aisément, sans que j'en dise les raisons, qu'on peut parler des charmes d'un homme dans un pays où les femmes sont esclaves et renfermées. OS MIN. Mais pouvaient-ils tromper tant de jaloux regards, A COM A T. Peut-être il te souvient qu'un récit peu fidelle, Avec quelle mesure et quel choix d'expressions l'auteur a rendu ces détails si difficiles et si nécessaires pour fonder les liaisons de Bajazet et de Roxane, dans une demeure où il ne devait pas leur être possible de communiquer ensemble! Tout est motivé, tout est vraisemblable. Mais combien il fallait d'art et d'invention pour arranger si bien toutes ces circonstances, qu'il ne reste pas une objection à faire! La multitude ne se rend pas ordinairement si difficile sur tous ces moyens de l'avantscene; elle reçoit sans peine tout ce qu'on lui présente, et le vulgaire des auteurs ne manque pas d'en profiter. Mais celui qui voit plus loin que moment présent, et qui travaille pour les connaisseurs et la postérité, ne néglige pas l'espece de mérite qui est la moins sentie, et quand le tems de la justice est arrivé, ce soin, qui n'appartient qu'au vrai talent, fait un poids dans la balance. Roxane vit le prince; elle ne put lui taire Un commentateur de Racine a trouvé ces vers déplacés dans la bouche d'Acomat. Il ne s'est pas aperçu qu'ils étaient non-seulement convenables, mais absolument nécessaires. Ce vers, L'embarras irritant de ne s'oser parler, nous apprend ce qu'il est très-important de savoir, que Bajazet et Roxane ne se sont vus qu'avec la plus grande contrainte. Quoiqu'on ait enfreint un moment les lois terribles du serrail au bruit de la mort d'Amurat, il serait trop peu vraisemblable que depuis elles eussent été si long-tems et si ouvertement violées; cela serait trop contraire aux mœurs, et de plus donnerait d'étranges soupçons sur le commerce amoureux du prince avec la sultane. Enfin, une troisieme raison plus forte que toutes les autres, c'est qu'à moins de cette difficulté de se voir et de se parler, on ne concevrait pas ce que va dire Acomat, que Roxane s'est servie d'Atalide pour communiquer, par son entremise, avec Bajazet. Une sultane favorite ne pouvait, sans se perdre, le voir et l'entretenir habituellement, et si dans la piece elle prend ce parti, c'est que l'instant de la révolution est arrivé, et qu'elle ne veut la consommer qu'après s'être assurée par ellemême du cœur de l'amant qu'elle va couronner. Toutes ces convenances étaient indispensables; elles tiennent au nœud de l'intrigue, qui est la passion secrete et mutuelle de Bajazet et d'Atalide, et la rivalité de cette princesse et de la sultane. Les vers qu'on vient d'entendre sont nécessaires pour fonder ces convenances, et c'est un commentateur de Racine, qui n'y aperçoit que des détails amoureux vus avec trop de finesse, et qui ne conviennent pas au caractere d'Acomat! On ne peut pas du moins faire le même reproche au com mentateur : on ne l'accusera pas de voir avec trop de finesse. Achevons l'examen de cette scene, qui va prouver ce que je viens de dire. Quoi! Roxane d'abord leur découvrant son âme, АСОМА Т. Ils l'ignorent encore; et, jusques à ce jour, Du pere d'Amurat Atalide est la niece, Et même avec ses fils partageant sa tendresse, Du prince, en apparence, elle reçoit les vœux, On pourrait demander comment Atalide a plus de facilité pour un commerce secret avec Bajazet, que n'en aurait Roxane. Atalide nous l'apprend dans l'acte suivant. Elle a été élevée avec Bajazet, et la mere de ce prince le lui destinait pour époux. Depuis la mort de cette princesse, cet hymen a été rompu, et on les a séparés l'un de l'autre; mais leur intelligence a continué secrétement, et l'on conçoit que cette jeune parente de Bajazet, protégée par Roxane, pouvait être surveillée avec moins de rigueur que la favorite d'Amurat. Osmin, sut ce que dit Amurat du mariage projeté entre Atalide et lui, s'écrie avec surprise : Je fisse de l'amour le vil apprentissage? Qu'un cœur qu'ont endurei la fatigue et les ans, Me va, contre lui-même, assurer un appui. Les vers qui suivent et qui sont encore un détail des mœurs ottomanes ne sont pourtant pas ici dans cette seule vue: ils servent à fonder les défiances que témoigne Acomat de ce même Bajazet, qu'il sert avec tant de zele; défiances qui peuvent étonner avec quelque raison. Un visir aux sultans fait toujours quelque ombrage; |