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changemens fur la face de la Lune, fi elle a-voit des nuages autour d'elle; mais tout au contraire, toutes fes taches font fixes, fes endroits lumineux le font toûjours, & voilà le malheur. A ce compte là, le Soleil n'éleve point de vapeurs, ni d'exhalaifons de deffus la Lune. C'est donc un corps infiniment plus dur & plus folide que notre Terre, dont les parties les plus fubtiles fe dégagent aifement d'avec les autres, & montent en haut dès qu'elles font mifes en mouvement par la chaleur. Il faut que ce soit quelque amas de Rochers & de Marbres, où il ne fe fait point d'évaporations; d'ailleurs, elles fe. font fi naturellement & fi néceffairement, où il. y a des Eaux, qu'il ne doit point y avoir d'Eaux. où il ne s'en fait point. Qui font donc les Ha-bitans de ces Rochers qui ne peuvent rien produire, & de ce Pays qui n'a point d'Eaux ? Et quoy, s'écria-t-elle, il ne vous fouvient plus que vous m'avez affurée qu'il y avoit dans la Lune des Mers que l'on diftinguoit d'icy? Ce n'eft qu'une conjecture, répondis-je, j'en fuis bien fâché; ces endroits obfcurs qu'on prend pour des Mers, ne font peut-être que de grandes cavitez. De la diftance où nous fommes, il eft permis de ne pas deviner tout-à-fait jufte. Mais, dit-elle, cela fuffira-t-il pour nous faire abandonner les Habitans de la Lune? Non pas . tout-à-fait, Madame, répondis-je, nous ne nous déterminerons ni pour eux, ni contre eux. Je vous avoüe ma foibleffe, repliqua-t-elle, je. ne fuis point capable d'une fi parfaite indétermination, j'ai besoin de croire. Fixez-moy promptement à une opinion fur les Habitans de la Lune; confervons-les, ou anéantiffons-les

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pour jamais, & qu'il n'en foit plus parlé; mais confervons-les plutôt, s'il fe peut, j'ay pris pour eux une inclination que j'aurois de la peine à perdre. Je ne laifferay donc pas la Lune deferte, repris-je, repeuplons-la pour vous faire plaifir. A la vérité, puifque l'apparence des taches de la Lune ne change point, on ne peut pas croire qu'elle ait des nuages autour d'elle, qui ombragent tantôt une partie, tantôt une autre, mais ce n'eft pas à dire qu'elle ne pouffe point hors d'elle de vapeurs, ni d'exhalaifons. Nos nuages que nous voyons portez en l'air ne font que des exhalaifons & des vapeurs, qui au fortir de la Terre étoient feparées en trop petites parties pour pouvoir être vûës, & qui ont rencontré un peu plus haut un froid qui les a refferrées, & rendues vifibles par la réunion de leurs parties, après quoy ce font de gros nuages qui flotent en l'air, où ils font des Corps étrangers, jufques à ce qu'ils retombent en Pluyes. Mais ces mêmes vapeurs, & ces mêmes exhalaifons fe tiennent quelquefois affez difperfées pour être imperceptibles, & ne fe ramaffent qu'en formant des rofées très-fubtiles, qu'on ne voit tomber d'aucune nuée. Je fuppofe donc qu'il forte des vapeurs de la Lune; car enfin il faut qu'il en forte; il n'eft pas croyable que la Lune foit une maffe dont toutes les parties foient d'une égale folidité, toutes également en repos les unes auprès des autres, toutes incapables de recevoir aucun changement par l'action du Soleil fur elles; nous ne connoiffons aucun Corps de cette nature, les Marbres même n'en font pas, tout ce qui est le plus folide change & s'altére, ou par le mou

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vement fecret & invifible qu'il a en luy-mêou par celuy qu'il reçoit de dehors. Mais les vapeurs de la Lune ne fe raffembleront point autour d'elle en nuages, & ne retomberont point fur elle en pluyes, elles ne formeront que des rofées. Il fuffit pour cela, que l'air dont apparemment la Lune est environnée en fon particulier, comme notre Terre l'est du fien, foit un peu different de notre Air, & les vapeurs de la Lune un peu differentes des vapeurs de la Terre, ce qui eft quelque chofe de plus que vrayfemblable. Sur ce pied-là, il faudra que la matiére étant difpofée dans la Lune autrement que fur la Terre, les effets foient differens, mais il n'importe; du moment que nous avons trouvé un mouvement interieur dans les parties de la Lune, ou produit par des cau-fes étrangères, voilà fes Habitans qui renaiffent, & nous avons le fond néceffaire pour leur fubfiftance. Cela nous fournira des fruits, des bleds, des eaux, &tout ce que nous voudrons. J'entends des fruits, des bleds, des eaux à la maniére de la Lune, que je fais profeffion de ne pas connoître, le tout proportionné aux befoins de fes Habitans, que je ne connois pas non plus.

C'est-à-dire, me dit la Marquife, que vous fçavez feulement que tout eft bien, fans fçavoir comme il eft; c'eft beaucoup d'ignorance fur bien peu de fcience; mais il faut s'en confoler, je fuis encore trop heureufe que vous ayez rendu à la Lune fes Habitans. Je. fuis même fort contente que vous luy donniez un Air qui l'enveloppe en fon particulier, il me fembleroit déformais que fans cela une Planète feroit trop nuë.

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Ces deux Airs differens, repris-je, contribuent à empêcher la communication des deux Planètes. S'il ne tenoit qu'à voler, que fçavonsnous, comme je vous difois hier, fi on ne volera pas fort bien quelque jour ? J'avoue pourtant qu'il n'y a pas beaucoup d'apparence. Le grand éloignement de la Lune à la Terre feroit encore une difficulté à furmonter qui eft affurément confiderable; mais quand même elle ne s'y rencontreroit pas, quand même les deux Planètes feroient fort proches, il ne feroit pas poffible de paffer de l'Air de l'une dans l'Air de l'autre. L'eau eft l'Air des Poiffons; ils ne paffent jamais dans l'Air des Oyfeaux, ni les Oyfeaux dans l'Air des Poiffons; ce n'eft pas la diftance qui les en empêche, c'eft que chacun a pour prifon l'Air qu'il refpire. Nous trouvons que le notre eft mêlé de vapeurs plus épaiffes & plus groffiéres que celui de la Lune. A ce compte un Habitant de la Lune qui feroit arrivé aux confins de notre Monde, fe noyeroit dès qu'il entreroit dans notre Air, & nous le verrions tomber mort fur la Terre.

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Oh, que j'aurois d'envie, s'écria la Marquife, qu'il arrivât quelque grand naufrage qui répandit icy bon nombre de ces gens-là, dont nous irions confiderer à notre aife les figures extraordinaires! Mais, repliquay-je, s'ils étoient affez habiles pour naviger fur la furface extérieure de notre Air, & que de là par la curiofité de nous voir, ils nous pêchaffent comme des Poiffons, cela vous plairoit-il? Pourquoi non, répondit-elle en riant? Pour moi, je me mettrois de mon propre mouvement dans leurs filets, feulement pour avoir le plaifir de voir ceux qui m'auroient pêchée.

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Songez, repliquai-je, que vous n'arriveriez que bien malade au haut de notre Air, il n'eft pas refpirable pour nous dans toute fon étendue, il s'en faut bien; on dit qu'il ne l'eft déja prefque plus au haut de certaines Montagnes, & je m'étonne bien que ceux qui ont la folie de croire que des Genies corporels habitent l'Air le plus pur, ne difent auffi que ce qui fait que ces Genies ne nous rendent que des vifites & très-rares & très-courtes, c'eft qu'il y en a peu d'entre eux qui fçachent plonger, & que ceuxlà même ne peuvent faire jufqu'au fond de cet Air épais où nous fommes, que des plongeons de très-peu de durée. Voilà donc bien des barriéres naturelles qui nous défendent la fortie de notre Monde, & l'entrée de celui de la Lune. Tâchons du moins pour notre consolation à de»viner ce que nous pourrons de ce Monde-là. Je croi, par exemple, qu'il faut qu'on y voie le Ciel, le Soleil, & les Aftres d'une autre couleur que nous ne les voions. Tous ces objets ne nous paroiffent qu'au travers d'une efpèce de Lunette. naturelle qui nous les change. Cette Lunette, c'est notre Air, mêlé comme il eft de vapeurs & d'exhalaifons, & qui ne s'étend pas bien haut. Quelques Modernes prétendent que de lui-mê-. me il eft bleu auffi-bien que l'eau de la Mer, & que cette couleur ne paroît dans l'un & dans l'autre qu'à une grande profondeur. Le Ciel, difent-ils, où font attachées les Etoiles Fixes, n'a de lui-même aucune lumiére, & par confequent il devroit paroître noir; mais on le voit au travers de l'Air, qui eft bleu, & il paroît bleu. Si cela eft, les raions du Soleil & des Etoiles ne peuvent paffer au travers de l'Air

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