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spectateur n'en sera instruit que parce qu'il faut bien que le visir le soit. C'est donc une explication nécessaire et non pas une conversation indifférente, où les acteurs ne parlent que pour le spectateur. Toutes les scenes d'une, tragédie doivent contenir une action et avoir un objet marqué. On s'est cru trop souvent dispensé de ce devoir dans l'exposition, et quand on parvient à le remplir, le mérite en est plus grand, Ici Osmin ne fait que d'arriver: il faut qu'il rende compte au visir, d'un voyage entrepris par son ordre. Le visir ne l'écoute qu'en attendant la sultane dans l'intérieur du serrail, jusqu'alors inaccessible. Ce que va dire Osmin doit décider du sort de l'Empire: l'action commence avec la piece, et l'on ne peut en moins de vers annoncer de plus grands intérêts.

Babylone, seigneur, à son prince fidelle,

Voyait, sans s'étonner, notre armée autour d'elle;
Les Persans rassemblés marchaient à son secours,
Et du camp d'Amurat s'approchaient tous les jours.
Lui-même, fatigué d'un long siége inutile,
Semblait vouloir laisser Babylone tranquille;
Et sans renouveler ses assauts impuissans,
Résolu de combattre, attendait les Persans.
Mais, comme vous savez, malgré ma diligence,
Un long chemin sépare et le camp et Byzance.
Mille obstacles divers m'ont même traversé;
Et je puis ignorer tout ce qui s'est passé.
Cours de littér. Tome IV.

Ff

Ce détail si simple n'est

pas

mis sans dessein.

a

D'après ce que dit Osmin des retardemens qu'il éprouvés, on ne sera pas surpris que, dans la même journée, Orcan vienne apporter la nouvelle de la victoire d'Amurat. Un premier acte doit être fait de maniere à fonder et motiver tout ce qui suit.

Que faisaient cependant nos braves janissaires?
Rendent-ils au sultan des hommages sinceres ?
Dans le secret des cœurs, Osmin, n'as-tu rien lu ?
Amurat jouit-il d'un pouvoir absolu?

Ces questions d'Acomat préparent à de grands projets. Il n'y a pas jusqu'ici un mot inutile et qui n'attire une grande attention.

Amurat est content, si nous le voulons croire,
Et semblait se promettre une heureuse victoire.
Mais en vain par ce calme il croit nous éblouir :
Il affecte un repos dont il ne peut jouir.
C'est en vain que, forçant ses soupçons ordinaires,
il se rend accessible à tous les janissaires.
Il se souvient toujours que son inimitié
Voulut de ce grand corps retrancher la moitié,
Lorsque, pour affermir sa puissance nouvelle,
Il voulait, disait-il, sortir de leur tutelle.
Moi-même, j'ai souvent entendu leurs discours;
Comme il les craint sans cesse, ils le craignent toujours.
Ses caresses n'ont point effacé cette injure.

Votre absence est pour eux un sujet de murmure;

Ils

regrettent le tems, à leur grand cœur si doux, Lorsqu'assurés de vaincre, ils combatraient sous vous.

On reconnaît à ces traits cette milice impérieuse et effrénée, qui fut toujours redoutable à ses maîtres, accoutumée à décider de leur sort, également à craindre pour eux, soit qu'elle méprisât leur faiblesse, soit qu'elle redoutât leur fermeté; et qu'enfin l'on ne pouvait contenir que par l'ascendant que donnent la victoire et la renommée. On voit qu'une haine secrete, une jalousie et une défiance réciproques regnent entre eux et le sultan. Leur estime et leur affection pour Acomat donne une haute idée de ce visir, et montre un homme capable des grands projets qu'il va nous révéler. Tout se préparé par degrés : et comme l'âme d'un vieux guerrier s'enflamme tout à coup au récit d'Osmin!

Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée
Flatte encor leur valeur, er vit dans leur pensée ?
Crois-tu qu'ils me suivraient encore avec plaisir,
Et qu'ils reconnaîtraient la voix de leur visir?

OSMI N.

Le succès du combat réglera leur conduite.
Il faut voir du sultan la victoire ou la fuite.
Quoiqu'à regret, seigneur, ils marchent sous ses lois,
Ils ont à soutenir le bruit de leurs exploits.

Ils ne trahiront point l'honneur de tant d'années;

Mais enfin, le succès dépend des destinées.

1

Si l'heureux Amurat, secondant leur grand cœur,

A

Aux champs de Babylone est déclaré vainqueur,

12

Vous les verrez soumis, rapporter dans Byzance
L'exemple d'une aveugle et basse obéissance.
Mais si dans le combat le destin plus puissant
Marque de quelque affront son empire naissant,
S'il fuit, ne doutez point que, fiers de sa disgrace,
A la haine bientôt ils ne joignent l'audace,
Et n'expliquent, seigneur, la perte du combat,
Comme un arrêt du ciel qui réprouve Amurat.

Toute l'histoire des Turcs prouve combien ils sont ici fidellement représentés. La destinée des empereurs ottomans a toujours dépendu plus ou moins de leurs succès dans la guerre, des intrigues de leurs ministres, et des mouvemens du peuple et des janissaires. Cette nation féroce et fanatique, à la fois esclave et conquérante, animée d'une haine religieuse contre tout ce qui n'est pas musulsemblait ne vouloir pour maîtres que ceux qui, en faisant trembler les autres peuples, la faisaient trembler elle-même. Le crainte et le fanatisme sont les seuls ressorts d'un gouvernement qui n'est pas fondé sur les lois. Les sultans n'étaient obéis qu'en se faisant redouter, et de leurs sujets, et de leurs ennemis. Une défaite les faisait mépriser, ébranlait leur trône et exposait leur vie. Le dogme de la fatalité, établi par la croyance générale,

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par

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autorisait à penser qu'un prince malheureux à la guerre, était condamné le ciel. Toutes ces notions politiques et religieuses auraient pu fournir à Racine de très beaux vers qu'il ne s'est pas permis, parce qu'ils n'auraient été faits qué pour les spectateurs, et qu'ils auraient exprimé des idées trop familieres aux personnages, pour qu'ils dussent prendre la peine de les développer. Il se contente de les faire parler conformément à ces idées reçues, quand il dit : liq 21 20. ob super

TAMNe doutez point...........

Qu'ils n'expliquent, seigneur, la perte du combat
Comme un arrêt du ciel qui réprouve Amurat.

Si Osmin eût voulu dire pourquoi, c'eût été le poëte français qui aurait parlé; car il y en avait assez entre des Turcs qui s'entendent. Ce n'est pas que des détails de cette nature ne puissent ailleurs être bien amenés; mais ils seraient déplacés dans une scene telle que celle-ci, dont l'importance ne permet pas un mot qui ne soit absolument nécessaire. Racine s'en est tenu au trait qui peint les mœurs et a joint encore à ce mérite celui qui n'appartient qu'aux grands écrivains, de s'interdire les beautés hors de place. Osmin continue :

Cependant, s'il en faut croire la renommée,
Il a depuis rois mois fait partir de l'armée

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