페이지 이미지
PDF
ePub

font en general fur un même modèle; mais ceux de deux grandes Nations, comme des Européens, fi vous voulez & des Affriquains ou des Tartares, paroiffent être faits fur deux modèles particuliers, & il faudroit encore trouver le modèle des vifages de chaque Famille. Quel fecret doit avoir eu la Nature pour varier en tant de maniéres une chofe auffi fimple qu'un vifage? Nous ne fommes dans l'Univers que comme une petite Famille, dont tous les vilages fe reffemblent, dans une autre Planète, c'est une autre Famille dont les vifages ont un autre air.

Apparemment les differences augmentent à mefure que l'on s'éloigne, & qui verroit un Habitant de la Lune & un Habitant de la Terre, remarqueroit bien qu'ils feroient de deux Mondes plus voifins qu'un Habitant de la Terre & un Habitant de Saturne. Ici, par exemple, on a l'ufage de la voix; ailleurs on ne parle que par fignes; plus loin on ne parle point du tout. Ici, le raifonnement fe forme entiérement par l'expérience; ailleurs l'experience y ajoûte fort peu de chofe; plus loin les.Vieillards n'en fçavent pas plus que les Enfans. Ici, on fe tourmente de l'avenir plus que du paflé; ailleurs on fe tourmente du paffé plus que de l'avenir; plus loin on ne fe tourmente ni de l'un ni de l'autre, & ceux-là ne font peut-être pas les plus malheureux. On dit qu'il pourroit bien nous manquer un fixiéme Sens naturel, qui nous apprendroit beaucoup de chofes que nous ignorons. Ce fixiéme Sens eft apparemment dans quelque autre Monde, où il manque quelqu'un des cinq que nous poffedons. Peut-être même

D 3

même y a-t-il effectivement un grand nombre de Sens naturels; mais dans le partage que nous avons fait avec les Habitans des autres Planètes, il ne nous en eft échû que cinq, dont nous nous contentons faute d'en connoître d'autres. Nos Sciences ont de certaines bornes que l'Efprit humain n'a jamais pû paffer, il y a un point où elles nous manquent tout-à-coup; le refte eft pour d'autres Mondes, où quelque chofe de ce que nous fçavons eft inconnu. Cette Planète-ci jouit des douceurs de l'Amour, mais elle eft toûjours défolée en plufieurs de fes parparties par les fureurs de la Guerre. Dans une autre Planète on joüit d'une Paix éternelle; mais au milieu de cette Paix on ne connoît point l'Amour, & on s'ennuye. Enfin ce que la Nature pratique en petit entre les Hommes pour la diftribution du bonheur ou des talens, elle l'aura fans doute pratiqué en grand entre les Mondes, & elle fe fera bien fouvenuë de mettre en ufage ce fecret merveilleux qu'elle a de diversifier toutes chofes, & de les égaler en même temps par les compenfations.

Etes-vous contente, Madame, ajoûtay-je en quittant le ton ferieux? Vous ay-je debité affez de chiméres? Vrayement, répondit-elle, il me femble que j'ay prefentement moins de peine à attrapper les differences de tous ces Mondes. Mon imagination travaille fur le plan que vous m'avez donné. Je me représente comne je puis des Caractéres & des Coûtumes extraordinaires pour les Habitans des Planè

& je leur compofe même des figures. tout-à-fait bizarres. Je ne vous les pourrois pas décrire, mais je vois pourtant quelque

chofe

chofe. Pour ces figures-là, repliquay-je, je vous confeille d'en laiffer le foin aux Songes que vous aurez cette nuit. Nous verrons demain s'ils vous auront bien fervie, & s'ils vous auront appris comment font faits les Habitans de quelque Planète.

gdi

NOTED NEWS LET

QUATRIÈME SOIR. Particularitez des Mondes de Venus, de Mercure, de Mars, de Jupiter, & de Saturne.

L

Es Songes ne furent point heureux, ils repréfenterent toûjours quelque chofe qui reffembloit à ce que l'on voit ici. J'eus lieu de reprocher à la Marquife ce que nous reprochent à la vûë de nos Tableaux, de certains Peuples qui ne font jamais que des Peintures bizarres & grotefques. Bon, nous difent-ils, cela est tout fait comme des hommes, il n'y a pas là d'imagination. Il fallut donc fe refoudre à ignorer les figures des Habitans de toutes ces Planètes, & fe contenter d'en deviner ce que nous pourrions en continuant le Voyage des Mondes que nous avions commencé. Nous en étions à Venus. On eft bien sûr, dis-je à la Marquife, que nus tourne fur elle-même; mais on ne fçait pas bien en quel temps, ni par confequent com

D 4

Ve..

bien

bien fes jours durent. Pour fes années, elles ne font que de près de huit mois, puis qu'elle tourne en ce temps-là autour du Soleil. Elle eft une fois & denie groffe comme la Terre, ce qui eft une difference abfolument infenfible aux yeux de fi loin, & par confequent la Terre paroît à Venus de la même grandeur dont Venus nous paroît. J'en fuis bien aife, dit la Marquife, la Terre pourra être pour Venus l'Etoile du Berger & la Mere des Amours, comme Venus l'eft pour nous. Ces noms-là ne peuvent convenir qu'à une petite Planète, qui foit jolie, claire, brillante, & qui ait un air galant. J'en conviens, répondis-je. Mais fçavez-vous ce qui rend Venus fi jolie de loin? c'eft qu'elle eft fort affreufe de près. On a vû avec les lunettes d'approche que ce n'étoit qu'un amas de Montagnes beaucoup plus hautes que les notres, fort pointues, & apparemment fort feches, & par cette difpofition la furface d'une Planète eft le plus propre qu'il fe puiffe à renvoier la lumière avec beaucoup d'éclat & devivacité. Notre Terre dont la furface eft fort unie auprès de celle de Venus, & en partie couverte de Mers, pourroit bien n'être pas fi agréable à voir de loin. Tant pis, dit la Marquife, car ce feroit affurément un avantage & un agrément pour elle que de préfider aux Amours des Habitans de Venus, ces Gens-là doivent bien entendre la galanterie. Oh! fans doute, répondis-je, le menu Peuple de Venus n'eft compofé que de Celadons & de Silvandres, & leurs converfations les plus commu¬ nes valent les plus belles de Clelie. Le climat eft très-favorable aux Amours.

Venus

eft

eft plus proche que nous du Soleil, & en reçoit une lumiére plus vive & plus de chaleur. Elle eft à peu près aux deux tiers de la diftance du Soleil à la Terre.

Je vois préfentement, interrompit la Marquife, comment font faits les Habitans de Venus. Ils reffemblent aux Mores Grenadins; un petit Peuple noir, brûlé du Soleil, plein d'efprit & de feu, toûjours amoureux, faifant des Vers, aimant la Mufique, inventant tous les jours des Fêtes, des Danfes & des Tournois. Permettez-moy de vous dire, Madame, repliquay-je, que vous ne connoiffez guére bien les Habitans de Venus. Nos Mores Grenadins n'auroient été auprès d'eux que des Lapons & des Groënlandois pour la froideur & pour la ftupidité.

Mais que fera-ce des Habitans de Mercure? Ils font encore plus proches du Soleil, & ils en font deux fois & demie plus proches que nous.. Il faut qu'ils foient fous à force de vivacité. Je croi qu'ils n'ont point de memoire, non plus que la plupart des Negres, qu'ils ne font jamais. de réflexion fur rien, qu'ils n'agiffent qu'à l'avanture, & par des mouvemens fubits, & qu'enfin c'eft dans Mercure que font les PetitesMaifons de l'Univers. Ils voient le Soleil plus de fix fois plus grand que nous ne le voyons;. il leur envoye une lumiére fi forte, que s'ils étoient ici, ils ne prendroient nos plus beaux jours que pour de très-foibles Crepufcules, & peut-être n'y pourroient-ils pas diftinguer les objets; & la chaleur à laquelle ils font accoûtumez eft fi exceffive, que celle qu'il fait ici au. fond de l'Afrique les glacercit. Apparemment

D 5

notre

« 이전계속 »