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amoureuses, commence enfin à devenir tragique. Le désespoir d'Atalide, le danger de Bajazet, les transports furieux de Roxane raniment l'intérêt, et au milieu de ces mouvemens orageux Acomat conserve encore sa place et garde son caractere. Roxane l'instruit de la fourbe de Bajazet qui les trompait tous deux; elle paraît déterminée à abandonner un ingrat; elle ne doute pas que le visir ne partage ses ressentimens. Acomat, sans balancer, feint d'entrer dans ses vues: il n'a que cette voie pour tirer, s'il se peut, Bajazet

de ses mains.

A COM A T.

Moi-même, s'il le faut, je m'offre à vous venger,
Madame; laissez-moi nous laver l'un et l'autre

Du crime que sa vie a jeté sur la nôtre.
Montrez-moi le chemin, j'y cours.

ROXAN E.

Non, Acomat.

Laissez-moi le plaisir de confondre l'ingrat.

Je veux voir son déso dre et jouir de sa honte ;
Je perdrais ma vengeance en la rendant si prompte.
Je vais tout préparer. Vous, cependant, allez
Disperser promptement vos amis assemblés.

Les deux personnages soutiennent également leur caractere: tous deux vont à leur but: Acomat

ne perd pas l'espérance de sauver le prince, ni

Roxane celle de le regagner. Acomat reste seul

avec Osmin.

A COM AT.

Demeure. Il n'est pas tems, cher Osmin, que je sorte.

OS MIN.

Quoi, jusque-là, seigneur, votre amour vous transporte? N'avez-vous pas poussé la vengeance assez loin? Voulez-vous de sa mort être encor le témoin ?

A COM A T.

Que veux-tu dire? Es-tu toi-même si crédule
Que de me soupçonner d'un courroux ridicule ?
Moi jaloux!

Remarquons, en passant, comme ce mot de ridicule, qui ne semble pas fait pour la tragédie, est anobli dans la place où il est, par l'idée qu'il donne d'Acomat: on voit de quelle hauteur, il regarde les faiblesses de l'amour. Personne n'a possédé comme Racine le secret de relever les expressions les plus communes par la maniere dont il les place.

Moi jaloux plût au ciel qu'en me manquant de foi,
L'imprudent Bajazet n'eût offensé que moi!

OS MIN.

Et pourquoi donc, seigneur, au lieu de le défendre.....

A COM A T.

Et la sultane est-elie en état de m'entendre?

Ne voyais-tu pas bien, quand je l'allais trouver,
Que j'allais avec lui me perdre ou me sauver?
Ah! de tant de conseils événement sinistre !
Prince aveugle! ou plutôt trop aveugle ministre!
Il te sied bien d'avoir, en de si jeunes mains,
Chargé d'ans et d'honneurs, confié tes desseins,
Et laissé d'un visir la fortune flottante,
Suivre de ces amans la conduite imprudente.

C'est bien ici le langage que doit tenir Acomat; mais il n'a rien à se reprocher, et la conduite de ces amans est telle qu'il ne pouvait pas la prévoir. Voyons quelle est la sienne dans un instant si critique.

OSMI N.

Hé! laissez-les entre eux exercer leur courroux.

Bajazet veut périr, seigneur, songez

à vous.

Qui peut
de vos desseins révéler le mystere,
Sinon quelques amis engagés à se taire?

Vous

verrez,
, par sa mort, le sultan adouci.

A COMAT.

Roxane en sa fureur peut raisonner ainsi.

Mais moi, qui vois plus loin; qui, par un long usage,
Des maximes du trône ai fait l'apprentissage;
Qui, d'emplois en emplois, vieilli sous trois sultans,
Ai vu de mes pareils les malheurs éclatans,
Je sais, sans me flatter, que de sa seule audace
Un homme tel que moi doit attendre sa grace,
Et qu'une mort sanglante est l'unique traité
Qui reste entre l'esclave et le maître irrité.

Fuyez donc.

OSMI N.

A COM A T.

J'approuvais tantôt cette pensée.

Mon entreprise alors était moins avancée.
Mais il m'est désormais trop dur de reculer.
Par une belle chute il faut me signaler,

Et laisser un débris, du moins après ma fuite,
Qui de mes ennemis retarde la poursuite.
Bajazet vit encor,: pourquoi nous étonner ?
Acomat de plus loin a su le ramener.
Sauvons-le malgré lui de ce péril extrême,

Pour nous, pour nos amis, pour Roxane elle-même.
Tu vois combien son cœur, prêt à le protéger,
A retenu mon bras trop prompt à la venger.

Je connais peu l'amour; mais j'ose te répondre
Qu'il n'est pas condamné puisqu'on veut le confondre;
Que nous avons du tems: malgré son désespoir,
Roxane l'aime encore, Osmin, et le va voir.

Enfin,

OS MIN.

› que vous inspire une si noble audace? Si Roxane l'ordonne, il faut quitter la place. Ce palais est tout plein.....

A COMAT.

Qui, d'esclaves obscurs,

Nourris loin de la guerre, à l'ombre de ces murs.
Mais toi, dont la valeur d'Amurat oubliée,
Par de communs chagrins à mon sort s'est liée,
Voudras-tu ju qu'au bout seconder mes fureurs?

OSMIN.

Seigneur, vous m'offensez. Si vous mourez, je meurs.

АСОМ А Т.

D'amis et de soldats une troupe hardie,

Aux portes du palais, attend notre sortie.
La sultane d'ailleurs se fie à mes discours.
Nourri dans le serrail, j'en connais les détours ;
Je sais de Bajazet l'ordinaire demeure.

Ne tardons plus, marchons ; et s'il faut que je meure,
Mourons; moi, cher Osmin, comme un visir; et toi
Comme le favori d'un homme tel que moi.

Quel caractere et quel style! Ainsi rien ne le déconcerte : il sait tout prévoir et tout braver. Que de beautés de toute espece dans un seul acte et dans une piece d'ailleurs défectueuse ! quel ouvrage, qu'une tragédie ! et quel talent, que celui 'de Racine!

Voltaire, plus capable que personne d'apercevoir ce qui manquait à Bajazet, et de lutter contre l'auteur, essaya, en 1740, de traiter un sujet à peu près semblable, sous le nom de Zulime. Sa piece eut peu de succès : il y fit des changemens considérables, et la fit reprendre en 1762. Le talent prodigieux qu'y déploya mademoiselle Clairon n'a pu faire revivre la piece, et depuis on ne l'a point revue. Voltaire l'imprima, et voici comme il s'exprime sur le rôle d'Acomat, dans une épître

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