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« J'en viens d'immoler deux aux mânes de mes freres ;
» Rome aura le dernier de mes trois adversaires.
» C'est à ses intérêts que je veux l'immoler,
Dit-il, et tout d'un tems on le voit y voler.
La victoire entr'eux deux n'était pas incertaine ;
L'Albain percé de coups ne se traînait qu'à peine,
Et comme une victime aux marches de l'autel,
Il semblait présenter sa gorge au coup mortel.
Aussi le reçoit-il, peu s'en faut, sans défense,
Et son trépas, de Rome établit la puissance.

Ceux qui connaissent les entraves de notre poésie, sentiront tout ce qu'il y avait ici de difficultés à surmonter, surtout dans un tems où la langue n'était pas à beaucoup près ce qu'elle est devenue depuis, et avoueront que Corneille ne fut pas étranger à cet art d'exprimer et d'anoblir les petits détails que Racine porta depuis au plus haut degré de perfection. C'est ce que fait remarquer le compropos d'un autre morceau qui n'est aussi qu'une traduction de Tite-Live, je veux dire le discours du général des Albains, qui a pour objet d'empêcher le combat entre les deux nations, en remettant leur querelle entre les mains de trois guerriers choisis dans chacun des deux partis.

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J'ose dire que le discours de l'auteur français » est au dessus du romain, plus nerveux, plus » touchant ; et quand on songe qu'il était gêné par

» la rime et par un langage embarrassé d'articles,

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» et qui souffre peu d'inversions, qu'il a surmonté » toutes les difficultés, qu'il n'a employé le secours d'aucune épithete, que rien n'arrête l'éloquente rapidité de son discours, c'est là qu'on reconnaît » le grand Corneille. »

Finissons ce qui regarde les Horaces par cette intéressante apostrophe de Sabine, d'abord à la ville d'Albe où elle était née, ensuite à celle de Rome où elle avait pris un époux. Ce morceau, d'un pathétique doux, se fait remarquer d'autant plus, qu'il contraste avec le ton de grandeur qui domine dans le reste de la piece.

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Albe, où j'ai commencé de respirer le jour ;
Albe, mon cher pays et mon premier amour
Lorsqu'entre nous et toi je vois la guerre ouverte
Je crains notre victoire autant que notre perte.
Rome, si tu te plains que c'est là te trahir,
Fais-toi des ennemis que je puisse haïr.

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,

Mes trois freres dans l'une et mon époux dans l'autre,' Puis-je former des vœux, et sans impiété

Importuner le ciel pour ta félicité?

Je sais que ton État, encore en sa naissance

Ne saurait sans la guerre établir sa puissance;
Je sais qu'il doit s'accroître, et que tes grands destins
Ne se borneront pas chez les peuplés latins ;
Que les dieux t'ont promis l'empire de la Terre,
Et que tu n'en peux voir l'effet que par la guerre,

Bien loin de m'opposer à cette noble ardeur
Qui suit l'arrêt des dieux et court à ta grandeur,
Je voudrais déjà voir tes troupes couronnées,
D'un pas victorieux franchir les Pyrénées.
Va jusqu'en Orient pousser tes bataillons;
Va sur les bords du Rhin planter tes pavillons;
Fais trembler sous tes pas les colonnes d'Hercule;
Mais respecte une ville à qui tu dois Romule.
Ingrate, souviens-toi que du sang de ses rois
Tu tiens ton nom, tes murs et tes premieres lois.
Albe est ton origine, arrête et considere
Que tu portes le fer dans le sein de ta mere.
Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphans;
Sa joie éclatera dans l'heur de ses enfans,
Et se laissant ravir à l'amour maternelle,

Ses vœux seront pour toi si tu n'es plus contre elle.

Cinna, qui suivit les Horaces, est un drame beaucoup plus régulier. L'unité d'action, de tems et de lieu y est observée : les scenes sont liées entr'elles, hors en un seul endroit où le théâtre reste vide; et l'action ne finit qu'avec la piece.

Le pardon généreux d'Auguste, les vers qu'il prononce, qui sont le sublime de la grandeur d'ame, ces vers que l'admiration a gravés dans la mémoire de tous ceux qui les ont entendus, et cet avantage attaché à la beauté du dénoûment, de laisser au spectateur une derniere impression qui est la plus heureuse et la plus vive de toutes celles

qu'il a reçues, ont fait regarder assez généralement cette tragédie comme le chef-d'œuvre de Corneille; et si l'on ajoute à ce grand mérite du cinquieme acte le discours éloquent de Cinna dans la scene où il fait le tableau des proscriptions d'Octave, cette autre scene si théâtrale où Auguste délibcre avec ceux qui ont résolu de l'assassiner, les idées -profondes et l'énergie de style qu'on remarque dans ce dialogue aussi frappant à la lecture qu'au théâtre, le monologue d'Auguste au quatrieme acte, la fierté du caractere d'Emilie et les traits heureux dont il est semé, cette préférence paraîtra suffisamment justifiée. Avant de détailler les raisons peut-être non moins puissantes qu'on peut y opposer, j'ai cru devoir traduire le récit de Séneque, d'où l'auteur de Cinna a tiré son sujet. Il l'avait imprimé avec la piece, mais en latin, et comme tout le monde sait à peu près par cœur la scene du pardon, on sera plus aisément à portée, en écoutant la traduction de Séneque, de se rappeler ce que le poëte a emprunté au philosophe. Ce morceau se trouve dans le Traité de la Clémence.

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Auguste fut un prince doux et modéré, si l'on » n'examine que son regne. Il est vrai que, n'étant que simple citoyen, à l'âge de vingt-un ans, il avait

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déjà plongé le poignard dans le sein de ses amis,

» et cherché à faire périr le consul Marc-Antoine;

» il avait partagé le crime des proscriptions. Mais » dans la suite, et lorsqu'il avait passé l'âge de » quarante ans, pendant un séjour qu'il fit dans » la Gaule, on vint lui rapporter que L. Cinna, » homme d'un esprit ferme, conspirait contre lui. » Il sut en quel lieu, en quel moment et de quelle façon l'on se proposait de l'attaquer : c'était un

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complice qui était le dénonciateur. Il résolut de se venger, et fit venir ses amis pour

» consulter.

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» Dans cet intervalle il passa une nuit fort agitée, en réfléchissant qu'il allait condamner » à la mort un jeune homme d'une naissance » illustre, d'ailleurs irréprochable, et petit-fils du grand Pompée. Quel changement! On l'avait

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» vu,

triumvir avec Marc-Antoine, donner à table » des édits de proscriptions, et maintenant il lui » en coûtait pour faire périr un seul homme. Il » s'entretenait avec lui-même en gémissant, et

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prononçait de tems à autre des paroles qui se » contredisaient. Quoi donc ! laisserai-je vivre mon » assassin? Sera-t-il en repos tandis que je serai » dans les alarmes ! Il ne serait pas puni, lui qui » dans un tems où j'ai rétabli la paix dans le Monde » entier, veut, je ne dis pas seulement frapper, mais » immoler aux pieds des autels une tête échappée » à tant de combats sur terre et sur mer,

et que

tant

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