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dédicatoire à l'actrice immortelle qui avait joué Zulime.

« Cette piece, dit-il, est assez faible, et mal» heureusement elle paraît avoir quelque ressemblance avec Bajazet, et pour comble de mal» heur elle n'a point d'Acomat; mais aussi cet » Acomat me paraît l'effort de l'esprit humain. Je ne vois rien dans l'antiquité ni chez les Modernes, qui soit dans ce caractere, et la beauté » de la diction le releve encore. Pas un seul vers

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ou dur ou faible, pas un mot qui ne soit le mot » propre, jamais de sublime hors d'œuvre, qui » cesse alors d'être sublime; jamais de dissertation

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étrangere au sujet; toutes les convenances par» faitement observées; enfin, ce rôle me paraît » d'autant plus admirable, qu'il se trouve dans la » seule tragédie où l'on pouvait l'introduire, et qu'il aurait été déplacé partout ailleurs. »

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Ce que dit Voltaire du style de Racine est rigoureusement vrai du rôle d'Acomat, mais ne l'est pas tout-à-fait autant du reste de la piece. On sait que Boileau en trouvait la versification négligée. Expliquons-nous pourtant : cela veut dire qu'on y remarque environ cinquante vers répréhensibles, sur un millier d'excellens, et trois ou quatre cents d'admirables; c'est dans cette proportion qu'il est arrivé à Racine, une fois en sa

vie depuis Andromaque, d'être ce que Boileau appelait négligé. On peut juger par-là de la sévérité du critique et de la supériorité de l'auteur. Il faut voir quelques-unes de ces fautes : c'est une espece de nouveauté que d'en trouver dans les vers de Racine.

Rien ne m'a pu parer contre ces derniers coups.

C'est un mot impropre. On dit parer des coups et se garantir des coups. Parer ne peut s'appliquer aux personnes que comme verbe réciproque, suivi de la particule de se parer des embûches de l'ennemi se parer du soleil; mais on ne pourrait pas dire se parer contre l'ennemi.

J'ai reculé vos pleurs autant que je l'ai pu.

:

Encore un terme impropre si c'est une ellipse pour dire j'ai reculé le moment de faire couler vos pleurs, elle est trop forte : si c'est une métaphore, elle est fausse. On ne peut ni avancer ni reculer des pleurs.

Mais je m'assure encore aux bontés de ton frere.

On dit je m'assure dans vos bontés, et non pas je m'assure à vos bontés.

Ne vous informez point ce que je deviendrai.

C'est un solécisme. Il faut absolument ne vous in

formez pas de ce que je deviendrai. Il était si facile de mettre ne me demandez point ce que je deviendrai, que je soupçonne que du tems de Racine la construction dont il se sert était d'usage: elle n'en est pas moins incorrecte.

Ne vous figurez point que dans cette journée,
D'un lâche désespoir ma vertu consternée.

On est accablé d'un désespoir, abattu par le désespoir, et l'on n'en est pas consterné. On ne peut être consterné que du désespoir d'autrui : je l'ai vu dans un désespoir qui m'a consterné.

Et ma bouche et mes yeux du mensonge ennemis,
Peut-être dans le tems que je voudrais lui plaire,
Feraient par leur désordre un effet tout contraire.

On ne peut pas dire le désordre de ma bouche et de mes yeux. L'intervalle d'un vers rend la faute moins sensible, mais non pas moins réelle.

J'irai, bien plus content et de vous et de moi,
Détromper son ambur d'une feinte forcée,
Que je n'allais tantôt déguiser ma pensée.

Le comparatif plus est séparé du relatif
que, de
maniere que la phrase n'est plus française. La cons-
truction exacte et naturelle demandait que la phrase
fût disposée ainsi : l'irai détromper son amour d'une

feinte forcée, bien plus content de vous et de moi, que je n'allais tantôt déguiser ma pensée.

Poursuivez, s'il le faut, un courroux légitime.

On dit suivre le courroux et poursuivre la vengeance. La raison en est simple: suivre le courroux, c'est se laisser mener par lui. Poursuivre la vengeance, c'est courir après pour la trouver. Telle est la différence de ces deux termes, au figuré comme au propre.

Ses

yeux ne l'ont-ils pas séduite? Roxane est-elle morte?

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Séduite ne peut être ici le synonyme de tromper: il ne l'est jamais que dans le sens moral. J'ai cru le voir mes yeux m'ont trompé, et non pas mes yeux m'ont séduit. Les yeux de cette femme m'ont fait croire qu'elle m'aimait : ils m'ont trompé, ils m'ont séduit. Tous les deux sont bons.

On pourrait relever d'autres fautes; mais ce sont là les plus graves que j'aie remarquées. On a beaucoup critiqué ce vers :

Croiront-ils mes périls et vos larmes sinceres ?

Je ne le blâmerais pas. Je sais bien qu'on ne dit pas de périls sinceres ; mais sinceres convient au dernier mot qui est larmes, et cette interposition fait

passer le premier. Il y a mille exemples en poésie de cette

espece de licence. Le sens est parfaitement clair : Croiront-ils mes périls véritables et vos larmes sinceres? Voilà ce qu'on dirait en prose, et en vers l'affinité des idées de véritables et de sinceres fait passer la hardiesse, qui favorise la précision sans

nuire à la clarté.

Concluons de cet examen, que Bajazet, comparé aux chefs-d'œuvre de l'auteur, est dans la totalité un ouvrage de second ordre, qui n'a pu être fait que par un homme du premier.

FIN DU TOME IV.

« ÀÌÀü°è¼Ó »