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Racine qui a connu le premier cette observation exacte de toutes les convenances, qui ne laisse lieu à aucune objection: c'est le complément de la théorie dramatique, et il appartient naturellement au génie qui perfectionne ce que le génie

a créé.

Voilà donc Cinna et Maxime, deux républicains décidés, maîtres du sort de Rome et de celui d'Auguste. Que vont-ils faire? Maxime ne balance pas à conseiller à l'empereur de renoncer à un pouvoir toujours odieux aux Romains et toujours dangereux pour lui. Cinna prend le parti contraire, et le soutient par les meilleures raisons possibles; et ce qui est très-remarquable, c'est qu'il ne les appuie pas sur l'intérêt particulier d'Auguste, mais sur celui de Rome qui a besoin de lui. Il démontre que, dans l'état où sont les choses, l'Empire ne peut se passer d'un maître, et qu'il ne peut en avoir - un meilleur qu'Auguste. Il soutient que l'autorité de l'empereur est légitimement acquise, qu'il ne la doit qu'à ses vertus ; il affirme que le gouvernement démocratique est le plus mauvais de tous; enfin il le conjure à genoux, comme le génie tutélaire de Rome, de veiller à sa conservation, et de ne pas l'abandonner aux guerres civiles et à l'anarchie. Il va jusqu'à dire que les dieux mêmes ont

voulu que Rome perdít sa libertė; et sa politique est
si bien raisonnée, si persuasive, qu'elle entraîne
Octave,
qui finit par lui dire :

Cinna, par vos conseils je retiendrai l'Empire;
Mais je le retiendrai pour vous en faire part.

Il lui donne pour épouse Émilie, à laquelle il tient lieu de pere depuis qu'il lui a ôté le sien.

On est déjà un peu étonné du parti que prend Cinna et des discours qu'il tient; de voir le même homme que tout à l'heure il a peint comme un monstre exécrable, comme un tigre enivré de sang, devenu tout à coup pour lui un souverain légitime, le bienfaiteur des Romains et leur appui nécessaire. Mais ce n'est pas encore le moment d'examiner s'il a dit ce qu'il devait dire, si ses paroles s'accordent avec le caractere de son rôle. Je n'en suis pas à l'examen des caracteres je ne considere que les ressorts de l'action et la marche de la piece. On peut être surpris que Cinna ait changé de langage jusqu'à ce point. Mais lorsque Maxime, dans la scene suivante, lui dit:

Quel est votre dessein après ces beaux discours?

et qu'il répond:

Le même que j'avais et que j'aurai toujours.

on voit

que du moins il n'a pas changé de sentimens. Il ne veut pas qu'Auguste en soit quitte pour l'effet d'un remords , que la tyrannie soit impunie; il ne veut épouser Emilie que sur la cendre d'Octave: ce serait un supplice pour lui de la tenir d'un tyran. Il n'a donc dissimulé que par un excès de haine et de rage; il est altéré du sang d'Auguste ; il ne lui suffit plus que Rome soit libre, il faut que l'oppresseur périsse. Cette fureur peut paraître atroce si l'on considere qu'il a montré dans le premier acte beaucoup moins de ressentiment personnel contre Auguste, qui d'ailleurs le comblait de bienfaits, que d'ardeur pour la liberté, pour l'honneur de la rendre à sa patrie, et enfin pour l'hymen d'Émilie qu'il ne peut obtenir qu'à ce prix. On pourrait donc croire que, puisque l'abdication d'Octave et l'offre de la main d'Émilie lui donnaient ce qu'il desirait le plus, il ne pouvait s'acharner à vouloir la mort d'un homme qui ne lui a fait aucun mal, et qui même ne lui a fait que du bien. Mais on peut encore le justifier en ne voyant en lui qu'un inflexible républicain, qui veut, à quelque prix que ce soit, venger sa patrie et le sang de ses concitoyens. Le spectateur, accoutumé à la férocité des maximes romaines, peut encore se prêter à cette disposition de Cinna.

D'ailleurs, il persiste dans ses résolutions, et le danger reste le même, puisque l'empereur n'est instruit de rien. L'intrigue est donc soutenue jusquelà, sans que la vraisemblance morale soir absolument blessée. Mais l'intérêt a déjà souffert, parce qu'au premier acte on s'intéressait à la conspiration du petit-fils de Pompée et de l'amant d'Emilie, contre un usurpateur représenté comme le bourreau des Romains, et qu'après le second acte 'on commence à s'intéresser davantage à Auguste, dont on a entendu Cinna lui-même légitimer l'usurpation, excuser les cruautés comme nécessaires, et exalter les vertus comme la sauve-garde de l'Empire. Ce nouvel intérêt s'augmente encore par la confiance intime qu'Auguste vient de montrer pour Cinna et pour Maxime, par les témoignages d'amitié dont il les a comblés, par les graces qu'il leur a prodiguées: de plus, il n'est guere possible de voir encore dans leur conspiration l'intérêt de la liberté publique, puisqu'il n'a tenu qu'à eux qu'elle fût rétablie sans effusion de sang. L'intrigue, sans s'être arrêtée, est donc au moins affaiblie, parce que l'intérêt a changé d'objet. Le troisieme acte va nous offrir bien d'autres fautes, d'une nature plus grave et qu'il est difficile de justifier. Dans la premiere scene, Maxime nous apprend qu'il est amoureux d'Émilie : il sait

que Cinna en est aimé et que c'est pour elle qu'il conspire. Il est balancé entre la répugnance qu'il sent à servir son rival, et la honte de trahir ses amis en révélant leur complot à l'empereur. Il ne peut d'ailleurs se cacher à lui-même que c'est un très-mauvais moyen pour obtenir Emilie, que de perdre son amant. L'esclave Euphorbe, son confident, avoue que la conjoncture est embarrassante. Cependant il espere qu'à force d'y rêver..... La scene finit à cette suspension, par l'arrivée de Cinna. Avouons, avant d'aller plus loin, que cet incident qui va produire une révolution, est froid et mal imaginé.

D'abord ces sortes d'amour qu'on vient annoncer au troisieme acte comme une nouvelle indifférente, et sans qu'on ait dit jusque-là un mot qui pût nous y préparer, sont opposés à l'esprit de la tragédie, qui exige que tous les ressorts dont se compose l'intrigue, aient un degré d'intérêt suffisant pour attacher le spectateur : et qui peut en prendre le moindre à cet amour subit de Maxime, qu'on voit déjà délibérer avec lui-même sur une action infâme; en homme tout prêt à la faire? Il n'y a rien de moins tragique. On voit que l'auteur avait besoin de ce moyen pour révéler la conspiration;

on voit aussi qu'il fallait absolument en trouvu, inune, La scene suivante amene une surprise

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