On étoit en état de leur faire raison. Les entreprises les plus hautes, Sans même en excepter celle que fit Jason, Coûterent beaucoup moins ; &, par comparaison, On s'imagina voir de nouveaux Argonautes, Allant conquérir la Toison. Déja les vents enfloient les voiles déployées, que, pour manœuvrer, mille mains employées, Un obftacle inconnu le rendoit immobile. Or, quel étoit l'empêchement, Du nautonnier le plus habile? Un fort petit poiffon, qu'on nomme rémora, Il prit la fuite. L'équipage Rit de la découverte, & plus d'un en rira. Mais, après tout, pourquoi s'étonner d'un spectacle, Que le monde présente en mille autres objets ? ** Fait échouer de grands projets ? ************************** FABLE III. La Belle & la Mouche. UNe mouche, non pas de celles Qui relévent encor l'éclat de deux beaux yeux, Et ne font pas grace en été A ces fronts enchanteurs, à ces charmantes bouches, Qui décident du fort de notre liberté ; Faire l'impertinent théatre De fon paffe-temps impoli.. Ce nez étoit celui d'un tendron tout aimable ; D'abord en patience on endura le mal; Mais la vengeance coûta cher; Car de la même main, fur l'infecte portée, L'amour en fit un cri dans l'air. La vengeance a toujours quelque chofe d'amer. L'aura faifie à demi mot : Il faut quelquefois qu'il en coûte, ******** FABLE IV. La Plante étrangére. A Mr. DE LA PLACE, fur fa tragédie de Venise sauvée. J'Ai lû qu'un homme habile ayant bien voyagé Vers les lointains climats, en miracles fertiles, Dans fon pays revint chargé De connoiffances fort utiles; Et, quoique peu de gens voyagent avec fruit, Pour en éclairer beaucoup d'autres. Que de fruits, que d'animaux rares Le nôtre s'enrichit de bien des nouveautés. Dans fon jardin, que fera-t'il Avec cette plante nouvelle ?... Croit-il ingénument qu'elle y végétera Penfe-t'il qu'au milieu d'une terre étrangére, Comme dans fa patrie, elle profpérera?... En dépit des jaloux, le favant efpéra La plante réuffit, jufquès à fatisfaire Les plus éclairés connoiffeurs ; Tous ceux qui, grace à lui, fe virent poffeffeurs D'une plante fi salutaire, Le comblerent d'encens ; & le lot des cenfeurs, Fut d'enrager & de fe taire. ENVO I. Cette fable, LA PLACE, eft une vérité Pour qui faura t'y reconnoître. Que ne puis-je louer en maître parterre Elle vient tout-à-coup d'enrichir le D'après un pinceau d'Angleterre. |