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Le cinquieme acte doit s'en ressentir : c'est une complication de meurtres qui ne peuvent guere nous toucher. Roxane, égorgée par ordre d'Amurat, reçoit le prix que méritent son infidélité et son ingratitude, et pour Bajazet et Atalide, on sent trop qu'ils périssent parce qu'ils l'ont voulu.

Toutes ces fautes

prouvent que, dans un art aussi difficile que celui de la tragédie, l'esprit le plus judicieux et le goût le plus éclairé peuvent quelquefois se tromper. Mais puisque Bajazet est resté au théâtre, c'est une preuve aussi que, même en se trompant, l'homme supérieur peut trouver dans son talent les moyens de se faire pardonner ses fautes, et cent ans de succès décident, en faveur de Bajazet, que les beautés l'emportent sur les défauts. Acomat et Roxane font excuser tout le reste. L'intrigue, quoique menée par de trop faibles ressorts, est cependant conduite de maniere à soutenir la curiosité et à faire naître quelquefois de la terreur. Il y a deux scenes qui produisent cet effet; celle du cinquieme acte dont j'ai déjà parlé, où Roxane finit par envoyer Bajazet à la mort, et celle du quatrieme, où elle essaie d'intimider Atalide pour arracher son secret. Madame, j'ai reçu des lettres de l'armée. De tout ce qui s'y passe êtes-vous informée ?

Le premier vers fut relevé

par

les critiques,

comme étant de la conversation familiere: la situa tion le rend admirable. Des lettres de l'armée, dans les circonstances où l'on est, ne peuvent apporter qu'un arrêt de mort contre Bajazet. Ce seul mot doit épouvanter Atalide; et quand l'expression n'a rien d'ignoble en elle-même, c'est un mérite vraiment dramatique de faire trembler avec les mots les plus ordinaires, et qui, partout ailleurs, seraient la chose du monde la plus simple. Le même mérite se retrouve dans ces mots de Monime à Mithridate, admirés par Voltaire :

Seigneur! vous changez de visage!

Ils sont aussi familiers, et le moment où on les dit les rend terribles. C'est ainsi que la haine aveugle ou de mauvaise foi s'attaque souvent à ce qu'il y à de plus louable, et par des critiques spécieuses en impose à la multitude, jusqu'à ce que ce que les connaisseurs aient parlé. Continuons cette scene, dont le dialogue a autant d'art que de simplicité.

ATALIDE.

On m'a dit que du camp un esclave est venu :
Le reste est un secret qui ne m'est pas connu.

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ROXAN E.

Amurat est heureux; la fortune est changée,
Madame; et sous ses lois Babylone est rangée.

ATALIDE.

A TAL I D E.

Hé quoi, Madame ! Osmin.....

ROXA N E.

Était mal averti,

Et depuis son départ cet esclave est parti.

C'en est fait.

ATALIDE, (à part.)

Quel revers!

ROXAN E.

Pour comble de disgraces,

Le sultan qui l'envoie, est parti sur ses traces.

A TAL I D E.

Quoi! les Persans armés ne l'arrêtent donc

ROXAN E.

pas

?

Non, Madame: vers nous il revient à grands pas.

A TAL I D E.

Que je vous plains, Madame! et qu'il est nécessaire D'achever promptement ce que vous vouliez faire!

ROXANE.

Il est tard de vouloir s'opposer au vainqueur.

ATALIDE, (à part.)

O ciel!

ROXAN E.

Le tems n'a point adouci sa rigueur.

Vous voyez
Cours de littér. Tome IV.

dans mes mains sa volonté suprême.

Hh

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Voyez, lisez vous-même.

Vous connaissez, Madame, et la lettre, et le seing.

A TALID E.

Du cruel Amurat je reconnais la main.

(Elle lit.)

« Avant que Babylone éprouvât ma puissance,
» Je vous ai fait porter mes ordres absolus.
» Je ne veux point douter de votre obéissance,
» Et crois que maintenant Bajazet ne vit plus.
» Je laisse sous mes lois Babylone asservie,
» Et confirme en partant mon ordre souverain.

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Vous, si vous prenez soin de votre propre vie, »Ne vous montrez à moi que sa tête à la main.

Hé bien !

ROXAN E.

ATALIDE, (à part.)

Cache tes pleurs, malheureuse Atalide.

Que vous semble?

ROXA N E.

ATALIDE.

Il foursuit son dessein parricide.

Mais il pense proscrire un prince sans appui :
Il ne sait pas l'amour qui vous parle pour lui;
Que vous et Bajazet vous ne faites qu'une âme ;
Que plutôt, s'il le faut, vous mourrez.....

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Quoi! ce prince aimable..... qui vous aime, Verra finir ses jours qu'il vous a destinés!

ROXA NE.

Il le faut; et déjà mes ordres sont donnés.

Je me meurs,

A TALIDE.

Elle s'évanouit, et ce n'est point ici, comme dans quelques tragédies, un évanouissement de commande. L'idée de la mort de Bajazet doit frapper la tendre Atalide d'un coup mortel, et Roxane ne doute plus de la trahison. Quelle différence de cette scene à tout ce qui a précédé ! L'action, qui avait langui jusque-là dans des explications

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