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SALOME.

Quel plaisir prenez-vous de chérir une roche
Dont les sources de pleurs coulent incessamment,
Et qui pour votre amour n'a point de sentiment?

HÉROD E.

Si le divin objet dont je suis idolâtre,
Passe pour un rocher, c'est un rocher d'albâtre,
Un écueil agréable, où l'on voit éclater
Tout ce que la nature a fait pour me tenter.

Il n'est point de rubis vermeil comme sa bouche,
Qui mêle un esprit d'ambre à tout ce qu'elle touche,
Et l'éclat de ses yeux veut que mes sentimens
Les mettent pour le moins au rang

des diamans.

Une roche dont il coule des sources de pleurs, un écueil agréable, un rocher d'albâtre, des yeux que les sentimens mettent pour le moins au rang des diamans, etc. c'est cette profusion de figures bizarrement recherchées et d'idées puérilement alambiquées, qui, se mêlant aux plus triviales platitudes, formait un ensemble vraiment grotesque; et tel était pourtant le style qui chez les auteurs les plus renommés, dominait dans la tragédie, dans l'épopée, dans l'éloquence, à l'époque où Corneille donna le Cid.

Hérode finit par envoyer un message amoureux à Mariamne:

Observe bien surtout en faisant ce message,
Et le ton de sa voix, et l'air de son visage,

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Si son teint devient pâle ou s'il devient vermeil :
J'en saurai la réponse en sortant du conseil.

C'est la fin du premier acte de Mariamne. Tout le monde sait par cœur cette autre fin d'un premier

acte:

Je vais donner une heure aux soins de mon Empire,
Et le reste du jour sera tout à Zaïre.

Ce rapprochement, qui semble ici se présenter de lui-même, offre les deux extrêmes du style. Mariamne, au second acte, se plaint de la mort de son jeune frere, qu'Hérode avait fait noyer.

Ce clair soleil levant, adoré de la cour,

Se plongea dans les eaux comme l'astre du jour,
Et n'en ressortit pas en sa beauté premiere ;

Car il en fut tiré sans force et sans lumiere.

Voilà les concetti que l'Italie avait mis à la mode, et que l'on admirait au théâtre, comme dans la société le jargon des Précieuses ridicules. En voici d'autres exemples.

Votre teint, composé des plus aimables fleurs,
Sert trop long-tems de lit à des ruisseaux de pleurs,

Mariamne a des morts accru le triste nombre;

Ce qui fut mon soleil n'est donc plus rien qu'une ombre! Quoi! dans son orient cet astre de beauté,

En éclairant mon ame, a perdu la clarté !

C'est

C'est Hérode qui parle ainsi en déplorant la mort de Mariamne. Il s'adresse au soleil.

Astre sans connaissance et sans ressentiment,
Tu portes la lumiere avec aveuglement.
Si l'immortelle main qui te forma de flamme,
En te donnant un corps l'avait pourvu d'une ame,
Tu serais plus sensible au sujet de mon deuil;
De ton lit aujourd'hui tu ferais ton cercueil, etc.

Il continue sur le même ton:

Aurait-on dissipé ce recueil de miracles?
Aurait-on fait cesser mes célestes oracles?
Aurait-on de la sorte enlevé tout mon bien,
Et ce qui fut mon tout ne serait-il plus rien?

Tu dis qu'on a détruit cet ouvrage des cieux ?

NARBA L.

Sire, avecque regret, je l'ai vu de mes yeux.

HÉR O D E.

Viens m'en conter au long la pitoyable histoire.

La belle chute! Rien ne ressemble plus à cet amant de comédie, qui dans son désespoir est allé se jeter..... par la fenêtre ?..... non, sur son lit. Cette tranquille interrogation d'Hérode après toutes ses lamentations, est absolument du même genre; mais il n'y a pas de quoi s'en étonner: ces Cours de littér. Tome IV. O

lamentations sont si froides! Et voilà le plus grand mal, c'est qu'avec tant de figures et d'àntitheses, il n'y a pas un mot de sentiment,

Et ce n'est pas ainsi que parle la nature.

C'est toujours là qu'il en faut revenir.

Ah! voici le plus court: il faut que cette laine
D'un coup blesse mon cœur et guérisse mon ame.

Ou bien, meurs du regret de ne pouvoir mourir.

Est-ce là le langage de la douleur ? cherche-t-elle jamais des pointes et des subtilités? Ce n'était point la peine de se tuer à réciter de pareils vers. Nous venons de voir le style du Marini : voici celui de D. Japhet:

Ah! Cerbere têtu, fatal à ma maison,

Tu sais bien contre moi 'produire du poison;
Mais inutilement ta bouche envenimée

Jette son aconit contre ma renommée :

Elle est d'une candeur que rien ne peut tacher, etc.

Quelque chose de bien pis encore, c'est le rôle que l'auteur fait jouer à la mere de Mariamne, Alexandra: elle prononcé dans un monologue, de justes imprécations contre le bourreau de sa fille, contre le tyran qui vient de condamner l'innocence; mais dans la crainte qu'on ne la soupçonne

elle-même de complicité dans la prétendue trahison de Mariamne, elle attend au passage cette infortunée que l'on mene au supplice, et l'arrête pour l'accabler des plus atroces invectives, pour applaudir à sa condamnation, insulter à son infortune, lui reprocher un crime qu'elle sait trop bien être supposé. On n'a jamais donné à la nature un démenti plus outrageant, et c'est une nouvelle preuve qu'avant Corneille on ne la connaissait guere plus dans la fable et dans les caracteres, que dans la diction.

Il n'y a dans toute cette piece qu'un seul beau vers: Hérode s'indigne contre les Juifs, de ce qu'ils ne viennent pas venger sur lui la mort d'une reine qu'ils adoraient; il s'adresse aux cieux, et s'écrie:

Punissez ces ingrats qui ne m'ont point puni.

Ce n'est point là une antithese de mots : c'est un sentiment vrai et profond, rendu avec énergie.

D'après ce que nous avons vu de la Sophonisbe et de la Mariamne, jugeons maintenant ce què Comeille avait à faire et ce qu'il fit. Rappelonsnous ce qui a dû nous frapper davantage dans ces étranges scenes, de deux pieces les meilleures, où les moins mauvaises qu'on eût encore faites. Il en résulte que l'on ignorait presqu'entiérement le ton qui convenait à la tragédie, et sans ce point

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