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de lieües, & par confequent fes Lunes ne reçoivent, & ne lui renvoyent qu'une lumiére affez foible. Le nombre fupplée au peu d'effet de chacune. Sans cela, comme Jupiter tourne fur lui-même en dix heures, & que fes nuits qui n'en durent que cinq, font fort courtes, quatre Lunes ne paroîtroient pas fi neceffaires. Celle qui eft la plus proche de Jupiter fait fon cercle autour de lui en quarante-deux heures la feconde en trois jours & demi, la troifiéme en fept, la quatriéme en dix-fept, & par l'inégalité même de leur cours elles s'accordent à lui donner les plus jolis fpectacles du monde. Tantôt elles fe levent toutes quatre ensemble, & puis fe feparent prefque dans le moment; tantôt elles font toutes à leur Midi rangées l'une au deffus de l'autre ; tantôt on les voit toutes quatre dans le Ciel à des distances égales, tantôt quand deux fe levent, deux autres fe couchent; fur tout j'aimerois à voir ce jeu perpetuel d'Eclipfes qu'elles font; car il ne fe paffe point de jour qu'elles ne s'éclipfent les unes les autres, ou qu'elles n'éclipfent le Soleil; & affurément les éclipfes s'étant renduës • fi familiéres en ce monde-là, elles y font un fujet de divertiffement, & non pas de frayeur, comme en celui-ci.

de

Et vous ne manquerez pas, dit la Marquife, á faire habiter ces quatre Lunes, quoique ce ne foient que de petites Planètes fubalternes, ftinées feulement à en éclairer une autre pendant fes nuits? N'en doutez nullement, répondis-je. Ces Planètes n'en font pas moins dignes d'être habitées, pour avoir le malheur d'être affervies à tourner autour d'une autre plus importante.

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Je voudrois donc, reprit-elle, que les Habitans des quatre Lunes de Jupiter, fuffent comme des Colonies de Jupiter, qu'elles euffent reçû de lui, s'il étoit poffible, leurs Loix & leurs Coûtumes, que par confequent elles lui rendiffent quelque forte d'hommage, & ne regardaffent la grande Planète qu'avec refpect. Ne faudroit-il point auffi, lui dis-je, que les quatre Lunes envoyaffent de temps en temps des Députez dans Jupiter, pour lui prêter ferment de fidelité? Pour moi, je vous avoue que le peu de fuperiorité que nous avons fur les Gens de notre Lune, me fait douter que Jupiter en ait beaucoup fur les Habitans des fiennes, & je croi que l'avantage auquel il puiffe le plus raifonnablement prétendre, c'eft de leur faire peur. Par exemple, dans celle qui eft la plus proche de lui, ils le voyent feize cent fois plus grand que notre Lune ne nous paroît, quelle monftreuse Planète fufpendue fur leurs têtes! En verité, fi les Gaulois craignoient ancienne. ment que le Ciel ne tombât fur eux, & ne les écrafât, les Habitans de cette Lune auroient bien plus de fujet de craindre une chute de Jupiter. C'est peut-être là auffi la frayeur qu'ils ont, dit-elle, au lieu de celle des Eclipfes, dont vous m'avez affuré qu'ils font exempts, & qu'il faut bien remplacer par quelque autre fottife. Il le faut de neceffité abfolue, répondis-je. L'Inventeur du troifiéme Siftême dont je vous parlois l'autre jour, le celebre Ticho-Brahé, un des plus grands Aftronomes qui furent jamais, n'avoit garde de craindre les Eclipfes, comme le Vulgaire les craint, il paffoit la vie avec elles. Mais croiriez-vous bien ce qu'il craignoit

en

en leur place? Si en fortant de fon logis la premiére perfonne qu'il rencontroit étoit une Vieille, fi un Liévre traversoit fon chemin, Ticho. Brahé croyoit que la journée devoit être malheureuse, & retournoit promptement fe renfermer chez lui, fans ofer commençer la moindre chofe.

Il ne feroit pas jufte, reprit-elle, après que cet homme-là n'a pû fe délivrer impunément de la crainte des Eclipfes, que les Habitans de cette Lune de Jupiter, dont nous parlions, en fuffent quittes à meilleur marché. Nous ne leur ferons pas de quartier, ils fubiront la Loi commune; & s'ils font exempts d'une erreur, ils. donneront dans quelque autre; mais comme je ne me pique pas de la pouvoir deviner, éclairciffez-moi, je vous prie, une autre difficulté qui m'occupe depuis quelques momens. Si la Terre eft fi petite à l'égard de Jupiter, Jupiter nous voit-il? Je crains que nous ne lui foyons

inconnus.

De bonne foi, je croi que cela eft ainfi, répondis-je. Il faudroit qu'il vît la Terre cent fois plus petite que nous ne le voyons. C'est trop peu, il ne la voit point. Voici feulement ce que nous pouvons croire de meilleur pour nous. Il y aura dans Jupiter des Aftronomes, qui après avoir bien pris de la peine à compofer des Lunettes excellentes, après avoir choisi les plus belles nuits pour obferver, auront enfin découvert dans les Cieux une très-petite Planète qu'ils n'avoient jamais vûë. D'abord le Journal des Sçavans de ce Païs-là en parle; le Peuple de Jupiter, ou n'en entend point parler, ou n'en fait que rire; les Philofophes dont cela

détruit

détruit les opinions, forment le deffein de n'en rien croire; il n'y a que les Gens très-raifonnables qui en veulent bien douter. On obferve encore, on revoit la petite Planète; on s'affure bien que ce n'eft point une vifion; on commence même à foupçonner qu'elle a un mouvement autour du Soleil; on trouve au bout de mille obfervations, que ce mouvement est d'une année; & enfin grace à toutes les peines que fe donnent les Sçavans, on fçait dans Jupiter que notre Terre eft au Monde. Les Čurieux vont la voir au bout d'une Lunette, & la vûë à peine peut-elle encore l'attraper.

Si ce n'étoit, dit la Marquife, qu'il n'est point trop agréable de fçavoir qu'on ne nous peut découvrir de dedans Jupiter qu'avec des Lunettes d'approche, je me reprefenterois avec plaifir ces Lunettes de Jupiter dreffées vers nous, comme les notres le font vers lui, & cette curiofité mutuelle avec laquelle les Planètes s'entreconfiderent & demandent l'une de l'autre Quel Monde eft-ce-là? Quelles Gens l'habitent?

Cela ne va pas fi vite que vous pensez, repliquay-je. Quand on verroit notre Terre de dedans Jupiter, quand on l'y connoîtroit, notre Terre ce n'eft pas nous; on n'a pas le moindre foupçon qu'elle puiffe être habitée. Si quelqu'un vient à fè l'imaginer, Dieu fçait comme tout Jupiter fe moque de lui.Peut être même fommes-nouscaufe qu'on y a fait le procès à des Philofophes qui ont voulu foûtenir que nous étions. Cependant que les Habitans de Jupiter font affez occupez à faire des découvertes fur leur Planète, pour ne fonger point du tout à nous. Elle eft fi grande, que s'ils navigent, affuré

ment

ment leurs Christophes Colombs ne fçauroient manquer d'employ. Il faut que les Peuples de ce monde-là ne connoiffent pas feulement de reputation la centiéme patrie des autres Peuples; au lieu que dans Mercure, qui eft fort petit, ils font tous voifins les uns des autres; ils vivent familiérement ensemble, & ne comptent que pour une promenade de faire le tour de leur Monde. Si on ne nous voit point dans Jupiter, vous jugez bien qu'on y voit encore moins Venus qui eft plus éloignée de lui, & encore moins Mercure qui eft & plus petit & plus éloigné. En récompenfe fes Habitans voient leurs quatre Lunes, & Saturne avec les fiennes & Mars. Voilà affez de Planètes pour embaraffer ceux d'entre eux qui font Aftronomes, la Nature a eu la bonté de leur cachér ce qui en refte dans l'Univers.

Quoy, dit la Marquife, vous comptez cela pour une grace? Sans doute, répondis je. Il y a dans tout ce grand Tourbillon seize Planètes. La nature, qui veut nous épargner lapeine d'étudier tous leurs mouvemens, ne nous en montre que fept, n'eft-ce pas là une affez grande faveur? Mais nous, qui n'en fentons pas le prix, nous faifons fi bien que nous at trapons les neuf autres qui avoient été cachées; aufli en fommes-nous punis par les grands travaux que l'Aftronomie demande prefente

ment.

Je voy, reprit-elle, par ce nombre de feize Planètes qu'il faut que Saturne ait cinq Lunes. Il les a auf, repliquay-je, & avec d'autant plus de juftice, que comme il tourne en trente ans

autour

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