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parler de Racine. « Je n'ai rien à dire de ce cin

در

que

quieme acte, sinon c'est en son genre un » chef-d'œuvre, et qu'en le relisant avec des yeux

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séveres, je suis encore étonné qu'on ait pu tirer

» des choses si touchantes d'une situation qui est toujours la même; qu'on ait trouvé encore de quoi attendrir quand on paraît avoir tout dit; » que même tout paraisse neuf dans ce dernier acte, » qui n'est que le résumé des quatre précédens. Le » mérite est égal à la difficulté, et cette difficulté » était extrême. La piece finit par un hélas ! Il fal» lait être bien sûr de s'être rendu maître du cœur

» des spectateurs, pour oser finir ainsi. »

دو

Britannicus n'avait eu que huit représentations dans sa nouveauté : Bérénice en eut quarante. C'est que l'un était de nature à ne pouvoir être apprécié qu'avec le tems, et que l'autre se recommandait d'elle-même par celui de tous les mérites dramatiques, qui est à la portée du plus grand nombre, et dont le triomphe est le plus prompt, le plus sûr, le plus difficilement contesté, le don de faire verser des larmes. Cependant aujourd'hui qui est-ce qui comparerait Bérénice à Britannicus? La place de ces deux ouvrages, fixée par le tems et les connaisseurs, est bien différente, et Britannicus est. représenté bien plus souvent que Bérénice. Cet exemple, parmi tant d'autres, prouve non-scule

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ment qu'il y a dans les ouvrages d'imagination un mérite bien important attaché au choix du sujet, mais encore que le nombre des représentations d'une piece nouvelle n'a jamais dû décider de son prix. Ce nombre dépend d'une foule de circonstances, souvent étrangeres à la piece. Une actrice d'une figure aimable, et dont l'organe sera fait pour l'amour, tel qu'était celui de la célebre Gaussin, attirera la foule à Bérénice; mais tout l'effet tenant à ce seul rôle, si l'exécution n'y répond pas, la piece n'aura qu'un succès médiocre; au lieu qu'une tragédie telle que Britannicus, une fois établie, se soutient par des beautés toujours plus senties, et gagne toujours à être revue.

Mais où sont ceux qui ont tant répété sans connaissance et sans réflexion, que Racine est toujours le même, que tous ses sujets ont les mêmes couleurs et les mêmes traits? Je voudrais bien qu'ils me disent ce qu'il y a de ressemblance entre Britannicus et Bérénice. Quelle distance de l'entretien de Néron avec Narcisse, aux adieux de Titus et de son amante? Et qui pourra dire dans laquelle de ces deux compositions Racine a le mieux réussi? Peut-être rapprochera-t-on Bérénice d'Andromaque, et dira-t-on que l'amour regne dans toutes les deux. Oui; mais c'est ici qu'il faut reconnaître l'art où excellait l'auteur, de rendre cette passion

de l'amour si différente d'elle-même dans les tableaux qu'il en trace. Hermione et Bérénice aiment toutes deux; toutes deux sont abandonnées. Mais l'amour de Bérénice ressemble-t-il à l'amour d'Hermione? Racine avait déployé dans celle-ci tout ce que la passion a de plus funeste, de plus violent, de plus terrible; il développe dans l'autre tout ce que cette passion a de plus tendre, de plus délicat, de plus pénétrant. Dans Hermione il fait frémir, dans Bérénice il fait pleurer. Est-ce là se ressembler? Oui, sans doute, Racine a dans toutes ses tragédies un trait de ressemblance, une maniere qui le caractérise, et cette maniere, c'est la per

fection.

Il ne s'agit pas de prouver ce qui est suffisamment reconnu; mais rien n'est plus propre à le bien faire sentir que la variété des morceaux que j'ai eu occasion de citer, et de ceux que je pourrai citer encore. Ils offrent tous des beautés absolument différentes. Vous avez entendu, par exemple, Hermione et Junie. Prenons quelques vers dans Bérénice. Voyons l'enthousiasme de l'amour occupé d'un bonheur prochain, rempli d'un seul objet, et y rapportant tous les autres.

De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur?
Tes yeux ne sont-ils pas tout pleins de sa grandeur?

pas

Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat; Cette pourpre, cet or que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire ; Tous ces yeux qu'on voyait venit de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards; Ce port majestueux, cette douce présence.... Ciel avec quel respect et quelle complaisance Tous les cœurs en secret l'assuraient de leur foi! Parle peut-on le voir sans penser, comme moi, Qu'en quelque obscurité que le sort l'eût fait naître, Le Monde, en le voyant, cût reconnu son maître ? N'est-ce là l'ivresse de l'amour, qui se persuade si aisément que tout le monde a les mêmes yeux que lui? Bérénice est-elle assez convaincue que tous les cœurs sont à Titus autant que le sien? On sait que les derniers vers furent appliqués à Louis XIV, alors dans tout l'éclat de sa jeunesse, de sa beauté et de sa gloire. Si c'était une flatterie, il faut avouer qu'elle était bien habilement placée; car qu'y a-t-il de plus naturellement flatteur que l'amour, qui l'est toujours sans le savoir? Nous venons de voir toute sa vérité, tout son abandon dans la joie : il n'en a pas moins dans la douleur, Mais ce n'est plus cette vivacité de mouvemens qui entraînait pour ainsi dire les vers; ils tombent

languissamment les uns après les autres, comme les accens de l'affliction quand elle n'a que ce qu'il lui faut de force pour se plaindre. Pas une inversion, et le retour marqué des mêmes idées et des mêmes mots, parce que dans cette situation il y en a qui reviennent toujours.

Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille sermens
D'un amour qui devait unir tous nos momens,
Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidelle,
M'ordonnât elle-même une absence éternelle.
Moi même j'ai voulu vous entendre en ce lieu :
Je n'écoute plus rien, et pour jamais, adieu.
Pour jamais! ah! seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous?
Que le jour recommence, et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice ?
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus?

On reconnaît bien la même femme qui disait tout à l'heure à Titus, lorsqu'elle était loin de prévoir son infortune, et qu'elle le revoyait après huit jours d'absence:

Votre deuil est fini, rien n'arrête vos pas;

Vous êtes seul enfin, et ne me cherchez

pas. J'entends que vous m'offrez un nouveau diadême, Et ne puis cependant vous entendre vous-même.

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