher
Si vos perfections ne le peuvent toucher,
Et qu'il est plus cruel qu'un tigre d'Hyrcanie
S'il exerce envers vous la moindre tyrannie.

Assurément Massinisse n'est point ce rocher et n'est point ce tigre; car à peine Sophonisbe a-t-elle répondu à son premier compliment, qu'il s'écrie:

O dieux ! que de merveilles

Enchantent à la fois mes yeux et mes orcilles!

Et Phénice dit tout bas à Corisbé :

Ma compagne il se prend.

Il est vrai que Sophonisbe lui donne beau jeu, et commence par l'assurer qu'elle est ravie de sa victoire, et qu'il n'aura jamais tant de bonheur qu'elle lui en souhaite. C'est là le cas de ne pas perdre de tems aussi le prince numide avoue qu'elle vient de lui ravir son cœur. Sophonisbe répond que c'est là un langage moqueur qui ne sied à un généreux vainqueur. Mais Massinisse, pour prouver qu'il ne se moque point, déclare qu'il est prêt à l'épouser. La reine ne se fait point prier, et s'écrie pour toute réponse:

pas

lui

O merveilleux excès de grace et de bonheur,
Qui met une captive au lit de son seigneur !

MASSINIS S E.

Puisque vous me rendez le plus heureux des hommes,
Ma violente ardeur et le tems où nous sommes,
Ne me permettent pas de beaucoup différer.

Cependant permettez que je prenne à mon aise
Un honnête baiser pour gage de la foi

Que le dieu conjugal veut de vous et de moi.

Et il prend en effet ce baiser tout à son aise. Cela va bien jusque-là; mais il ajoute tout de suite:

Madame, s'il vous plaît, j'irai voir mes soldats,
Et les ordres donnés, je reviens sur mes pas.

Aux termes où ils en sont, ce brusque départ est peu civil et peu galant, et dans le plan donné de la scene, c'est la seule disconvenance qui s'y trouve; ce qui n'empêche pas la reine de s'écrier:

O miracle d'amour!

Scipion a-t-il tort de dire dans l'acte suivant?

Massinisse en un jour, voit, aime et se marie.

Mais voici qui est plus curieux. Après que la veuve de Syphax et le prince numide sont mariés, celui-ci, tout en causant avec elle dans la premiere scene du quatrieme acte, lui fait une question

qu'on ne peut s'empêcher de trouver très – taisonnable :

A propos, où naquit, en quel tems et pourquoi
La bonne volonté que vous avez pour moi?

De

grace, accordez-moi le plaisir de l'entendre. Vous plaît-il?

SOPHONIS BE.

Volontiers; je m'en vais vous l'apprendre.

Il a bien fallu exposer toutes ces platitudes pour
faire voir d'où nous sommes partis, et ce qu'étaient
nos chefs-d'œuvre avant Corneille. Il faut encore
joindre à toutes ces fautes les pointes et le phébus
des sonnets italiens. Massinisse, dans cette même
scene, s'exprime ainsi :

Il est vrai que d'abord j'ai senti la pitié ;
Mais comme le soleil suit les pas de l'aurore,
L'amour qui l'a suivie et qui la suit encore,
A fait en un instant dans mon cœur embrâsé,
Le plus grand changement qu'il ait jamais causé.

Ce jargon domine d'un bout à l'autre dans Sylvie, tragi-comédie de Mairet, jouée en 1621, quinze ans avant le Cid, et qui fit courir tout Paris pendant

quatre ans. Il est vrai que cet insupportable abus d'esprit tomba, entiérement lorsqu'on eut entendu le Cid, qui en offre fort peu de traces, et

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