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rime chez les Arabes était de la plus haute antiquité, et que l'on sait d'ailleurs que ces peuples conquérans, forsqu'ils passerent d'Afrique dans le midi de l'Europe, au huitieme siecle, la trouverent entiérement barbare, et porterent les premiers dans nos climats méridionaux le goût de la poésie galante et quelque teinture des arts. Les troubadours, qui professaient la science gaie (c'est ainsi qu'ils l'appelaient), et qui couraient le Monde en chantant l'amour et les dames, furent honorés et recherchés. Leur profession out bientôt tant d'éclat et d'avantages, les femmes, toujours sensibles à la louange, traiterent si bien ceux qui la dispensaient, que des souverains se glorifierent du titre et même du métier de troubadour. Ils fleurirent jusqu'au quatorzieme siecle: ce fut le terme de leurs prospérités. Ils s'étaient fort corrompus en se multipliant, et par des abus et des désordres de toute espece ils forcerent le gouvernement de les réprimer, et tomberent dans le discrédit. Ils firent place aux poëtes français proprement dits, c'est-à-dire, à ceux qui écrivaient dans la langue nommée originairement langue romance, formée d'un mélange du latin et du celte, et qui vers le onzieme siecle s'appela langue française: c'est le tems où elle paraît avoir éu des articles. Elle adopta la rime, et quoique cette invention soit beaucoup moins favorable à

la poésie que le vers métrique des Grecs et des Latins, elle paraît absolument essentielle à la versification de nos langues modernes, si éloignées de la prosodie presque musicale des Anciens. La rime est voisine de la monotonie; mais elle est agréable en elle-même, comme toute espece de retour symmétrique ; car la symmétrie plaît naturellement aux hommes, et entre plus ou moins dans les procédés de tous les arts d'agrémens. Voltaire a eu raison de dire:

La rime est nécessaire à nos jargons nouveaux,
Enfans demi-polis des Normands et des Goths.

Les novateurs bizarres, tels que Lamotte, qui ont voulu ôter la rime à nos vers, s'y connaissaient un peu moins que l'auteur de la Henriade.

Des fabliaux et des chansons, voilà nos premiers essais poétiques. On sait que les fabliaux sont des contes rimés, souvent fort gais et plaisamment imaginés. Ce qui le prouve, c'est que Lafontaine en a tiré plusieurs de ses plus jolis contes; Pétrarque, un assez grand nombre de ses Nouvelles, et Moliere même quelques scenes. Un recueil où les nationaux et les étrangers ont également puisé, ne peut pas être sans mérite. A l'égard du langage, il est aujourd'hui difficile à entendre; mais en l'étu

diant, on y trouve une maniere de raconter qui n'est pas sans agrément. Les sujets roulent la plupart sur l'amour, et ont quelquefois de l'intérêt. Nos chansonniers modernes en ont fait usage, et de là vient que les chansons, qui expriment les malheurs ou les plaintes de l'amour, s'appellent encore des romances, du nom que anciennement à la langue française.

l'on donnait

Nous avons des chansons provençales de Guillaume, comte de Poitou, troubadour qui vivait au onzieme siecle. Les chansons françaises de Thibault, cómte de Champagne, sont du treizieme. Il était contemporain de Saint Louis et a beaucoup célébré la reine Blanche. On voit par les noms. des poëtes français inscrits dans les recueils bibliographiques, qu'il y en eut un nombre prodigieux sous le regne de Saint Louis, et que l'enthousiasme des croisades échauffa leur verve; mais la langue était encore très-informe. On croit que Thibault est le premier qui ait employé les vers à rimes féminines; mais ce ne fut que bien long-tems après que Malherbe nous apprit à les entremêler réguliément avec les vers masculins. Quand on lit les chansons de Thibault, qu'à peine pouvons-nous entendre, on ne conçoit pas que dans l'Anthologie française on ait imaginé de lui attribuer cette

chanson, qu'on a depuis imprimée partout sous

son noin:

Las! si j'avais pouvoir d'oublier
Sa beauté, son bien dire

Et son tant doux, tant doux regarder,

Finirait mon martyre.

Mais las! mon cœur je n'en puis ôter,
Et grand affolage
M'est d'espérer.
Mais tel servage

Donne courage

A tout endurer.

Et puis comment, comment oublier

Sa beauté, son bien dire

Et son tant doux, tant doux regarder!

Mieux aime mon martyre.

Que l'on fasse attention qu'il n'y a dans cette chanson naïve et tendre, que le mot d'affolage qui ait vieilli, quoique nous ayons conservé affoler et raffoler (car pour le mot servage on l'emploie encore très-bien dans le style familier); que d'ailleurs toutes les constructions sont exactes, à l'inversion près qui a régné jusqu'au tems de Louis XIV; qu'il n'y a pas un seul de ces hiatus qu'on retrouve encore jusque dans Voiture; que l'on compare encore ce style au jargon rude. et grossier que l'on

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parlait au treizieme siecle, et l'on verra qu'il est impossible que cette chanson date du regne de Saint Louis, et qu'elle ne peut pas être plus ancienne que les poésies de Marot, dont les madrigaux, qu'il appelle épigrammes, ne sont pas tous si gracieusement tournés. Il s'en fallait bien que la langue eût fait tant de progrès il y a cinq cents ans. C'est alors que parut le Roman de la Rose, commencé par Lorris et achevé par Jean de Meun. C'est parmi les vieux monumens de notre poésie dans son enfance, celui qui eut le plus de réputation : il n'y a rien qui approche de cette chanson attribuée au comte de Champagne. Tout l'esprit de l'auteur, morale, galanterie, satyre, tout est en allégorie, genre de fiction le plus froid de tous.

La ballade, le rondeau, le triolet, toutes les sortes de poésies à refrein, sont celles qui furent en vogue jusqu'au seizieme siecle. Il faut savoir gré aux auteurs de ce tems, d'avoir senti que ces refreins avaient une grace particuliere, conforme au caractere de douceur et de naïveté, le seul que notre poésie ait eu jusqu'à Marot, qui le premier y joignit un tour fin et délicat. Dès le quinzieme siecle, Villon, et auparavant Charles d'Orléans, pere Louis XII, tournaient la ballade et le rondeau avec assez de facilité. Voici des vers de ce dernier

de

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