페이지 이미지
PDF
ePub

Mais, comment la manger, fans en rompre l'écaille? Voici comme s'y prit l'oiseau malicieux :

Vous avez raison, ma commere,

Et j'aime à voir en vous, dans cette occafion,
Cette noble émulation,

Qui, des grands fuccès, eft la mere....

L'aigle, après ce propos flatteur,
Dans fes ferres prit la tortue;

Et lorfqu'à certaine hauteur,

Dans l'air, avec fa proye, elle fut parvenue,
Sur une roche bien pointue,

La laiffa tomber tout-à-coup:

L'écaille se brifa; puis fur la même roche,
Sans feu, fans cuifinier, fans broche;

L'aigle fit un repas qui la flatta beaucoup.

En fort bonnes leçons, cette fable est féconde :
Premier avis, lecteur; plûtôt que de courir
Après certain favoir, que Jupiter confonde!
Dans une ignorance profonde,

Choififfons plûtôt de mourir....

Second avis ; il est bien des gens dans le monde,
Qu'il fuffit d'élever, pour les faire périr.

FABLE X I.

L'Amour & la Mufette.

A madame FRE'COT DE LANTY, qui, depuis fon mariage; avoit extrêmement négligé fon clavecin.

A Vant que l'Amour, fous l'ormeau,

Au cœur d'Hilas fe fît entendre,

Jamais berger de ce hameau

N'avoit fi fréquemment, ni d'un air auffi tendre
Fait raisonner fon chalumeau.

Mais dès qu'il fut épris de l'aimable Lifette,
Ah! Qu'Hilas devint différent!

Son chien, fon troupeau, fa mufette,
Tout lui parut indifférent.

La mufette, à l'amour, un jour ofa s'en plaindre:
C'est toi, lui dit-elle, c'est toi

Qui t'empares d'Hilas, au point de le contraindre
A ne plus s'occuper de moi.

De tous mes partisans, c'étoit le plus fidéle
Comme le plus chéri ; j'en faifois un modéle, ́
Et tu me l'as volé : va, je m'en vengerai ;
L'amour a quelquefois befoin que je l'appuie;
Tu viendras m'en prier; mais l'affront que j'effuie
Fait que pour toi je me tairai.

Charpentier même, c'est tout dire,
N'obtiendroit pas de moi le moindre petit fon,
S'il s'agiffoit d'une chanfon

Qui pût accroître ton empire.

Là, là, ma belle enfant, dit le fils de Cypris
A la mufette courroucée,

Calme ce vain transport, dont ton cœur est épris;
Ta colere est injufte, autant que déplacée ;
Si, toujours occupé de l'objet de ses vœux,

Depuis qu'il eft amant, Hilas t'a négligée,

Je n'en fuis point la caufe; & qui plus est, je veux Que par l'amour tu fois vengée.

Ainfi

Ainfi parla ce dieu. L'effet fuivit de près.

A la chanfon la plus parfaite,

Lifette, quelque jours après

[ocr errors]

Par l'avis de l'himen, attacha fa défaite ;
Hylas fit un air tout exprès.

Pour le faire arriver à fon bonheur fuprême,
La mufette rendit des accords excellens ;
Je le crois. Au defir de plaire à ce qu'il aime,
L'homme eft né pour devoir fes plus rares talens
Et quelque fois la vertu même.

ENVOI.

Aimable & jeune Iris, de votre clavecin,
Cette fable vous peint la trifte deftinée;
Vous ne lui parlez plus. N'eft-ce pas un larcin,
Dont il peut accufer l'amour & l'himenée ?:..
Mais fi, par un tendre mari,
Ce clavecin, jadis chéri,

Obtenoit quelque jour, qu'on daignât le reprendre, Qu'à le toucher, vos doigts bientôt excelleroient! Et que les maîtres trouveroient

Peu de chofes à vous apprendre!

G

FABLE XII

La Biche & la Chevre.

UN faon mourut, &, pour sa mere,

fa

Son trépas fut l'objet d'une douleur amére;
La biche, en témoigna les plus tristes regrets,
Et j'en ai pour garans les échos des forêts ;
Mais enfin, par le temps, fa tristeffe affoiblie
Fit place à la tranquilité ;

La perte du faon regretté,
Ne pouvant être rétablie ;

A quoi bon joindre à ce malheur,

Celui d'une inutile & mortelle douleur ?

Un tel raifonnement n'étoit pas d'une bête;
La biche étoit femme de tête,

Et qui philofophoit, mieux qu'aucun animal.
Mais, par une chevre éventée,

Cette philofophie, à mal interprêtée,

[ocr errors]

**

« 이전계속 »