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» tués, et le troisieme, quoique resté seul, trouve » moyen de vaincre les trois Curiaces: voilà ce que » l'Histoire fournit. Que l'on examine quels orne» mens, et combien d'ornemens différens le poëte » y a ajoutés : plus on l'examinera, plus on en sera surpris. Il fait les Horaces et les Curiaces alliés » et prêts à s'allier encore. L'un des Horaces a épousé Sabine, sœur des Curiaces, et l'un des Curiaces aime Camille, sœur des Horaces. Lors» que le théâtre s'ouvre, Albe et Rome sont en » guerre, et ce jour-là même il se doit donner » une bataille décisive. Sabine se plaint d'avoir ses

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freres dans une armée et son mari dans l'autre, » et de n'être en état de se réjouir des succès de » l'un ni de l'autre parti. Camille espérait la paix ce jour-là même, et croyait devoir épouser Curiace, » sur la foi d'un oracle qui lui avait été rendu; mais un songe a renouvelé ses craintes. Cepen »dant Curiace lui vient annoncer que les chefs » d'Albe et de Rome, sur le point de donner ba» taille, ont eu horreur de tout le sang qui s'allait répandre, et ont résolu de finir cette guerre par » un combat de trois contre trois, et qu'en atten»dant ils ont fait une treve. Camille reçoit avec » transport une si heureuse nouvelle, et Sabine. » ne doit pas être moins contente. Ensuite les trois » Horaces sont choisis pour être les combattans de

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Rome, et Guriace les félicite de cet honneur, et

plaint en même tems de ce qu'il faut que ses » beaux-freres périssent ou qu'Albe sa patrie soit » sujete de Rome. Mais quel redoublement de › douleur pour lui, quand il apprend que ses deux » freres et lui sont choisis pour être les combattans d'Albe! Quel trouble recommence entre tous les » personnages! La guerre n'était pas si terrible » pour eux. Sabine et Camille sont plus alarmées " que jamais. Il faut que l'une perde ou son mari » ou ses freres, l'autre ses freres ou son amant, et » cela par les mains les uns des autres. Les come » battans eux-mêmes sont émus et attendris ; ce

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pendant il faut partir, et ils vont sur le champ » de bataille. Quand les deux armées les voient » elles ne peuvent souffrir que des personnés si proches combattent ensemble, et l'on fait un » sacrifice pour savoir la volonté des dieux. L'es» pérance renaît dans le cœur de Sabine; mais » Camille n'augure rien de bon. On leur vient » dire qu'il n'y a plus rien à espérer, que les dieux » approuvent le combat, et que les combattans » sont aux mains. Nouveau désespoir; trouble plus

grand que jamais. Ensuite vient la nouvelle que » deux Horaces sont tués, le troisieme en fuite, et » les trois Curiaces maîtres du champ de bataille. "Camille regrette ses deux freres, et a une joie

» secrete de ce que son amant est vivant et vain » queur; Sabine, qui ne perd ni ses freres ni son mari, est contente; mais le des Horaces, pere

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uniquement touché de l'intérêt de Rome qui va » être sujete d'Albe, et de la honte qui rejaillit » sur lui par la fuite de son fils, jure qu'il le pu»nira de sa lâcheté et lui ôtera la vie de ses propres »mains; ce qui redonne une nouvelle inquiétude » à Sabine. Mais on apporte enfin au vieil Horace une nouvelle toute contraire. La fuite de son fils » n'était qu'un stratagême dont il se servit pour vaincre les trois Curiaces qui sont demeurés » morts sur le champ de bataille. Rien n'est plus

admirable que la maniere dont cette action est » menée: on n'en trouvera ni l'original chez les Anciens, ni la copie chez les Modernes. »

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Rien n'est plus juste: toutes ces alternatives de douleur et de joie, d'espérance et de crainte sont l'âme de la tragédie, et sont ici de l'invention de Corneille. Sur cet exposé l'on croirait que la piece est parfaite il s'en faut pourtant de beaucoup, . et l'auteur lui-même en convient avec cette noble candeur qui ajoute à la gloire du talent, en contribuant au progrès de l'art et à l'instruction des artistes. Fontenelle, qui n'est pas tout-à-fait de si bonne foi, a ici un petit tort assez commun, soit qu'on veuille louer, soit qu'on veuille blâmer, c'est

de ne montrer qu'un côté des objets. En effet, d'où vient que Voltaire, dont les observations s'accordent jusqu'ici avec celles de Fontenelle, et qui de plus parle des beautés de détail avec cet enthousiasme d'admiration et ce sentiment profond qui n'appartient qu'à un grand artiste, finit cependant par conclure en termes exprès, que le sujet des Horaces n'était pas fait pour le théâtre? C'est qu'il considere l'ensemble dont Fontenelle n'avait considéré que quelques parties. Et d'abord, tout ce que nous venons de voir ne forme que trois actes et finit au commencement du quatrieme. La piece est donc terminée. Le sujet est rempli. Il s'agissait de savoir qui l'emporterait de Rome ou d'Albe: les Curiaces sont morts; Horace est vainqueur; tout est consommé. Ce qui suit forme non-seulement deux autres pieces, ce qui est un vice capital, mais par un effet malheureusement rétroactif, nuit beaucoup à la premiere en ternissant le caractere qu'on vient d'admirer, et rendant odieux gratuitement le personnage d'Horace, qui avait excité de l'intérêt. L'une de ces deux actions, ajoutées à l'action principale, est le meurtre de Camille qui est atroce et inexcusable; l'autre est le péril d'Horace mis en jugement et accusé devant le roi par un Valere qu'on n'a pas encore vu dans la piece, et cette derniere action est infiniment moins

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attachante que la premiere, parce qu'on sent trop bien qu'Horace, qui vient de rendre un si grand service à sa patrie, ne peut pas être condamné. Ces trois actions bien distinctes, qui ne pouvant se lier, ne peuvent que se nuire, composent un tout extrêmement vicieux, et il est bien sûr que, sans le juste respect que l'on a pour le nom du pere du théâtre, on n'entendrait pas ces deux derniers acces, aussi inférieurs aux trois premiers qu'ils en sont indépendans. Mais du moins l'auteur, en se réduisant à ces trois actes, pouvait-il faire un tout régulier? Je ne le crois pas; car il n'y avait pas de dénoûment possible, et c'est ici qu'il faut examiner le côté des objets que n'a pas présenté Fontenelle. Nous y verrons que les ressources si ingénieuses qu'a trouvées Corneille pour relever la simplicité de son sujet, ont un grand inconvénient: c'est de mettre des personnages principaux dans une situation dont il ne peut les tirer heureusement; car je suppose qu'il voulût finir à la vic toire d'Horace, comme la nature du sujet le lui prescrivait, que deviendra cette Camille qui vient de perdre son amant ? C'est un principe convenu, que le dénoûment doit décider de l'état de tous les personnages d'une maniere satisfaisante. Que faire de Camille? La laisser résignée à son malheur était bien froid, et de plus contraire à l'Histoire, qui

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