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un chef-d'œuvre de la scene entre ces deux

guer

riers; et si l'on oublie quelques fautes de diction,

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Le sort qui de l'honneur nous ouvre la barriere
Offre à notre constance une illustre matiere.
Il épuise sa force à former un malheur,
Pour mieux se mesurer avec notre valeur,

Et comme il voit en nous des amès peu communes
Hors de l'ordre commun îl nous fait des fortunes.
Combattre un ennemi pour le salut de tous,
Et contre un inconnu s'exposer seul aux coups,
D'une simple vertu c'est l'effet ordinaire ;
Mille déjà l'ont fait, (1) mille pourraient le faire.
Mourir pour son pays est un si digne sort,
Qu'on bfiguerait en foule une si noble mort.
Mais vouloir au public immoler ce qu'on aime,
S'attacher au combat contre un autre soi-même,
Attaquer un parti qui prend pour défenseur
Le frere d'une femme et l'amant d'une sœur,
Et rompant tous ces nœuds, s'armer pour la patrie
Contre un sang qu'on voudrait racheter de sa vie !
Une telle vertu n'appartenait qu'à nous.
L'éclat de son grand nom lui fait peu de jaloux,

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(1) Voltaire blâme ce deuxieme hémistiche, comme fait uniquement pour la rime. J'avoue que cette espece de répétition ne me choque point: elle me semble naturelle, amenée par le sens et par le ton de la phrase.

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Et peu d'hommes au cœur l'ont assez imprimée,
Pour oser aspirer à tant de renommée.

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Pour moi, je l'ose dire et vous l'avez pu voir,
Je n'ai point consulté pour suivre mon devoir.
Notre longue amitié, l'amour et l'alliance
N'ont pu mettre un moment mon esprit en balance;
Et puisque par ce choix Albe montre en effet

Qu'elle

elle m'estime autant que Rome vous a fait, Je crois faire pour elle autant que vous pour Rome; J'ai le cœur aussi bon, mais enfin je suis homme. Je vois que votre honneur demande tout mon sang, Que tout le mien consiste à vous percer le flanc, Prêt d'épouser la sœur, qu'il faut tuer le frere, Et que pour mon pays j'ai le sort si contraire, Encor qu'à mon devoir je coure sans terreur, Mon cœur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur. J'ai pitié de moi-même et jette un œil d'envie Sur ceux dont notre guerre a consumé la vie ; Sans souhait toutefois de pouvoir reculer,

Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler. J'aime ce qu'il me donne et je plains ce qu'il m'ôte ; Et si Rome demande une vertu plus haute,

གམ་༥༤

Je rends graces aux dieux de n'être pas Romain,
Pour conserver encor quelque chose d'humain.

HORA CE.

Si vous n'êtes Romain, soyez digne de Bêtre,
Et si vous m'égalez, faites-le mieux paraître.

La solide vertu dont je fais vanité (1),

N'admet point de faiblesse avec sa fermeté,

Et c'est mal de l'honneur entrer dans la carriere,
Que dès le premier pas regarder en arriere,
Notre malheur est grand : il est au plus haut point;
Je l'envisage entier, mais je n'en frémis point.
Contre qui que ce soit que mon pays m'emploie,
J'accepte aveuglément cette gloire avec joie.
Celle de recevoir un tel commandement
Doit étouffer en nous tout autre sentiment.
Qui prêt à le servir considere autre chose,
A faire ce qu'il doit lâchement se dispose.
Ce droit saint et sacré rompt tout autre lien :
Rome a choisi mon bras, je n'examine rien.
Avec une allégresse aussi pleine et sincere
Que j'épousai la sœur, je combattrai le frere ;
Et pour trancher enfin des discours superflus,
Albe vous a nommé ; je ne vous connais plus.

CURIA CE.

Je vous connais encore, et c'est cè qui me tue.
Mais cette âpre vertu ne m'était pas connue :
Comme notre malheur elle est au plus haut point;
Souffrez que je l'admire et ne l'imite point.

Ecoutons encore Voltaire sur cette imposante et superbe scene: c'est au génie qu'il appartient de sentir et de louer le génie.

(1) Il y a ici une sorte de contradiction dans les termes. On ne peut faire vanité de ce qui est solide. Il fallait dons je me fais un devoir ou dont je fais gloire.

دو

دو

A ces mots, je ne vous connais plus..... je vous » connais encore, on se récria d'admiration. On » n'avait jamais rien vu de si sublime. Il n'y a pas » dans Longin un seul exemple d'une pareille grandeur. Ce sont ces traits qui ont mérité à » Corneille le nom de grand, non-seulement pour » le distinguer de son frere, mais du reste des » hommes. Une telle scene fait pardonner mille » défauts. » C'est ainsi que s'exprime le grand détracteur de Corneille.

Il releve avec le même plaisir des beautés d'un ordre inférieur, mais encore étonnantes par rapport au tems où l'auteur écrivait; par exemple, le récit du combat des Horaces et des Curiaces, imité de Tite-Live et comparable à l'original. Ce n'est pas un petit mérite d'avoir su exprimer alors avec élégance et précision des détails que la nature de notre langue et de notre versification rendait trèsdifficiles. C'est une observation que je ne dois pas omettre dans un article où je me suis proposé de marquer tous les genres d'efforts et de succès, qui sont autant d'obligations que nous avons à Corneille.

Resté seul contre trois, mais en cette aventure (1)
Tous trois étant blessés et lui seul sans blessure,

(1) Hémistiche fait pour la rime.

Trop faible

pour eux tous, trop fort pour Il sait bien se tirer d'un pas si hasardeux.

chacun d'eux,

Il fuit pour mieux combattre, et cette prompte ruse
Divise adroitement trois freres qu'elle abuse.

Chacun le suit d'un pas ou plus ou moins pressé,
Selon qu'il se rencontre ou plus ou moins blessé.
Leur ardeur est égale à poursuivre sa fuite;
Mais leurs coups (1) inégaux séparent leur poursuite.
Horace les voyant l'un de l'autre écartés,
Se retourne, et déjà les croit demi-domptés.
Il attend le premier, et c'était votre gendre.
L'autre, tout indigné qu'il ait osé l'attendre,
En vain, en l'attaquant, fait paraître un grand cœur :
Le sang qu'il a perdu ralentit sa vigueur.

Albe à son tour commence à craindre un sort contraire;
Elle crie au second, qu'il secoure son frere;
Il se hâte et s'épuise en efforts superflus;

Il trouve en arrivant que son frere n'est plus.
..... Tout hors d'haleine, il prend pourtant sa place,
Et redouble (2) bientôt la victoire d'Horace.
Son courage sans force est un débile appui;
Voulant venger son frere, il tombe auprès de lui.
L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie,
Comme (3) notre héros se voit près d'achever,
C'est peu pour

lui de vaincre, il veut encor braver.

(1) Le mot propre était leur force inégale.

(2) Redouble la victoire, geminata victoria, expression

plus latine que française.

(3) Comme, etc. construction peu faite pour la vivacité d'un récit.

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