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l'esprit de secte, fait pour tout gâter, engagea ces grands-hommes dans de malheureuses querelles qui troublerent leur siecle, et dont le funeste contre-coup s'est fait sentir jusque dans le nôtre, ici nous ne voyons en eux que les bienfaiteurs des lettres, et nous ne pouvons que rendre hommage aux monumens qu'ils nous ont laissés. Héritiers et disciples de la litté rature des Anciens, ils nous apprirent à le devenir. Les excellentes études qu'ils dirigeaient, leurs principes de grammaire et de logique, les meilleurs que l'on connût jusqu'à eux, et bons encore aujourd'hui ; leurs livres élémentaires, qui ont fourni tant de secours pour la connaissance des langues; tous leurs ouvrages écrits sainement et avec pureté, et ce mérite qui n'appartient qu'à la supériorité, de savoir descendre pour instruire; voilà leurs titres dans la postérité; voilà ce qui servit à consommer la révolution que le goût attendait pour éclairer le génie. Pour tout dire en un mot, c'est de leur école que sont

sortis Pascal et Racine; Pascal, qui nous donna le premier ouvrage où la langue ait paru fixée, et où elle ait pris tous les tons de l'éloquence; Racine, le modele éternel de la poésie française.

Ces noms caractérisent l'époque qu'on appelle encore le siecle de Louis XIV. Le dix-huitieme s'ouvre ensuite devant nous, spectacle d'autant plus intéressant, qu'il forme presque en tout un contraste avec l'autre, particuliérement par la nouvellę philosophie qu'il vit naître en ses premieres années, et que les dernieres ont dû nous mettre à portée d'apprécier. Je n'ai pas besoin de dire que sur cet objet de premiere importance j'énoncerai mon opinion toute entiere, telle qu'elle est, sans m'embarrasser aucunement de ceux qui croiraient voir ici un devoir ou un intérêt à la modifier ou à la soumettre à de prétendues considérations, qui, étant étrangeres à la vérité, doivent l'être à celui qui la dit. Je sais la taire lorsqu'elle serait sans effet; mais dès que je la crois bonne

à entendre, il n'est pas en moi de la dire à demi. Il peut exister un pouvoir qui m'empêche de parler : il n'y en a point qui m'empêche de parler comme je pense. Ce ne sera pas ma faute si je ne parviens pas à détromper ceux qui se persuadent si follement, ou qui voudraient se persuader encore qu'ils sont faits pour commander à l'opinion, qu'en faisant le mál ils ont changé la nature du bien, que personne ne peut plus honorer ce qu'ils insultent, ni louer ce qu'ils ont détruit ou voudraient détruire, ni détester ce qu'ils font ou voudraient faire, ni mépriser ce qu'ils voudraient mettre en horreur; et que si ce n'est plus, comme autrefois, la Terre entiere, au moins c'est toute la France qui doit être à jamais l'esclave et l'écho de leur atroce extravagance. Il ne tiendra pas à moi de dissiper cet étrange rêve d'un orgueil sur-humain, et de leur montrer leurs systêmes absurdes, renfermés avec eux dans le cercle très-étroit de leur existence très-précaire, et conspués avec

horreur par le Monde entier. C'est même, je dois l'avouer, cet intérêt sacré de la vérité nécessaire, qui peut seul me soutenir dans une carriere laborieuse, dans une carriere qui, après tant d'événemens, ne peut plus être la même; qui autrefois, par ses rapports avec mes goûts les plus chers, pouvait paraître une suite de jouissances, et qui est aujourd'hui en elle-même un sacrifice et un dévoûment, non que j'aie pu devenir insensible à ces arts que j'ai tant aimés, ni surtout aux témoignages de bienveillance qu'ils m'ont procurés ici dans tous les tems, et qui sont restés dans mon cœur. Mais je ne le dissimulerai point, le charme s'est éloigné et affaibli; et que n'altéreraient pas nos longues années de révolution? Je sais que la faculté d'oublier est un des biens de l'homme, qui ne pourrait guere supporter à la fois, et tout le passé, et tout le présent; mais cette faculté, comme toutes les autres, doit avoir sa mesure; et qui oublie trop et trop tôt n'est ni assez instruit ni assez corrigé,

J'excuse et n'envie point ceux qui peuvent vivre comme s'ils n'avaient ni souffert ni vu souffrir; mais qu'ils me pardonnent de ne pouvoir les imiter. Ces jours d'une dégradation entiere et inouie de la nature humaine sont sous mes yeux, pesent sur mon ame et retombent sans cesse sous ma plume, destinée à les retracer jusqu'à mon dernier moment. Dans cette situation d'esprit, les lettres ne sont plus pour moi qu'une distraction innocente, et les arts ne se présentent plus à mon imagination que pour colorier les imposantes et désolantes idées qui peuvent seules m'occuper tout entier. Sans doute ceux qui ont tout oublié, ne sauraient m'entendre; mais je dirai à ceux qui pleurent encore: Et moi aussi, je pleure avec vous. La douleur de l'homme sensible est comme la lampe religieuse et solitaire qui veille auprès des tombeaux : et qui serait assez barbare pour l'éteindre? D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper : toutes les vérités se tiennent par des liens plus ou moins appa

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