페이지 이미지
PDF
ePub

弟 萬福

143

DISCOURS

QUI A REMPORTÉ

L E

PRIX D'ELOQUENCE PAR LE JUGEMENT

DE

L'ACADEMIE FRANÇOISE.

UELQUE peu d'ufage que l'homme faffe de fes lumiéres pour s'étudier foi-même, il découvre les foibleffes & les déreglements dont il

eft rempli: auffi-tôt fa raifon cherche à y remedier, touchée naturellement d'un defir de perfection qui lui refte de l'ancienne grandeur où elle s'eft veuë élevée. Mais que peut-elle maintenant, incertaine, aveugle, pleine d'erreurs, digne elle-même d'être comptée pour une des miféres de l'homme? Elle ne fçait que combattre des deffauts par des deffauts, ou guerir des paffions par des paffions; & les vains remedes qu'elle fournit font des maux d'autant plus grands & plus incurables, qu'elle eft intereffée à ne les plus reconnoître pour des maux & qu'elle s'eft feduite elle-même en leur faveur.

[ocr errors]

En

En vain pendant plufieurs fiécles, la Grece fi fertile en efprits fubtils, curieux & inquiets, produifit ces Sages, qui faifoient une profeffion temeraire d'enfeigner à leurs Difciples l'art de vivre heureux, & de fe rendre plus parfaits: en vain la diverfité infinie de leurs fentiments, qui fera à jamais la honte des foibles lumiéres naturelles, épuifa tout ce que la raison humaine pouvoit pour les hommes: l'effet des plus grands efforts de la Philofophie ne fut que de changer les vices que produit la nature corrompue en de fauffes vertus, qui étoient, s'il fe peut, des marques encore plus certaines de corruption. Un homme du commun ou ignore, ou reconnoît fes deffauts auec affés de fimplicité, pour les rendre en quelque forte excufables; au lieu qu'un Philofophe Paien, fier d'avoir acquis les fiens à force de meditation & d'étude, leur donnoit tous fes applaudiffements.

Ces defordres que la raifon humaine causoit dans la Grece, où elle regnoit avec toute la hauteur dont elle eft capable, quand elle vient à fe méconnoître, les leçons trompeufes qu'elle envoioit de là chés tous les peuples du monde, qui ne les recevoient qu'avec trop de docilité, ne furent pas fans doute les moindres motifs qui inviterent la Raifon éternelle à defcendre fur la terre. Si d'un côté chez les Juifs les fameufes Semaines de Daniel, qui expiroient, & le Sceptre de Juda qui avoit paffé dans des mains étrangères, preffoient le Liberateur fi longtemps promis & attendu; il eft certain que d'un autre côté les Grecs livrés jufques-là à des erreurs orgueilleufes, & à une ignorance contente d'elle-même, demandoient également

le

le Meffie par leurs befoins, quoi qu'ils ne fuffent pas en droit de l'attendre. Dieu le devoit aux uns pour dégager fa parole tant de fois donnée par la bouche de fes Prophètes; & il le devoit aux autres pour fatisfaire à fa bonté, qui ne les pouvoit fouffrir plus long-tems dans les égarements de leur fageffe. Il falloit aux uns un Monarque qui s'établît un empire tout divin fur les Nations; un grand Prêtre qui leur enfeignât les veritables Sacrifices; & il falloit aux autres un Sage, dont ils reçuffent des preceptes folides; un Maître qui leur apportât toutes les connoiffances, après lefquelles ils foû- · piroient depuis fi long-temps.

Il parut donc enfin parmy les hommes, ce Meffie fi ardemment defiré d'un feul peuple, & fi neceffaire à tous. Alors les idées & du vrai & du bien nous furent révelées fans obf curité & fans nuages; alors difparurent tous ces phantômes de vertus qu'avoit enfantés l'imagination des Philofophes; alors des remèdes tout divins furent appliqués avec efficace à tous les maux qui nous font naturels.

Arrêtons nos yeux en particulier fur quelqu'un des effets que produifit la nouvelle Loy annoncée par Jéfus-Chrift. L'impatience dans les maux eft peut-être un des vices aufquels la nature nous porte, & le plus generalement & avec le plus de force, & il n'y a point de vertu à laquelle la Philofophie ait plus afpiré qu'à la patience; fans doute, parce qu'il n'y en a aucune ny plus néceffaire à la malheureufe condition des hommes, ny plus capable d'attirer une distinction glorieufe à ceux qui auroient pa l'acquerir. Cette impatience de la nature, & G

la

la fauffe patience de la Philofophie, nous ferviront d'exemples de l'heureux renouvellement qui fe fit alors dans l'Univers. Voyons comment la veritable patience inconnue jufques-là fur la terre, prit la place de l'une & de l'autre, N'ayons point de honte d'envifager de près, & d'étudier nos miferes; cette veuë, cette étude fervira à nous convaincre des bienfaits du Redempteur.

I. POINT.

UEL eft ce mouvement impetueux de notre ame qui s'irrite contre les maux qu'el

le endure, & qui s'agite comme pour en fecouer le joug? Pourquoy tâcher à les repouffer loin de nous par des efforts violents, dont nous fentons en même temps l'impuiffance? Pourquoy prendre à partie ou des Aftres, qui n'ont en aucune forte contribué à nos malheurs; ou une Fortune & des Deftins qui n'ont point d'être hors de notre imagination? Que veulent dire ces plaintes addreffées à mille objets dont elles ne peuvent être écoutées ? Que veut dire cette espèce de fureur où nous entrons contre nous-mêmes, moins fondée encore que tous ces autres emportements? Soulageons-nous nos maux, ou les redoublons-nous? Malheureux, fi nous n'avons que des moyens fi faux & fi peu raifonnables pour les foulager! Infenfés, fi nous les redoublons! Mais quel fujet d'en douter? il n'eft que trop feur que nous redoublons nos maux. Cet effort que nous faifons pour arracher le trait qui nous bleffe, l'enfonce encore davantage; l'ame fe déchire elle-même par

cette

« 이전계속 »