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que nous appelons ainsi proprement, soit celle qui a pris depuis le nom de madrigal, en s'appliquant à l'amour et à la galanterie. Personne n'a mieux connu le rhythme du vers à cinq pieds et le vrai ton du genre épistolaire, à qui cette espece de vers. sied si bien. C'est dans les beaux jours du siecle de Louis XIV que Boileau a dit :

Imitez de Marot l'élégant badinage.

Il fut sans doute beaucoup plus élégant que tous ses contemporains; mais comme le choix des termes n'est pas ce qui domine le plus dans son talent, et que son langage était encore peu épuré, on aimerait mieux dire, ce me semble:

Imitez de Marot le charmant badinage.

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Pour peu qu'on soit fait à un certain nombre de mots et de constructions qui ont vieilli depuis, on lit encore aujourd'hui, avec un très-grand plaisir, une partie de ses ouvrages; car il y a un choix à faire, et il n'a pas réussi dans tout. Ses pseaumes, par exemple, ne sont bons qu'à être chantés dans les églises protestantes. Mais quoi de plus galant et même de plus tendre que cette chanson?

Puisque de vous je n'ai autre visage,

Je m'en vais rendre hermite en un désert,
Pour prier Dieu, si un autre vous sert,
Qu'ainsi que moi, cn votre honneur soit sage.

Adieu amour, adieu gentil corsage.
Adieu ce teint, adieu ces fiians yeux.
Je n'ai pas eu de vous grand avantage;
Un moins aimant aura peut-être mieux.

Que de sentiment dans ce dernier vers! On a depuis employé souvent la même pensée; mais jamais elle n'a été mieux exprimée.

On a tant de fois cité la petite piece intitulée le Oui et le Nenni, qu'on me reprocherait, avec raison, de l'omettre ici.

Un doux nenni avec un doux sourire

Est tant honnête! il vous le faut apprendre.
Quand est d'oui, si veniez à le dire,
D'avoir trop dit je voudrais vous reprendre.
Non que je sois ennuyé d'entreprendre
D'avoir le fruit dont le desir me point;
Mais je voudrais qu'en me le laissant prendre,
Vous me disiez, non, vous ne l'aurez point.

Nos agréables rimeurs, qui se sont plaints si souvent au public de trouver des maîtresses trop faciles, n'ont fait que commenter et paraphraser ces vers de Marot, et ne les ont sûrement pas égalés. On a de même imité et retourné de cent manieres l'idée ingénieuse de ce madrigal, qui n'est pas moins joli que le précédent.

Amour trouva celle qui m'est amere,

(Et j'y étais j'en sais bien mieux le conte)

Bon jour, dit-il, bon jour, Vénus ma mere;
Puis tout à coup il voit qu'il se mécompte,
Dont la couleur au visage lui monte,
D'avoir failli, honteux, Dieu sait combien!
Non, non, Amour, lui dis-je,' n'ayez honte ;
Plus clairvoyans que vous s'y trompent bien.

En voici un autre où il y a moins d'esprit, mais beaucoup de sensibilité, et l'un vaut bien l'autre.

Un jour la dame en qui si fort je pense,
Me dit un mot de moi tant estimé,
Que je ne peux en faire récompense,
Fors de l'avoir en mon cœur imprimé :
Me dit avec un ris accoutumé:

« Je crois qu'il faut qu'à t'aimer je parvienne.
Je lui réponds: « N'ai garde qu'il m'advienne
» Un si grand bien, et si j'ose affirmer
» Que je devrais craindre que cela ne vienne,
» Car j'aime trop quand on me veut aimer. »

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Voltaire citait souvent l'épigramme suivante, qui est d'un genre tout différent : c'est ce que Despréaux appelait le badinage de Marot.

Monsieur l'abbé et monsieur son valet
Sont faits égaux tous deux comme de cire.
L'un est grand fou, l'autre petit follet.
L'un veut railler, l'autre gaudir et rire.
L'un boit du bon, l'autre ne boit du pire.

Mais un débat le soir entr'eux s'émeut ;
Car maître abbé toute la nuit ne veut
Être sans vin, que sans secours ne meure,
Et son valet jamais dormir ne peut,

Tandis qu'au pot une goutte en demeure.

On connaît la fin tragique de Samblançay, surintendant des finances sous François Ier., et condamné à mort quoiqu'innocent. Il fut mené au supplice par le lieutenant-criminel Maillard, dont la réputation était aussi mauvaise que celle de Samblançay était respectée. Nous avons sur ce sujet une épigramme de Marot, dans le goût de celles des Anciens, où l'on traitait quelquefois des sujets nobles; ce qui n'est point contraire au caractere de l'épigramme, qui peut prendre tous les tons, et qui peut finir aussi bien par une belle pensée que par un bon mot. Martial, Rousseau, Sannazar et beaucoup d'autres l'ont prouvé. Celle de Marot est d'autant plus remarquable, que c'est la seule où il ait soutenu le ton noble qui n'est pas le sien.

Lorsque Maillard, juge d'enfer, menait

A Montfaucon Samblançay l'ame rendre,
A votre avis, lequel des deux tenait

Meilleur maintien? Pour vous le faire entendre,
Maillard semblait homme que mort va prendre,
Et Samblançay fut si ferme vieillard,
Que l'on cuidait pour vrai qu'il menât pendre
A Montfaucon le lieutenant Maillard.

Maintenant il faut entendre Marot dans la familiarité badine du style épistolaire et de ses correspondances amoureuses; car ses ouvrages sont pleins de ses amours qui ont troublé sa vie et embelli ses vers, comme il arrive presque toujours. On sait quel éclat firent à la cour de François Ier. les intrigues du poëte avec Diane de Poitiers, qui depuis fut à peu près reine de France sous le regne de Henri II, et avec Marguerite de Valois, d'abord duchesse d'Alençon et ensuite reine de Navarre. Ces noms-là font honneur à la poésie et au poëte qui élevait si haut ses hommages. Diane, la beauté la plus fameuse de son tems, écouta les vœux de Marot avant de se rendre à ceux d'un roi. Il paraît qu'ils ne furent pas mal ensemble, puisqu'ils finirent par se brouiller. Marot eut le malheur de déshonorer son talent jusqu'à l'employer contre celle même à qui d'abord il avait consacré ses chants. Cela fait tant de peine, que pour l'excuser un peu l'on voudrait croire qu'il l'aimait encore tout en lui disant des injures, et l'on pardonne bien des choses à l'amour en colere. Diane pourtant ne lui pardonna pas : elle se servit de son crédit auprès de Henri, alors dauphin, pour faire emprisonner Marot, qu'on accusait de favoriser les nouvelles opinions des réformés. Il subit un procès criminel en l'absence de François Ier., qui

l'aimait

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