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l'aimait et le protégeait, et qui alors était prisonnier en Espagne. Marot fut mis en liberté par un. ordre exprès du roi, qu'il avait sollicité en langage poétique, en lui envoyant une piece fort plaisante, intitulée l'Enfer, composée dans sa prison; car sa verve et sa gaieté ne l'abandonnerent jamais. Cet Enfer, c'est le Châtelet, et les juges en sont les démons. Marguerite de Valois, dont il était valetde-chambre, le servit beaucoup en cette occasion auprès du roi son frère. La reconnaissance dans un cœur tendre devient bientôt de l'amour, et celui de Marot pour Marguerite éclata d'autant plus, qu'il fut très-bien accueilli. Nous avons encore des vers de cette princesse, adressés à Marot, qui dut en être content. Une lettre qu'elle lui écrivit et que nous ne connaissons que par la réponse, dut lui faire encore plus de plaisir, puisqu'on y joignait l'ordre de la brûler: c'est là-dessus qu'il lui écrit.

Bienheureuse est la main qui la ploya
Et qui vers moi de grace l'envoya;
Bienheureux est qui envoyer la sut,
Et plus heureux celui qui la reçut.

Il peint avec une vérité touchante le regret qu'il eut, et l'effort qu'il se fit en jetant cette lettre au feu.

Cours de littér. Tome IV,

G

Aucune fois au feu je la mettais

Pour la brûler, puis soudain l'en ôtais,
Puis l'y remis, et puis l'en reculai;
Mais à la fin à regret la brûlai,
Disant: ô lettre! (après l'avoir baisée)
Puisqu'il le faut, tu seras embrâsée;
Car j'aime mieux deuil en obéissant,
Que tour plaisir en désobéissant.

Lafontaine, qui lisait beaucoup Marot, paraît avoir imité la peinture qu'on vient de voir, dans cet endroit d'une de ses meilleures fables, où il dit des souris :

Mettent le nez à l'air, montrent un peu la tête,

Puis rentrent dans leurs nids écrats,

Puis resortant font quatre pas,

Puis enfin se mettent en quête.

Mais le chef-d'œuvre de Marot dans le genre de l'épître, c'est celle où il raconte à François Ier. comment il a été volé par son valet. Otez ce qui a vieilli dans les termes et les constructions, c'est d'ailleurs un modele de narration, de finesse et de bonne plaisanterie.

On dit bien vrai : la mauvaise fortune

Ne vient jamais qu'elle n'en amene une,
Ou deux ou trois avec elle vous, sire,

:

Votre cœur noble en saurait bien que dire;
Et moi chétif, qui ne suis roi ni rien,
L'ai éprouvé, et vous conterai bien,

Si vous voulez, comment vint la besogne.
J'avais un jour un valet de Gascogne,
Gourmand, ivrogne et assuré menteur,
Pipeur, larron, jureur, blasphémateur,
Sentant la hart de cent pas à la ronde,
Au demeurant le meilleur fils du monde.

Ce vers si plaisant, après l'énumération des belles qualités de ce valet, est devenu proverbe, et se répete encore tous les jours dans le même sens.

Ce vénérable ilot fut averti

De quelque argent que m'aviez départi,
Et que ma bourse avait grosse apostume.
Il se leva plus tôt que de coutume,

Et me va prendre en tapinois icelle,

Puis vous la met très-bien sous son aisselle,
Argent et tout, cela se doit entendre,

Et ne crois pas que ce fût pour la rendre ;
Car onc depuis n'en ai ouï parler.

Bref, le vilain ne s'en voulut aller

Pour si petit, mais encore il me happe
Saye et bonnets, chausses, pourpoint et cape,

De mes habits en effet il pilla

Tous les plus beaux, et puis s'en habilla

Si justement, qu'à le voir ainsi être,

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Vous l'eussiez pris en plein jour pour son maître.

Finalement de ma chambre il s'en va

Droit à l'étable, où deux chevaux trouva,

Laisse le pire, et sur le meilleur monte

Pique et s'en va pour abréger mon conte, i

Soyez certain qu'au sortir de ce lieu, N'oublia rien, fors de me dire adieu. Ainsi s'en va, chatouilleux de la gorge, Ledit valet monté comme un Saint-George, Et vous laissa monsieur dormir son saoul, Qui au réveil n'eût su finer d'un sou. Ce monsieur-là, sire, c'était moi-même, Qui, sans mentir, fus au matin bien blême, Quand je me vis sans honnête vêture, Et fort fâché de perdre ma monture. Mais pour l'argent que vous m'aviez donné Je ne fus point de le perdre étonné; Car votre argent, très-débonnaire princes S'il faut le dire, est sujet à la pince. Bientôt après cette fortune-là Une autre pire encore se mêla

De m'assaillir, et chaque jour m'assaut,

Me

menaçant

de me donner le saut,

Et de ce saut m'envoyer à l'envers
Rimer sous terre er y faire des vers.
C'est une longue et lourde maladie
De trois bons mois, qui m'a tout étourdie
La pauvre tête, et ne veut terminer;
Ains me contraint d'apprendre à cheminer,
Tant faible suis: bref, à ce triste corps
Dont je vous parle, il n'est demeuré, fors
Le pauvre esprit qui lamente et soupire,
Et en pleurant tâche à vous faire rire.
Voilà comment depuis neuf mois en çà
Je suis traité or ce que me laissa
Mon larroneau, long-tems ce, l'ai vendu,
Et en sirops et juleps dépendu.

Ce néanmoins ce que je vous en mande

N'est pour vous faire ou requête ou demande.
Je ne veux point tant de gens ressembler,
Qui n'ont souci autre que d'assembler.
Tant qu'ils vivront, ils demanderont eux;
Mais je commence à devenir honteux,
Et ne veux plus à vos dons m'arrêter.
Je ne dis pas, si voulez rien prêter,
Que ne le prenne : il n'est point de prêteur,
Quand il le veut, qui ne fasse un debteur.
Et savez-vous, sire, comment je paie?
Nul ne le sait si premier ne l'essaie.
Vous me devrez, si je puis, du retour,
Et je vous veux faire encore un bon tour.
A celle fin qu'il n'y ait faute nulle,
Je vous ferai une belle cédule,
A vous payer, sans usure s'entend,
Quand on verra tout le monde content;
Ou si voulez à payer ce sera

Quand votre los et renom cessera.

Depuis Horace, on n'avait

pas

donné à la louange

une tournure si délicate.

Je sais assez que vous n'avez pas peur
Que je m'enfuie ou que je sois trompeur.
Mais il fait bon assurer ce qu'on prête.
Bref, votre paie, ainsi que je l'arrête,
Est aussi sûre, avenant mon trépas,
Comme avenant que je ne meure pas.
Avisez donc si vous avez desir
De me prêter vous me ferez plaisir;

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