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peine les fruits et les fleurs. Ne perdons pas une occasion de redire à ce siecle frivole et hautain, qu'il n'y a aucun mérite à mépriser tout, mais qu'il y en a beaucoup à profiter de tout. Est-ce à nous d'insulter aux savans du seizieme siecle, quand nous jouissons du fruit de leur labeur? Ils ont porté jusqu'à l'abus l'étude et l'amour de l'antiquité; je le veux; mais des Modernes, qui ne devaient qu'aux lumieres générales ce qu'ils pouvaient avoir d'esprit, ont beaucoup trop négligé cette même étude dont ils n'ont su que se moquer, comme des héritiers étourdis et prodigues laissent en riant dépérir entre leurs mains une fortune immense, obscurément amassée par des peres avares et laborieux.

Tels ne furent point l'Arioste et le Tasse, qui tous deux versés dans l'ancienne langue des Romains, assez pour y écrire avec succès, aimerent mieux, illustrer celle de l'Italie moderne, et y tiennent encore le premier rang; l'un, qui a fait oublier le Boyardo et le Pulci en immortalisant leurs

la

fictions, qu'il embellissait des charmes de son style; l'autre, qui, précédé dans l'épopée par le Trissin, ne prit de lui que cette simplicité de plan, cette unité d'action enseignée par les Anciens, mais qui, rempli du beau feu qui les animait, et que Nature avait refusé au chantre trop faible de l'Italia liberata, vint se placer à côté d'Homere et de Virgile, et balança, par l'invention et l'intérêt, ce qui lui manque pour les égaler dans la poésie de style. On n'ignore pas que l'Italie est encore partagée d'opinion entre le Tasse et l'Arioste, comme on se partage encore entre Corneille et Racine, et depuis si long-tems entre Cicéron et Démosthene; car le génie, ainsi que toutes les puissances conquérantes, divise les hommes en les subjugant, et ne se fait guere de sujets sans se faire des ennemis. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner les titres des deux concurrens, qui passeront dans la suite sous nos yeux quand nous nous occuperons particuliérement de la littérature étran

gere.

gere. Ils ne sont nommés ici que comme étant du petit nombre des hommes supérieurs, dont la gloire devient celle de leur nation, et comme les deux écrivains qui ont donné à la langue italienne toute la grâce et toute la force dont elle paraît susceptible.

C'était le tems où cette langue souple et flexible prenait tous les tons, et s'assurait dans tous les genres des titres pour la postérité. L'auteur du Pastor fido disputait à celui de l'Aminte la palme de la pastorale dramatique. Guichardin atteignait à la dignité de l'histoire. Fra - Paolo soutenait la liberté et la constitution de sa patrie, avec la plume et le courage d'un citoyen, contre la politique ambitieusé du pontificat romain: heureux si cette louable fermeté n'eût pas dégénéré par la suite en une partialité blâmable, si l'historien du concile de Trente, oubliant les querelles de l'avocat de Venise, eût écrit avec autant de fidélité que d'agrément et d'esprit, et si le défenseur de la liberté n'eût pas

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fini

par être un des disciples de Machiavel. Ce Florentin, nourri dans les conspirations, et qui commença par échapper au dernier supplice en résistant aux tortures, s'est acquis une déplorable célébrité par son livre intitulé le Prince, qui n'est autre chose que la théorie des forfaits et le code de la tyrannie, et dont on a très-gratuitement voulu justifier l'intention, d'après une des rêveries d'Amelot de la Houssaye, qui crut avoir découvert que Machiavel n'avait professé le crime que pour en inspirer l'horreur. Il suffit de lire ses ouvrages pour se convaincre que, naturellement imbu de la politique italienne de son tems, qui n'était guere que la perfidie et la scélératesse, il employa tout ce qu'il avait d'esprit et de talent à réduire en systême ce qu'il voyait pratiquer tous les jours. Cette sorte de perversité peut se rencontrer dans un pays de révolution, tel qu'alors était l'Italie. Mais je dois observer aussi à ceux qui, ne connaissant point la mesure des choses, voient des ressemblances où il

n'y a que des rapports éloignés, qu'on a fait injure à Machiavel en agrégeant à son école nos docteurs révolutionnaires : la différence est très-grande. Machiavel examine les occasions où l'assassinat et l'empoisonnement, les moyens d'oppresșion, de division et de destruction peuvent être utiles ou nécessaires à la puissance qui ne fait pas entrer la morale dans sa politique. Il raisonne le crime, mais il ne le consacre pas; il n'en dissimule pas même les dangers, et enseigne à en sauver l'horreur, autant du moins qu'il est possible. S'il se fût trouvé avec des hommes qui ne connussent d'autre politique que le pillage universel et le massacré universel, et qui posassent pour premiere base de gouvernement l'abolition de tout ordre social, moral et légal, comme le font encore aujourd'hui ceux qui veulent à toute force proclamer le gouvernement révolutionnaire, il n'aurait vu en eux que la lie des bandits de l'Europe, devenus fous depuis qu'on les a déchaînés;, et Machiavel,

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