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sur le retour du printems: il faut se souvenir, en les jugeant, de quelle date ils sont.

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On peut remarquer que toutes les mesures de vers étaient dès-lors en usage, excepté l'hexametre ou l'alexandrin, ainsi nommé, à ce qu'on croit, d'un poëme intitulé Alexandre, qui est du douzieme siecle, et où ce vers est employé pour la premiere fois. Il fut depuis très-rare de s'en servir jusqu'à Dubellay et Ronsard. La noblesse, qui est le caractere de ce vers, n'était pas encore celui de notre langue. Les vers de Marot sont presque tous de cinq pieds. Leur tournure agréable et piquante s'accordait très-bien avec celle de son esprit. On trouve dans Crétin et dans Martial de Paris des idylles en vers de quatre et cinq syllabes. Le dernier, qui vivait du tems de Charles VII, fit une espece d'élégie sur la mort de ce prince. E

voici quelques vers, dont la marche est aisée et

coulante.

Mieux vaut la liesse,

L'amour et simplesse

De bergers pasteurs,
Qu'avoir à largesse
Or, argent, richesse,
Ni la gentillesse

De ces grands seigneurs.
Car pour nos labeurs,
Nous avons sans cesse

Les beaux prés et fleurs,
Fruitages, odeurs,

Et joie à nos cœurs,

Sans mal qui nous blesse.

En voici de Crétin, qui ont une syllabe de moins, et qui ont aussi bien moins de douceur.

Pasteurs loyaux,

En ces jours beaux,
Je vous convie

A jeux nouveaux.

Bergeres franches

Cueillez des branches

De lauriers verts, etc.

Je ne les cite que comme des exemples fort anciens d'une espece de metre qui peut quelquefois être

employée avec succès, pourvu que ce soit avec sobriété; car l'oreille serait bientôt fatiguée du retour trop fréquent des mêmes sons. Madame Deshoulieres et Bernard se sont servis heureusement de ces petits vers dans des sujets gracieux. Rousseau, dans sa belle cantate de Circé, a su les rendre propres aux images fortes. Tout le monde par cœur ces vers:

sait

Sa voix redoutable

Trouble les enfers, etc.

Mais il les a placés très-judicieusement dans une espece de poëme musical où ils occupent peu de place, et où, parmi des vers de différente mesure, ils forment une variété de plus. Il y aurait de l'inconvénient à les prolonger : ils ne sont faits que pour des pieces de peu d'étendue. Comme la difficulté de se resserrer dans un rhythme trèsétroit est un de leurs mérites, cette difficulté trop long-tems vaincue ne paraîtrait qu'un jeu d'esprit, un effort artificiel, et c'est ce qu'il faut éviter en tout genre.

On ne cite guere qu'en ridicule les vers de Scarron à Sarrazin, d'une mesure encore plus gênante, puisqu'ils ne sont que de trois syllabes :

Sarrazin

Mon voisin, etc.

Cette fantaisie convenait à un poëte burlesque, On a été plus loin de nos jours: on a mis la Passion en vers d'une seule syllabe. Voici un échantillon de cette piece bizarre, qui, je crois, n'a jamais été imprimée, et qui n'est connue que de quelques

curieux.

De

Ce

Lieu

Dieu

Mort

Sort,

Sort

Fort

Dur,

Mais

Très

Sûr.

Ces prétendus tours de force ne prouvent que la manie puérile de s'occuper laborieusement de petites choses, et l'on en peut dire autant des acrostiches et de toutes les belles inventions de ce genre, imaginées apparemment par ceux qui avaient du tems à perdre.

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Le nom de Marot est la premiere époque vraiment remarquable dans l'histoire de notre poésie, bien plus par le talent qui brille dans ses ouvrages et qui lui est particulier, que par les progrès qu'il

fit faire à notre versification, qui furent très-lents et très-peu sensibles depuis lui jusqu'à Malherbe. On retrouve dans ses écrits les deux vices de versification qui dominerent avant et après lui, les hiatus ou concours de voyelles, et l'inobservation de cette alternative nécessaire entre les rimes masculines et féminines. Mais on ne lui a pas rendu justice quand on lui a reproché d'avoir laissé subsister l'e muet au premier hémistiche, défaut capital qui anéantit la césure et le nombre, en faisant disparaître le repos où l'oreille doit s'arrêter. Cette faute, très-commune avant lui, est infiniment rare dans ses vers, et ne reparaît presque plus dans les poëtes de quelque nom qui l'ont suivi. Il faut donc le louer d'avoir contribué beaucoup à corriger ce défaut, destructeur de toute harmonie. Mais ce n'est là qu'un de ses moindres mérites : il eut un talent infiniment supérieur à tout ce qui l'a précédé, et même à tout ce qui l'a suivi jusqu'à Malherbe. On remarque chez lui un tour d'esprit qui lui est propre. La Nature lui avait donné ce qu'on n'acquiert point : elle l'avait doué de grace. Son style a vraiment du charme, et ce charme tient à une naïveté de tournure et d'expression, qui se joint à la délicatesse des idées et des sentimens. Personne n'a mieux connu que lui, même de nos jours, le ton qui convient à l'épigramme, soit celle

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