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nombre de ses chefs-d'oeuvre. Racine avait cinquante ans quand il composa son admirable Athalie; et à cette même époque nous ne trouvons plus que deux ouvrages où le grand Corneille, déjà fort inférieur à lui-même dans le choix des sujets et dans la composition tragique, se retrouve encore à sa hauteur, au moins dans quelques scenes: je veux dire Nicomede et Sertorius.

Lorsqu'en 1756 les comédiens reprirent Nicomede, qui n'avait pas été joué depuis quatre-vingts ans, ils l'annoncerent sous le titre de tragi-comédie sans doute à cause du mélange continuel de noblesse et de familiarité qui regne dans ce drame, et dont aucune des meilleures pieces de Corneille n'est toutà-fait exempte. On sait que le Cid fut d'abord joué et imprimé sous ce même titre. Un grand nombre de pieces des prédécesseurs de Corneille est intitulé de même. Les Anciens n'avaient jamais connu cet alliage du tragique et du familier, du sérieux et du bouffon, marqué au coin de la barbarie. Mais comme il faisait le fond du théâtre des Espagnols, qui servit long-tems de modele au nôïre, nos auteurs, qui empruntaient leurs pieces et leurs défauts, quoique sans descendre au même degré de bouffonnerie, imaginerent ce nom de tragi-comédie, qu'ils donnaient surtout aux pieces où il n'y avait point de sang répandu, et qui excusait la bigarrure

de leurs drames informes. Mais depuis que Racine eut fait voir, le premier, comment on pouvait être, dans tout le cours d'une piece, à la fois simple et noble, naturel et élégant, sans tomber jamais dans le familier et dans le bas, il n'y eut plus de tragi-comédie.

Il semble que l'auteur de Nicomede ait voulu faire voir dans cette piece le contraste singulier de toutes celles où il avait fait triompher la grandeur romaine ici elle est sans cesse écrasée, et l'on dirait qu'il a voulu en faire justice. Cette singularité prouve les ressources de son talent, qui se montre encore dans le rôle de Nicomede. On aime à voir la fierté de ces tyrans du Monde foulée aux pieds par un jeune héros, éleve d'Annibal. Ce rôle soutient la piece, qui d'ailleurs n'a rien de tragique. Aucun des personnages n'est jamais dans un véritable danger. C'est une intrigue domestique à la cour d'un roi vieux et faible, à qui l'on veut donner un successeur. Une belle-mere ambitieuse veut écarter Nicomede du trône et y placer son fils Attale les ressorts de l'intrigue sont entre les mains de deux subalternes qui ne paraissent même pas ce sont deux faux témoins subornés par la reine, et qu'elle prétend subornés par Nicomede. Il s'agit d'un projet d'empoisonnement; mais l'ac cusation est si peu vraisemblable, Nicomede si puissant,

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puissant, si bien soutenu par ses exploits et par la faveur du peuple, et d'un autre côté la reine, a tellement subjugué la vieillesse de Prusias, qu'il est impossible de craindre pour personne. Le dénoûment est très-défectueux, parce qu'il se trouve à la fin qu'Attale, méprisé par Nicomede et traité d'homme sans cœur, fait une action de générosité très-éclatante, et que tout à coup Nicomede lui est redevable de la vie, sans que l'on comprenne bien comment cette vie a été en péril. Joignez à ces défauts la faiblesse et l'avilissement extrême de Prusias, et l'on conviendra que Voltaire a raison quand il dit que l'auteur aurait dû appeler cet ouvrage comédie héroïque et non pas tragédie.

L'intrigue de Sertorius est encore plus froide et la fable plus vicieuse. Il n'y a ni terreur ni pitié, et en exceptant la fameuse conversation de Sertorius et de Pompée, qui sera toujours justement admirée, en exceptant quelques morceaux du rôle de Viriate, tout le reste ne ressemble en rien à une tragédie.

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C'est ici, à proprement parler, que finit le grand Corneille : tout le reste n'offre que des lueurs sageres d'un génie éteint. Il n'y a rien dans Théodore, dans Attila, dans Pulchérie, dans Suréna. On ne peut citer Bérénice que pour plaindre l'auteur Cours de littér. Tome IV.

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d'avoir consenti à lutter contre Racine, dans un sujet où il lui était si difficile de soutenir la concurrence. Pertharite n'est remarquable que par la découverte que Voltaire a faite de nos jours, que l'e second acte de cette piece contient en germe la belle situation d'Hermione, demandant à Oreste qui l'aime, la tête de Pyrrhus qu'elle aime encore. Mais cet exemple ne sert qu'à faire voir ce que nous aurons lieu de vérifier plus d'une fois, qu'on peut se servir des mêmes moyens sans produire les mêmes résultats, et ce n'est que dans le cas où l'un ét l'autre se ressemblent, qu'un auteur dramatique peut être traité de plagiaire. On peut voir dans le Commentaire, pourquoi ce qui est d'un si grand effet dans Andromaque, n'en produit aucun dans Pertharite. Il suffit de dire ici que ce qui n'est dans l'une de ces pieces que passagérement indiqué et comme épisodique, dans l'autre tient au fond des caracteres et au développement des passions: il n'en faut pas davantage pour résoudre le problême, et il s'ensuit que les idées de Corneille n'ont point été celles de Racine.

Lorsque j'ai rendu compte de l'Edipe grec, j'ai cité les vers sur la fatalité, qui se trouvent dans celui de Corneille, et ce sont les seuls qui méritent d'être retenus. J'ai cité aussi, à propos du sublime

LITTÉRATURE. d'expression, les quatre beaux vers que l'on distin-` gue dans l'exposition d'Othon, exposition à laquelle Voltaire donne beaucoup d'éloges.

Il y en a quatre dans Sophonisbe, qui sont aussi d'une expression énergique. Ils sont dans la bouche du vieux Syphax, et sont en même tems la critique de son rôle.

Que c'est un imbécille et honteux esclavage,

Que celui d'un époux sur le penchant de l'âge,
Quand sous un front ridé qu'on a droit de hair,
Il croit se faire aimer à force d'obéir!

A l'égard d'Agésilas, Fontenelle s'exprime ainsi: << Il faut croire qu'il est de Corneille, puisque son "nom y est, et il y a une scene d'Agésilas et de Lysander, qui ne pourrait pas facilement être » d'un autre. » Cette louange est fort exagérée. Le ton de cette scene est noble et les pensées ont assez de dignité; mais la versification en est faible.

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Andromede et la Toison d'or sont ce qu'on appelle des pieces à machines: elles ne furent point représentées par les comédiens de l'hôtel de Bourgogne: la premiere le fut sur le théâtre qu'on appelait du petit Bourbon, l'autre en Normandie, chez le marquis de Sourdéac, à qui nous devons l'établis sement de l'opéra. Ces pieces à machines, où le chant se mêle de tems en tems à la déclamation,

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