un chef-d'œuvre de la scene entre ces deux guer riers; et si l'on oublie quelques fautes de diction, Le sort qui de l'honneur nous ouvre la barriere Et comme il voit en nous des amès peu communes (1) Voltaire blâme ce deuxieme hémistiche, comme fait uniquement pour la rime. J'avoue que cette espece de répétition ne me choque point: elle me semble naturelle, amenée par le sens et par le ton de la phrase. Et peu d'hommes au cœur l'ont assez imprimée, Pour moi, je l'ose dire et vous l'avez pu voir, Qu'elle elle m'estime autant que Rome vous a fait, Je crois faire pour elle autant que vous pour Rome; J'ai le cœur aussi bon, mais enfin je suis homme. Je vois que votre honneur demande tout mon sang, Que tout le mien consiste à vous percer le flanc, Prêt d'épouser la sœur, qu'il faut tuer le frere, Et que pour mon pays j'ai le sort si contraire, Encor qu'à mon devoir je coure sans terreur, Mon cœur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur. J'ai pitié de moi-même et jette un œil d'envie Sur ceux dont notre guerre a consumé la vie ; Sans souhait toutefois de pouvoir reculer, Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler. J'aime ce qu'il me donne et je plains ce qu'il m'ôte ; Et si Rome demande une vertu plus haute, གམ་༥༤ Je rends graces aux dieux de n'être pas Romain, HORA CE. Si vous n'êtes Romain, soyez digne de Bêtre, La solide vertu dont je fais vanité (1), N'admet point de faiblesse avec sa fermeté, Et c'est mal de l'honneur entrer dans la carriere, CURIA CE. Je vous connais encore, et c'est cè qui me tue. Ecoutons encore Voltaire sur cette imposante et superbe scene: c'est au génie qu'il appartient de sentir et de louer le génie. (1) Il y a ici une sorte de contradiction dans les termes. On ne peut faire vanité de ce qui est solide. Il fallait dons je me fais un devoir ou dont je fais gloire. دو دو A ces mots, je ne vous connais plus..... je vous » connais encore, on se récria d'admiration. On » n'avait jamais rien vu de si sublime. Il n'y a pas » dans Longin un seul exemple d'une pareille grandeur. Ce sont ces traits qui ont mérité à » Corneille le nom de grand, non-seulement pour » le distinguer de son frere, mais du reste des » hommes. Une telle scene fait pardonner mille » défauts. » C'est ainsi que s'exprime le grand détracteur de Corneille. Il releve avec le même plaisir des beautés d'un ordre inférieur, mais encore étonnantes par rapport au tems où l'auteur écrivait; par exemple, le récit du combat des Horaces et des Curiaces, imité de Tite-Live et comparable à l'original. Ce n'est pas un petit mérite d'avoir su exprimer alors avec élégance et précision des détails que la nature de notre langue et de notre versification rendait trèsdifficiles. C'est une observation que je ne dois pas omettre dans un article où je me suis proposé de marquer tous les genres d'efforts et de succès, qui sont autant d'obligations que nous avons à Corneille. Resté seul contre trois, mais en cette aventure (1) (1) Hémistiche fait pour la rime. Trop faible pour eux tous, trop fort pour Il sait bien se tirer d'un pas si hasardeux. chacun d'eux, Il fuit pour mieux combattre, et cette prompte ruse Chacun le suit d'un pas ou plus ou moins pressé, Albe à son tour commence à craindre un sort contraire; Il trouve en arrivant que son frere n'est plus. lui de vaincre, il veut encor braver. (1) Le mot propre était leur force inégale. (2) Redouble la victoire, geminata victoria, expression plus latine que française. (3) Comme, etc. construction peu faite pour la vivacité d'un récit. |