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le verroient feulement pas. Ou ils ne pourroient foûtenir la force de fa lumiére, ou ils ne la pourroient recevoir, faute d'en être à quelque diftance, & tout bien confideré, le Soleil ne feroit qu'un fejour d'Aveugles; Encore un coup, il n'eft pas fait pour être habité; mais voulez-vous que nous pourfuivions notre Voyage des Mondes ? Nous fommes arrivez au centre qui eft toûjours le lieu le plus bas dans tout ce qui eft rond, & je vous dirai en paffant, que pour aller d'ici-là, nous avons fait un chemin de trente-trois millions. de lieues, il faudroit préfentement retourner fur nos pas, & remonter. Nous retrouverons Mercure, Venus, la Terre, la Lune, toutes Planètes que nous avons vifitées. Enfuite c'est Mars qui fe préfente. Mars n'a rien de curieux que je fçache, fes jours font de plus d'une demie-heure plus longs que les notres; & fes années valent deux de nos années, à un mois & demi près. 11 eft environ quatre fois plus petit que la Terre, il voit le Soleil un peu moins grand, & moins vif que nous ne le voyons; enfin Mars ne vaut pas trop la peine qu'on s'y arrête. Mais la jolie chofe que Jupiter avec fes quatre Lunes ou Satellites! Če font quatre petites Planètes, qui tandis que Jupiter tourne autour du Soleil en douze ans, tournent autour de lui comme notre Lune autour de nous. Mais, interrompit la Marquife, pourquoi y a-t-il des Planètes qui tournent autour d'autres Planètes qui ne valent pas mieux qu'elles Serieufement il me paroîtroit plus regulier & plus uniforme que toutes les Planètes, & grandes & petites,

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n'euffent que le même mouvement autour du Soleil.

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Ah! Madame, repliquai-je fi vous fçaviez ce que c'eft que les Tourbillons de Defcarces Tourbillons dont le nom eft fi terrible, & l'idée fi agréable, vous ne parleriez pas comme vous faites. La tête me dût-elle tourner, dit-elle en riant il est beau de fçavoir ce que c'eft que les Tourbillons. Achevez de me rendre folle, je ne me ménage plus je ne connois plus de retenuë fur la Philofophie; laiffons parler le monde, & donnons-nous aux Tourbillons. Je ne vous connoiffois pas de pareils emportemens, reprisje; c'eft dommage qu'ils n'ayent que les Tourbillons pour objet. Ce qu'on appelle un Tourbillon, c'est un amas de matiére dont les parties font détachées les unes des autres, & se meuvent toutes en un même fens; permis à elles d'avoir pendant ce temps-là quelques petits. mouvemens particuliers, pourvû qu'elles fuivent toûjours le mouvement general. Ainfi un Tourbillon de vent, c'eft une infinité de petites parties d'air, qui tournent en rond toutes. enfemble, & enveloppent ce qu'elles rencontrent. Vous fçavez que les Planètes font portées dans la matiére celefte, qui eft d'une subtilité & d'une agitation prodigieufe. Tout ce. grand amas de matiére celefte, qui eft depuis le Soleil jufques aux Etoiles Fixes, tourne en rond; & emportant avec foi les Planètes, les fait tourner toutes en un même fens autour du Soleil, qui occupe le centre, mais en des temps plus ou moins longs, felon qu'elles en font plus ou moins éloignées. Il n'y a pas jufqu'au

Soleit

Soleil qui ne tourne fur lui-même, parce qu'il eft justement au milieu de toute cette matiére celefte; & vous remarquerez en paffant, que quand la Terre feroit dans la place où il est, elle ne pourroit encore faire moins que de tourner fur elle-même.

S'il

Voilà quel eft le grand Tourbillon dont le Soleil eft comme le Maître ; mais en même temps les Planètes fe compofent de petits Tourbillons particuliers à l'imitation de celui du Soleil. Chacune d'elles en tournant autour du Soleil ne laiffe pas de tourner autour d'ellemême, & fait tourner auffi autour d'elle en même fens une certaine quantité de cette matiére celeste, qui eft toûjours prête à fuivre tous les mouvemens qu'on lui veut donner, s'ils ne la détournent pas de fon mouvement general. C'eft-là le Tourbillon particulier de la Planète, & elle le pouffe auffi loin que la force de fon mouvement se peut étendre. faut qu'il tombe dans ce petit Tourbillon quelque Planète moindre que celle qui y domine, la voilà emportée par la grande, & forcée in difpenfablement à tourner autour d'elle, & le tout enfemble, la grande Planète, la petite, & le Tourbillon qui les renferme, n'en tourne pas moins autour du Soleil. C'est ainsi qu'au commencement du Monde nous nous fimes fuivre par la Lune, parce qu'elle fe trouva dans l'étendue de notre Tourbillon, & tout-à-fait à notre bienséance. Jupiter, dont je commençois à vous parler, fut plus heureux ou plus puiffant que nous. Il y avoit dans fon voifinage quatre petites Planètes, il fe les affujettit toutes quatre; & nous qui fommes une Planète

principale, croyez-vous que nous l'euifions été, fi nous nous fuffions trouvez proche de lui? Il eft mille fois plus gros que nous, il nous auroit engloutis fans peine dans fon Tourbillon, & nous ne ferions qu'une Lune de fa dépendance, au lieu que nous en avons une qui eft dans la notre, tant il eft vrai que le feul hazard de la fituation décide fouvent de toute la fortune qu'on doit avoir.

Et qui nous affure, dit la Marquife, que nous demeurerons toûjours où nous fommes? Je commence à craindre que nous ne faflions la folie de nous approcher d'une Planète auffi entreprenante que Jupiter, ou qu'il ne vienne vers nous pour nous abforber; car il me paroît que dans ce grand mouvement, où vous dites qu'eft la matiére celefte, elle devroit agiter les Planètes irreguliérement, tantôt les approcher, tantôt les éloigner les unes des autres. Nous pourrions auffi-tôt y gagner qu'y perdre, répondis-je, peut-être irions-nous foûmettre à notre domination Mercure ou Mars, qui font de plus petites Planètes, & qui ne nous pourroient refifter. Mais nous n'avons rien à efperer ni à craindre, les Planètes fe tiennent où elles font, & les nouvelles conquêtes leur font défenduës, comme elles l'étoient autrefois aux Rois de la Chine. Vous fçavez bien que quand on met de l'huile avec de l'eau, l'huile furnage. Qu'on mette fur ces deux liqueurs un Corps extrémement leger, l'huile le foûtiendra, & il n'ira pas jufqu'à l'eau. Qu'on y mette un autre Corps plus pefant, & qui foit justement d'une certaine pefanteur, il paffera au travers de

l'huile,

l'huile, qui fera trop foible pour l'arrêter, & tombera jufqu'à ce qu'il rencontre l'eau, qui aura la force de le foûtenir. Ainfi dans cette liqueur, compofée de deux liqueurs qui ne fe mêlent point, deux Corps inégalement pefans fe mettent naturellement à deux places differentes, & jamais l'un ne montera, ni l'autre ne defcendra. Qu'on mette encore d'autres. liqueurs qui fe tiennent feparées, & qu'on y plonge d'autres corps, il arrivera la même chofe. Repréfentez-vous que la matiére celefte qui remplit ce grand Tourbillon, a differentes couches qui s'enveloppent les unes les autres, & dont les pefanteurs font differentes, comme celles de l'huile & de l'eau, & des autres liqueurs. Les Planètes ont auffi differentes pefanteurs, chacune d'elles par confequent s'arrête dans la couche qui a précifément la force neceffaire pour la foûtenir, & qui lui fait équilibre, & vous voyez bien qu'il n'est pas poffible qu'elle en forte jamais.

Je conçois, dit la Marquife, que ces pefanteurs-là reglent fort bien les rangs. Plût à Dieu qu'il y eût quelque chofe de pareil qui les reglât parmi nous, & qui fixât les gens dans les places qui leur font naturellement convenables! Me voila fort en repos du côté de Jupiter. Je fuis bien-aite qu'il nous laiffe dans notre petit Tourbillon avec notre Lune unique. Je fuis d'humeur à me borner aisément, & je ne lui envie point les quatre qu'il a.

Vous auriez tort de les lui envier, repris-je, il n'en a point plus qu'il ne lui en faut. Il eft cinq fois plus éloigné du Soleil que nous, c'està-dire, qu'il eft à cent foixante-cinq millions

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