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cette nouvelle agitation, & le mouvement extraordinaire où elle fe met excitant fa fenfibilité, donne plus de prife fur elle à la douleur qui la tourmente.

Cependant ny la honte de fuivre des mouvements déreglés, ny la crainte d'augmenter le fentiment de nos maux, ne réprime en nous l'impatience. On s'y abandonne d'autant plus facilement, que la voix fecrette de notre confcience ne nous la reproche prefque pas, & qu'il n'y a point dans ces emportements une injustice évidente qui nous frappe & qui nous en donne de l'horreur. Au contraire, il femble que le mal que nous fouffrons nous juftifie; il femble qu'il nous difpenfe pour quelque temps de la neceffité d'être raisonnables. N'employe-t-on pas même quelque forte d'art pour s'excufer de ce deffaut, & pour s'y livrer fans fcrupule? Ne. Le déguife-t-on pas fouvent l'impatience fous le nom plus doux de vivacité? il eft vray qu'elle marque toûjours une ame vaincue par fes maux, & contrainte de leur ceder; mais il y a des malheurs aufquels les hommes approuvent que l'on foit fenfible jufqu'à l'excès, & des évenements où ils s'imaginent que l'on peut avec bienfeance manquer de forces, & s'oublier entierement. C'eft alors qu'il eft permis d'aller jufqu'à fe faire un merite de l'impatience, & que l'on ne renonce pas à en être applaudi. Qui l'eût crû, que ce qui porte le plus le caractére de petiteffe de courage pût jamais devenir un fondement de vanité La Religion feule pouvoit remedier à un défaut fi enraciné dans la nature, & quelquefois autorisé par nos fauffes opinions. Elle nous apprend, pour étouffer en nous l'impatien

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tience toûjours nuifible & infenfée, que nous fommes tous pécheurs, que nous devons une expiation à la juftice divine, que tous les maux que nous fommes capables de fouffrir, nous les avons meritez ? Quelle étrange confolation à en juger felon les premiéres idées qui fe prefentent! Quoy, nous ne ferons pas feulement malheureux nous ferons encore obligés de nous croire coupables? Nous perdrons jufqu'au droit de nous plaindre, nos foupirs ne pourront plus être innocents? Encore un coup, quelle étrange confolation!

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C'en eft une cependant & folide & efficace; quelques triftes que paroiffent quelquefois les verités qui nous viennent du Ciel, elles n'en viennent que pour notre bonheur & notre repos. Un Chrétien vivement perfuadé qu'il merite les maux qu'il fouffre, eft bien éloigné de les redoubler par des mouvements d'impatience. Il eft jufte que la revolte de notre ame contre des douleurs deues à nos pechés, foit punie par l'augmentation de ces douleurs mêmes: mais on fe l'épargne; en fe foûmettant fans murmure au châtiment que l'on reçoit. Ce n'eft pas que les Chrétiens cherchent à fouffrir moins, c'eft que d'ordinaire les actions de vertu ont des récompenfes naturelles qui en font inféparables. On ne peut être dans une fainte difpofition à fouffrir que l'on ne diminuë la rigueur des fouffrances. On ne peut y confentir fans les foulager, & lors que nous nous rangeons contre nous-mêmes du parti de la juftice divine, on peut dire que nous affoibliffons en quelque forte le pouvoir qu'elle auroit contre nous.

Faut-il que je mette auffi au nombre des mo

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doute d'autant plus grand, que l'on voyoit les Philofophes, qui jufques-là avoient paru être en poffeffion de toutes les vertus & des verités, confondus & dans leur fpeculation, & dans leurs pratiques, par de nouveaux Philofophes incomparablement plus parfaits. Ce furent ces derniers Sages, ou plutôt ce fut leur Maître celefte qui détruifit les fauffes espèces de patience établies par des Sages trompeurs, & plus vicieufes peutêtre que l'impatience naturelle aux hommes qui n'ont que leurs paffions pour guides.

Ja

H. POINT.

AMAIS la raifon humaine n'a fait éclater tant d'orgueil & n'a laiffé voir tant d'impuiffance que dans la Secte des Stoïciens. Ces Philofophes entreprirent de perfuader aux hommes que leur propre corps étoit pour eux quelque chofe d'étranger, dont les intérêts leur devoient être indifferents, & que les douleurs qui affligeoient ce corps étoient ignorées par le Sage, qui fe retranchoit entierement dans la partic fpirituelle de lui-même. Ainfi le Stoïcien regardoit les maux avec dédain, comme des ennemis incapables de luy nuire, & il fe paroit d'une patience faftueufe, fondée fur l'im-. paffibilité dont fa Secte le flattoit. Souffrir avec conftance, eût été quelque chofe de trop humain, il ne fouffroit point, femblable à Jupiter même, dont il n'avoit lieu d'envier ny les perfections, ny le bonheur.

Jufqu'où vous égarez-vous, foibles efprits des hommes, quand vous êtes abandonnez à vousmêmes? Quoy, il s'agit de foulager les bleffures que nous recevons tous les jours, nous les G4

rece

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