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comme de vieilles richesses; il abuse de la liberté de converser, et perd de vue le point de la question établie; il cite de mémoire, et fait des applications fausses ou forcées de plus d'un passage; il resserre trop les bornes de nos conceptions sur plusieurs objets que, depuis lui, l'expérience et la réflexion n'ont pas trouvées inaccessibles. Tels sont, je crois, les reproches qu'on peut lui faire : ils sont effacés par les éloges qu'on lui doit. Comme écrivain, il a imprimé à la langue une sorte d'énergie familiere qu'elle n'avait pas avant lui, et qui ne s'est point usée, parce qu'elle tient à celle des sentimens et des pensées, et qu'elle ne s'éloigne pas, comme dans Ronsard, du génie de notre idiôme. Comme philosophe, il a peint l'homme tel qu'il est, sans l'embellir avec complaisance, et sans le défigurer avec misantropie. Ses écrits ont un caractere de bonne foi qui leur est particulier : ce n'est pas un livre qu'on lit, c'est une conversation qu'on écoute. Il persuade d'autant plus, qu'il paraît

moins enseigner. Il parle souvent de lui, mais de maniere à vous occuper de vous; et il n'est ni vain, ni ennuyeux, ni hypocrite, trois choses très-difficiles à éviter quand on se met soi-même en scene dans ses écrits. Il n'est jamais sec: son ame ou son caractere est partout. Et quelle foule d'idées sur tous les sujets! quel trésor de bon sens ! que de confidences. où son histoire est aussi celle du lecteur ! Heureux qui retrouvera la sienne propre dans ce chapitre sur l'amitié, qui a immortalisé le nom de l'ami de Montaigne ! Ses Essais sont le livre de tous ceux qui lisent, et même de ceux qui ne lisent pas.

Nous avançons vers le dix-septieme siecle, qui fut enfin celui de la France. La langue commençait à s'épurer; elle prenait des formes plus exactes, un ton plus noble et plus soutenu; elle acquérait de l'harmonie dans les vers de Malherbe et dans la prose de Balzac mais celui-ci, moins occupé des choses que des mots, et s'appliquant surtout à l'arrangement et au nombre de

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la phrase, qui semblaient alors des miracles, parce qu'ils étaient des nouveautés, 'écrivit de maniere que sa gloire, moins attachée au mérite de ses ouvrages qu'aux services qu'il rendait à notre langue, est presque tombée dans l'oubli quand il est devenu inutile. C'est peut-être une espece d'ingratitude, mais qui ne paraîtra pas sans excuse si l'on se souvient que du moins les écrivains de cette classe ont joui d'une réputation proportionnée au plaisir qu'ils procuraient à leurs contemporains; que les jouissances des lecteurs sont la mesure naturelle de la célébrité de l'écrivain, et qu'en ce genre une génération ne se charge guere de la reconnaissance d'une autre. Malherbe, plus heureux, animant ses ouvrages du feu de la poésie, et y répandant des beautés de tous les tems, a conservé des droits sur la postérité, en même tems qu'il enseignait à nos aïeux le rhythme qui convient à notre versification, les regles essentielles de nos différens metres et l'art de les entremêler, le mouvement et

les

les suspensions de la phrase poétique, l'usage légitime de l'inversion, le choix et l'effet de la rime.

Le bon goût avait cependant bien des obstacles encore à surmonter; et il fallait, suivant une marche assez ordinaire aux hommes, passer par toutes les mauvaises routes avant de rencontrer le bon chemin. Nos progrès étaient retardés par ce même esprit d'imitation, qui pourtant est nécessaire au moment où les arts renaissent, mais qui a ses inconvéniens comme ses avantages. Si les premiers modeles à qui l'on s'attache ne sont pas absolument purs, ils sont dangereux, en ce qu'on est d'abord bien plus facilement porté à imiter leurs défauts que leurs beautés. Quand les Romains demanderent aux Grecs des leçons de poésie et d'éloquence, le goût des maîtres était assez parfait pour ne pas égarer les disciples. Mais l'Italie et l'Espagne, qui donnaient encore le ton à toute l'Europe quand les lettres naissaient en France, avaient deux défauts très - graves Cours de littér. Tome IV.

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et malheureusement très - séduisans, qui dominaient dans leur littérature, et dont même leurs meilleurs écrivains n'étaient pas exempts. L'enflure espagnole et l'affectation italienne devaient donc régner en France avant qu'on eût appris à étudier le vrai goût chez les Anciens. La langue de ces deux nations était familiere aux Français: nos fréquentes expéditions en Italie, le luxe des princes de la maison de Médicis et nos alliances avec eux, l'éclat du regne de Charles-Quint, l'influence sinistre de Philippe II du tems de la Ligue, toutes ces causes réunies avaient donné sur nous, à nos voisins du Midi, cet ascendant de la mode qu'ont eu depuis ceux du Nord. Livres, jeux, spectacles, vêtemens, tout fut alors en France italien ou espagnol leurs auteurs étaient dans les mains de tout le monde et faisaient partie de notre éducation. Nos poëtes se réglerent sur eux. La poésie galante s'empara de ces pointes du bel esprit italien, appelées concetti, et de là ce déluge de fa

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